Le mouvement cypherpunk, dans l’histoire de la technologie, est un groupe très marginal de geeks pour qui la vie privée passe par une utilisation massive de la cryptographie afin de se protéger des invasions des grandes entreprises ou de l’État dans leurs ordinateurs.

Aujourd’hui, les invasions dans la vie privée dépassent de très loin nos disques durs… Dans moins de deux ans, selon la firme IHS Markit, on trouvera dans le monde plus d’un milliard de caméras de surveillance. En Chine, il y a 1 caméra par 4,1 habitants. Aux États-Unis, 1 par 4,6. Au Canada, on en est encore loin: Toronto serait la ville la plus épiée au pays, avec 1 caméra par 400 habitants. Sauf qu’ici aussi, les caméras se multiplient.

Autre léger problème, les fuites de données n’ont jamais été aussi nombreuses: en 2019, 28 millions de dossiers se sont perdus dans la nature au Canada seulement. Et ça augmente chaque année.

Notre visage, contrairement à un numéro de carte de crédit, ne peut être changé. C’est pourquoi on voit se profiler une nouvelle tendance: le brouillage artistique du visage. Comment? Par un maquillage et une coiffure destinés à tromper les systèmes de surveillance: le CV Dazzle (pour computer vision dazzle). L’artiste américain Adam Harvey a lancé très discrètement cette mode techno en 2010, et depuis sa popularité ne fait que grandir. Il faut dire qu’en 2010, aucune intelligence artificielle n’était branchée à ces caméras… Ce qui explique peut-être qu’encore, en 2019, le CV Dazzle a reçu un bel accueil, notamment au prestigieux MoMA PS1 de New York.

Cette technique, qui s’inspire du camouflage des navires de guerre de la Deuxième Guerre mondiale, est aussi flamboyante que paradoxale. Si, pour le moment, elle trompe les algorithmes de reconnaissance faciale, il y a fort à parier qu’elle fera de nous une star lorsqu’on se pointera au bureau grimée de la sorte par un gris lundi matin de mars, et ce, même si on travaille chez Gucci. Mais une question se pose… Ce maquillage sera légal pendant combien d’années encore?