Il y a trois ans, je me suis inscrite sur Tinder pour rencontrer de nouvelles personnes. Pas nécessairement pour me faire un nouveau chum, ni même pour trouver quelqu’un avec qui avoir une aventure. Je suis juste du genre à être ouverte à pas mal tout, et ce genre d’ouverture donne souvent lieu à de très bonnes anecdotes. Un jour, j’ai reçu un court message d’un gars dont le profil ne contenait aucune photo montrant son visage. Sans aucune introduction, il m’a écrit: «Ton nez est vraiment beau. Tu sous-estimes son pouvoir.» Curieuse, j’ai répondu: «Mais encore?» Il m’a alors dit qu’il «mettrait toute sa paye sur mon nez» et que je n’avais aucune idée de tout ce qu’il pourrait me rapporter, avant de me demander le lien de mon compte PayPal. Je n’en avais pas, de compte, mais je me suis dépêchée d’en créer un et de lui donner les infos rapidement. Cinq minutes plus tard, il m’avait envoyé 150 $. Pouf! Juste comme ça. J’ai ensuite réalisé qu’il m’avait bloquée, ou peut-être qu’il avait supprimé son profil, et je n’ai plus jamais entendu parler de lui.

Par précaution, j’ai vérifié les modalités de PayPal, qui stipulent qu’une personne qui nous envoie de l’argent a une période de 30 jours pour changer d’idée. Un mois plus tard, comme les sous étaient toujours dans mon compte, j’ai passé une commande en ligne et me suis fait cadeau d’un beau manteau tout neuf. Qui aurait cru qu’un simple nez pouvait être aussi lucratif?

À peine quelques semaines plus tard, j’ai vu passer le profil d’un autre gars, toujours sans visage, dont les seules photos affichées montraient un balai, une balayeuse et des produits nettoyants… Dans la bio, on pouvait lire que monsieur était un cleaning simp (fétichisme de domination domestique), qu’il faisait ses propres produits maison avec différentes huiles essentielles et qu’il voulait faire du ménage gratuitement chez certaines femmes. Intriguée, j’ai «swipé» à droite et il m’a promptement écrit quelque chose du genre: «Je veux venir nettoyer chez toi parce que tu es une princesse. Tu n’auras rien à faire, pas question de lever le petit doigt; tu peux simplement regarder la télé. Invite-moi.» J’ai accepté. Il faut dire que son offre tombait à point: mon appartement de fille dépressive avec un TDA avait grand besoin d’un bon ménage. 

Avant sa première visite, j’ai fait quelques recherches sur Facebook pour trouver son nom complet, des photos de lui et les coordonnées de sa vraie job, puis j’ai envoyé le tout à ma meilleure amie. Il m’a demandé si je voulais qu’il m’apporte à manger, j’ai dit oui, et il a cogné à ma porte avec tout son équipement et un petit repas de chez St-Hubert. C’était un gars tout à fait ordinaire, la mi-trentaine, très gentil. Pendant que je regardais tranquillement la télé, il a lavé, séché et rangé l’entièreté de la vaisselle, me demandant à l’occasion où ranger tel ou tel chaudron. En partant, il m’a fait la révérence et a proposé de nettoyer tout mon plancher et mes plinthes la prochaine fois. Il est venu chez moi quatre fois au total. Je savais bien que l’activité relevait du fétichisme pour lui, mais je me sentais totalement en sécurité en sa présence. Ses produits sentaient bon et il faisait un excellent travail. En partant, il mettait toujours la touche finale: une petite brume d’ambiance au parfum divin. Pas mal pour un service gratuit!

À sa dernière visite, il a proposé de se tenir à quatre pattes sur le plancher pendant que j’inspectais son travail, et j’ai refusé parce que tout ça devenait un peu trop sexuel à mon goût. Il n’a pas insisté, m’a remerciée avant de partir et je ne l’ai plus revu. Somme toute, j’ai beaucoup apprécié l’expérience et j’en parle sans gêne. Avec mes collègues du bureau, on l’a surnommé Plumeau!

Si ces deux rencontres m’ont appris quelque chose, c’est que les femmes peuvent elles aussi avoir le gros bout du bâton. Recevoir de l’argent pour mon nez et profiter des services d’un cleaning simp, ça fait du bien à l’égo! J’ai adoré me sentir en position de pouvoir. Les applis de rencontre peuvent être très éprouvantes, voire effrayantes, pour les femmes hétéros, et prennent souvent beaucoup plus qu’elles ne redonnent, mais je suis la preuve vivante qu’on peut parfois en ressortir gagnante, pour peu qu’on respecte ses propres limites et qu’on prenne plusieurs mesures pour profiter de l’expérience en toute sécurité. Allez, osez!

Vous vivez une histoire particulière et aimeriez en faire part à nos lectrices? Une journaliste recueillera votre témoignage. Écrivez à Laurie Dupont, à [email protected]

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