Je tire aux cartes depuis l’adolescence. Évidemment, à l’époque, ce n’était pas très sérieux, mais j’ai toujours été très attirée par le tarot, la médiumnité et, par extension, la relation d’aide. À travers les années, les cartes sont devenues mon métier, un métier qui m’offre une fenêtre unique sur le monde qui m’entoure, sur les secrets que cachent certaines personnes d’influence et sur ce qui, fondamentalement, nous relie les uns aux autres.

Au fil des ans, j’ai tiré aux cartes en Espagne, au Maroc, au Mexique, dans des mariages, des partys de bureau, des journées café et tarot, des soirées de filles et même des baptêmes. Où que je sois, les cartes sont pour moi un outil de lecture énergétique: elles me racontent une histoire sur la personne qui se trouve devant moi, et je me donne pour mission de porter ce récit.

Avant une lecture, je prends le temps de méditer, je me lave les mains et je fais brûler de la sauge afin d’entrer dans un espace de travail libre de toute énergie extérieure et d’être prête à m’imprégner de l’énergie de la personne qui vient me consulter. À travers le tarot, les gens me donnent en quelque sorte la permission d’entrer dans leur vie pour les guider. J’aime la profondeur de cette interaction, cet accès unique à leur intimité, à leur vulnérabilité. Mes consultations me nourrissent énormément, et c’est grâce à elles que j’ai vécu certains des échanges les plus intenses de ma vie. Ce que je préfère, c’est de pouvoir accompagner les gens dans la recherche, la découverte et l’accomplissement de leur mission de vie.

Être tarologue a de bons et de mauvais côtés. La nature confidentielle de ma pratique fait en sorte que j’en apprends énormément sur mes clientes et mes clients. Quand je les croise en public, parfois on fait comme si on ne se connaissait pas, parfois on se contente d’échanger un regard. Il m’est arrivé d’être au courant de grandes décisions d’entreprises avant qu’elles ne soient rendues publiques, d’apprendre des détails intimes sur la vie de personnes connues, de voir une cliente et son mari dans un bar, alors que je la savais amoureuse d’un autre homme. On a déposé des fleurs sur mon balcon, on m’a emmenée en voyage et offert des présents luxueux.

Évidemment, tout n’est pas toujours rose, et tirer aux cartes comporte son lot de mauvaises expériences. Certaines personnes ont hurlé après moi, enragées par ce que je leur disais ou par ce que j’avais vu, en consultation, dans les cartes de leur partenaire. D’autres m’ont dit songer à s’enlever la vie. Inquiète pour la sécurité de certaines clientes victimes de violence conjugale, j’ai parfois été forcée de leur donner un ultimatum, en les prévenant que je n’aurais pas d’autre choix que de dénoncer leur conjoint si elles n’allaient pas rapidement chercher de l’aide. Ces situations me bouleversent évidemment, car au-delà du tarot, je suis une personne, avec mes croyances et mes doutes, et je sais que cet accès à l’intimité des gens est une immense responsabilité. Je parviens généralement à me détacher de ces événements intimes, mais il m’arrive d’être envahie par l’anxiété.

Mon don complexifie aussi ma vie personnelle. C’est solitaire, par moments, d’être celle qui se voue à aider les autres. Quand un proche m’appelle pour savoir comment je vais et que la conversation dévie comme par hasard vers une grosse décision pour laquelle il a besoin de guidance, je me demande parfois s’il voulait vraiment parler à son amie ou plutôt à la médium.

Depuis la pandémie, je constate que les gens sont nettement plus portés à explorer leur vie intérieure. Au plus fort de la crise, je recevais des dizaines de messages par jour et on me téléphonait en pleine nuit. On se sent parfois seul au monde quand on vit de grands bouleversements intérieurs et qu’on est en profonde quête de sens, mais ce n’est absolument pas le cas. J’ai plutôt l’impression que nous sommes en crise existentielle collective. Riche ou pauvre, chacun a ses défis, se cherche et a soif du divin. Les cartes, selon moi, ne sont qu’une manière comme une autre de ramener les gens à leur pouvoir en leur permettant d’accéder à quelque chose qui se trouve déjà en eux. Je les vois comme un outil porteur d’espoir, capable de nous guider vers le bon chemin.

«Ce que je préfère, c’est de pouvoir accompagner les gens dans la recherche, la découverte et l’accomplissement de leur mission de vie.»

Quand j’avais 13 ans, durant un voyage en France avec mon école, je suis passée devant une boutique Louis Vuitton. Je me suis arrêtée pour admirer les magnifiques objets dans sa vitrine, et je me suis promis de m’offrir un sac de cette marque quand j’en aurais les moyens, en songeant qu’il symboliserait le fait que je suis sur mon X, que je vis dans l’abondance.

Plus tôt cette année, une cliente qui travaille pour une compagnie d’accessoires griffés m’a spontanément dit qu’elle allait m’offrir un sac à main pour me remercier. Quelque temps après, un magnifique sac Louis Vuitton a été livré à ma porte. Vingt ans après que j’en ai rêvé, ce sac a fait son chemin jusqu’à moi.

La vie est remplie de détours et d’embûches, mais aussi d’espoir et de petits clins d’œil comme celui-ci qui nous disent, si on sait tendre l’oreille, qu’on se trouve exactement là où on est censé être.

Vous vivez une histoire particulière et aimeriez en faire part à nos lectrices? Une journaliste recueillera votre témoignage. Écrivez à Laurie Dupont, à [email protected].

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