Pas étonnant qu’Alison Criscitiello, qui a toujours aimé les régions froides et rudes, et qui a travaillé pendant des années comme garde forestière et guide de montagne aux États-Unis, ait été la première personne à obtenir un doctorat en glaciologie. Aujourd’hui, cette scientifique spécialiste des carottes de glace étudie le climat d’antan en examinant les informations stockées dans les couches de glace. «J’aime combiner l’aventure et la science, mes deux passions», dit-elle à propos de son travail. Cette native du Massachusetts, qui fait partie des quelque 300 personnes à exercer ce métier dans le monde, s’est installée dans la ville nordique d’Edmonton, où elle dirige le laboratoire d’étude des carottes de glace de l’Université de l’Alberta.

En 2023, dans le cadre de l’initiative Perpetual Planet, de Rolex, et en collaboration avec la National Geographic Society, Alison Criscitiello a entrepris une randonnée ardue de deux longues semaines sur le mont Logan, au Yukon — le plus haut sommet du Canada. Son but? Recueillir des données uniques en forant la glace à une profondeur record pour y prélever une carotte de glace contenant 30 000 ans d’histoire climatique, qui nous aidera à en apprendre davantage sur notre passé et, espérons-le, à mieux définir notre avenir. Nous avons parlé avec la chercheuse de son travail, de ce qu’il signifie pour notre environnement et de l’importance de soutenir les femmes dans ce domaine.

Rencontre avec Alison Criscitiello

Quelle est l’une des choses les plus étonnantes que la glace vous ait apprises? 

Mon travail consiste à chercher dans la glace de nouveaux composés chimiques qui peuvent nous permettre de reconstituer des éléments passés du climat que nous ne connaissions pas jusqu’ici. J’ai été très surprise de pouvoir établir un lien entre l’utilisation de certains produits chimiques — qu’il s’agisse de produits industriels, comme le DDT, ou de produits à usage personnel, comme le téflon et le Gore-Tex — et leur augmentation dans l’environnement des régions reculées de la planète. Par exemple, le champ de glace Columbia, en Alberta, semble immaculé. Mais des contaminants hérités du passé, dont le DDT, qui ont été utilisés il y a des décennies et très loin de ce lieu, ont été transportés dans l’atmosphère et condensés à froid dans le manteau neigeux. Ils fondent maintenant dans les réserves d’eau environnantes.

Qu’est-ce que le Mont Logan a de particulier? 

La plupart des données paléoclimatiques issues des carottes de glace proviennent de l’Arctique ou de l’Antarctique. Dans les régions non polaires, peu d’endroits ont été assez froids pendant assez longtemps pour offrir un tel aperçu du passé. Non seulement le mont Logan est un de ces rares endroits, mais il est également unique parce que sa partie la plus élevée s’étend sur 20 kilomètres et que la configuration de son socle rocheux a permis à la glace de s’accumuler dans une cuvette de plus de 400 mètres de profondeur. Les carottes de glace qu’on y prélève peuvent donc nous renseigner sur le climat régional passé. Si nous ne disposions que d’enregistrements climatiques à long terme, nous nous priverions de beaucoup d’informations.

Comment les données recueillies permettent-elles d’ouvrir la voie à l’action? 

Le moyen le plus direct est probablement de contribuer aux rapports du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). Presque chaque jour, des produits chimiques sont interdits, puis remplacés par d’autres. Les approbations sont si rapides que nous ne savons pas vraiment lesquels vont pouvoir se décomposer et se dégrader dans l’environnement. L’espoir, ce serait que l’on comprenne l’importance d’avoir une vision d’ensemble sur les produits chimiques.

Vous avez lancé une initiative, appelée Girls* on Ice Canada. Les femmes ont-elles besoin d’être davantage soutenues dans votre domaine? 

L’objectif du programme n’est pas seulement d’attirer plus de femmes en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM); il vise à renforcer la confiance en soi et l’efficacité personnelle de celles qui évoluent dans le domaine des sciences et du plein air. J’ai lancé ce programme avec deux autres femmes parce que nous voyions les candidates canadiennes s’inscrire à un programme américain de ce type. Nous avons passé des années à réunir suffisamment de fonds pour mettre sur pied une version canadienne.

En quoi le soutien de rolex a-t-il changé l’envergure du projet? 

Le fait qu’une société comme Rolex s’investisse dans l’histoire de la glaciologie, c’est du jamais vu! Je n’aurais pas dit ça dans le passé, mais je pense que le financement direct de la science et le financement direct de sa transmission à la collectivité sont tout aussi importants l’un que l’autre. Finalement, raconter une histoire grâce à nos découvertes, ça incite les gens non seulement à repenser leurs habitudes, mais aussi à amorcer un changement sur le plan politique. 

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