Josée, qu’as-tu pensé en visionnant la capsule de Sophie et Maxim?

«C’était une belle conversation sur les effets pervers de la positivité extrême. Je pense que ça peut rejoindre de nombreuses personnes, c’est un sujet intéressant – et on en parle de plus en plus, c’est tant mieux!»

Durant la pandémie, on a eu un bel exemple de positivité extrême avec le fameux «Ça va bien aller!» qu’on entendait sans relâche. Qu’en as-tu pensé?

Chaque époque vient avec ses défis, mais au courant des deux dernières années, on a vécu un stresseur chronique collectif – ce qui est plutôt rare, du moins au Canada où on est plutôt à l’abri des guerres, des conflits. On a vécu cet évènement sur une longue durée, ensemble. La pandémie a touché tout le monde, sans exception. Le slogan «Ça va bien aller!» est devenu comme un cri de ralliement, et, au départ, c’était normal. C’était un signe d’adaptation, qui venait contrecarrer le stress qu’on vivait, l’effet brusque de la chose. C’est de là que part souvent la positivité toxique : un évènement nous choque, nous surprend, et on tente de le nier et d’amenuiser son impact émotionnel autant qu’on peut. Ce n’est toutefois pas durable sur le long terme. À court terme, la pensée positive a ses avantages, elle nous permet d’être moins démolis par ce qui nous arrive, mais à long terme, elle est plutôt néfaste, notamment lorsqu’on vit des événements graves. Alors, il faut se laisser de la place pour vivre autre chose, toute notre gamme d’émotions.

Quelle aurait été une meilleure stratégie?

On aurait pu se dire : c’est difficile, mais on sera capable de surmonter le défi. Mais est-ce que tout va bien aller? Non. Des gens sont morts, ont été malades, ont vécu de la détresse profonde, etc. C’est une pensée toute faite, pour se rassurer, ce slogan. Si on a conservé ce positivisme extrême pendant ces deux années, on tombe en bas de notre chaise chaque fois que ça ne se passe pas comme prévu, chaque fois qu’il y a une autre vague, que quelqu’un qu’on aime tombe malade. Ce n’est pas être défaitiste que de se dire, durant des évènements difficiles que… c’est difficile! L’admettre ne veut pas dire qu’on baisse les bras devant l’adversité.

Il faut voir les pensées comme étant sur un continuum. Au centre, on est réaliste. Au bout du spectre, on est soit extrêmement négatif (ne voir que le côté sombre des situations qui nous arrivent), soit extrêmement positif (penser que tout va bien tourner). Il faut se rapprocher le plus possible du centre, pour atteindre un optimisme réaliste, admettre que c’est difficile et vivre nos émotions négatives tout en espérant que le meilleur survienne. Ainsi, on est capables de faire face aux situations avec résilience – qu’on les surmonte individuellement ou collectivement. On ne nie pas notre ressenti.

Comment peut-on aider un proche à surmonter une période difficile, sans tomber dans la positivité toxique?

Quand quelqu’un ne va pas bien, ce n’est pas nécessairement le temps de relativiser ou de trouver des solutions miracles. C’est plutôt un moment où on doit faire preuve d’écoute active – les deux femmes abordent d’ailleurs le sujet dans leur conversation. Elles parlent de laisser de la place à la détresse pour qu’elle soit exprimée, et de poser des questions avec empathie, sans jugement, afin de mieux comprendre l’autre. C’est d’ailleurs pourquoi la psychothérapie fonctionne : on approfondit une émotion, un ressenti face à une situation, en posant des questions. Une psy ne nous dira jamais simplement: «ne t’en fais pas, ça va bien aller»!

Lorsque quelqu’un tente de nous remonter le moral de cette façon, comment exprimer que ça ne nous convient pas, que ça ne nous fait pas du bien?

C’est délicat, parce que quelqu’un qui fait preuve de positivité extrême, habituellement, ne le fait pas par mauvaise foi ou par méchanceté. Je dirais que ça dépend du lien qu’on a avec la personne! Si c’est un proche qui tente toujours de faire dévier la conversation quand on exprime un sentiment négatif, on peut tenter d’expliquer qu’on a besoin d’espace pour parler de nos émotions, de notre ressenti. Par exemple : «Je te fais confiance, j’ai besoin de me vider le cœur, j’ai simplement besoin que tu m’écoutes, pour l’instant.»

Quelles fausses croyances entourent la positivité?

Il y a cette croyance  très ancrée dans la culture nord-américaine que nos pensées et nos émotions vont influencer le cours des évènements. Que si on «pense positif», des choses positives arriveront, mais que si on «pense négatif», des choses négatives surviendront. C’est faux! En fait, on est mieux préparés quand une malchance arrive lorsqu’on regarde la réalité en face. Quand on envisage tous les scénarios possibles – les beaux et les moins beaux – avec optimisme et espoir, mais avec une bonne dose de réalisme – sans être dans l’inquiétude ou dans l’angoisse. Il faut éviter d’être… dans l’évitement! En tentant de cultiver l’optimisme réaliste, on sera mieux outillés pour affronter les aléas de la vie.

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