Je suis bonne pour «crisser mon camp». Des fois, je me réveille et je me rends compte que les murs qui m’entourent ne sont plus ceux que je veux voir. Ou que la personne sur l’oreiller, à côté de moi, n’est plus celle que j’aime. Ou que la femme que je suis devenue me déplaît. Dans ce temps-là, je n’ai aucune difficulté à abandonner ce que j’aimais pourtant la veille. Je peux me refaire une vie en moins de deux! Une identité, s’il le faut… Je suis soit très libre, soit très problématique. En fait, je me bats rarement pour retrouver ce qui m’emballait. Je fuis au lieu de bâtir, convaincue que, de toute manière, tout est éphémère.

La littérature scientifique montre que perdre un parent à un jeune âge peut causer des problèmes d’attachement. Je pourrais facilement me réfugier derrière la mort de mon père pour justifier les nombreuses fois où j’ai quitté un monde, du jour au lendemain. Mais la vérité, c’est que le surplace me terrifie. Ça, et le fait que je suis assez égoïste pour accepter de passer en coup de vent dans un projet, un cœur ou même une vie.

La vérité, c’est que j’apprends chaque jour à dompter ma pulsion d’évasion. J’essaie maintenant très fort de considérer les autres et de ne pas être aveuglée par mon seul bien-être. Je tente de découvrir les vertus de la patience, de la réconciliation, du dévouement. Du long terme… Et je m’améliore, pour de vrai. Je m’impressionne, même! J’aime croire que je suis rendue une adulte stable, presque.

Le problème, c’est que plus je m’investis, plus les départs sont douloureux. C’est le désavantage d’accepter de prendre racine. À partir du moment où on se dépose pleinement dans un milieu, il faut une mer de volonté pour faire ses valises. La séparation, jadis si simple et instinctive, soudain, devient prenante. Finie l’époque où on arrachait le pansement d’un coup. On y va millimètre par millimètre, à contrecœur. Parce que oui, des fois, notre cœur voudrait rester là où il est… Notre tête est heureuse, notre âme en paix, on s’épanouit! Le problème est ailleurs.

Voyez-vous, devenir une adulte responsable, dans mon cas, c’est aussi cumuler les contrats. C’est voir les tâches augmenter et c’est chercher à les honorer pleinement. C’est aimer chaque seconde passée à raconter des histoires, à réfléchir, à communiquer. Puis, c’est, éventuellement, devoir faire des choix…

Ma cour déborde. Je voudrais garder tout ce qu’il y a dedans, mais ce serait une très mauvaise idée sur le plan de ma qualité de vie, de la qualité de mon travail et de la quantité de caresses quotidiennes que je veux accorder à mon chat.

Je vais devoir fuir, encore une fois. Mais contrairement à bien des au revoir que j’ai déclenchés dans ma vie, là, je pars à reculons. J’ai adoré vous jaser et collaborer avec une équipe aussi créative que sensible. Je me suis sentie privilégiée à chaque numéro. Et aujourd’hui, je comprends à quel point les départs, bien que nécessaires, sont parfois déchirants…

Merci à ELLE Québec de m’avoir accueillie dans ses pages. Elles sont belles et elles sentent bon. Merci à vous de m’avoir accueillie dans votre vie. Vous êtes un lectorat infiniment bienveillant. Je vous promets que vous n’étiez pas qu’un coup de vent dans ma vie professionnelle.

À tout bientôt, j’espère!

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