Vous souvenez-vous des Noël de votre enfance – quand les oncles, les tantes, les neveux, les nièces, les parents et les grands-parents se réunissaient pour faire la fête jusqu’aux petites heures du matin?

À l’époque, on avait un fun noir. Mais les temps ont bien changé. Nous sommes maintenant plus prudents, plus peureux. Moins insouciants.

Imaginez comment on réagirait si on pouvait remonter dans le temps! Je suis sûr que plusieurs personnes seraient révoltées de la façon dont on se comportait alors.

Premièrement, mononcle René – qui buvait son 40 onces de gin à chaque Noël – ne ferait plus rire personne. On se questionnerait sur sa santé mentale. On l’isolerait dans un coin et on lui conseillerait de téléphoner aux Alcooliques Anonymes.

Deuxièmement, on serait mal à l’aise devant l’arbre de Noël de matante Huguette. Après tout, le Québec a changé; ce n’est plus tout le monde qui célèbre le 25 décembre. On aurait peur d’insulter Mustafa, le nouveau chum de Manon, ou Fatima, la nouvelle blonde de Sylvain, qui se foutent de Noël comme de leur première djellaba.

Troisièmement, plus personne ne mangerait la bouffe de matante Gisèle. Des petits pains fourrés à la viande, des charcuteries, des tourtières, du ragoût de pattes de cochon, des cretons… êtes-vous fous? Jetez ça à la poubelle et remplacez-moi ça par du hoummos et des poivrons grillés! On oublie aussi les boissons gazeuses, qui contiennent trop de sucre et excitent trop les enfants, et la traditionnelle bûche, une vraie bombe alimentaire ambulante…

Quatrièmement, plus personne n’accepterait que les enfants s’assoient sur les genoux de mononcle Henri. Et on appellerait la DPJ dès qu’une matante danserait un peu trop collée contre un de ses neveux.Cinquièmement, on limiterait la consommation d’alcool à deux verres par invité. Après tout, c’est une fête: on ne voudrait quand même pas que quelqu’un se tape une crise cardiaque au beau milieu du party!

Sixièmement, la cigarette serait strictement interdite. Par conséquent, les invités devraient enfiler leurs bottes et leurs parkas pour aller fumer dehors.

Septièmement, les enfants ne pourraient plus s’endormir dans les manteaux de fourrure de leurs matantes. Un, parce que la plupart des enfants sont maintenant allergiques au poil, et deux, parce que ce n’est pas beau, de la fourrure, ça fait mal aux animaux…

Huitièmement, aucun jouet made in China ne serait toléré. C’est de l’exploitation pure et simple! Il est temps qu’on sensibilise nos jeunes aux malheurs des enfants qui vivent dans les pays du tiers-monde… Idem pour les décorations achetées au Dollarama, chez Costco ou Wal-Mart.

Neuvièmement, les gens ne pourraient plus danser le limbo, (une danse discriminatoire qui ridiculise les coutumes ancestrales des peuples d’Amérique du Sud) ni chanter Macho Man, In the Navy ou YMCA des Village People (des rengaines stupides qui cantonnent les homosexuels dans des stéréotypes caricaturaux).

Dixièmement, les enfants devraient se coucher à 20 h 30, pas plus… histoire d’être en forme pour leurs cours de natation le lendemain matin, à 6 h 30.

Et onzièmement, on ne pourrait plus laisser les enfants à eux-mêmes dans le salon. Il faudrait engager un magicien, un clown et un animateur de garderie pour les occuper et s’assurer qu’ils ne jouent pas à la bouteille derrière le canapé.

Ah, quelle imprudence, les amis! Quelle décadence, quelle irresponsabilité! Et le pire, c’est qu’on faisait ça deux fois par année: le 25 et le 31 décembre…

Heureusement, les temps ont changé. Aujourd’hui, nous sommes ouverts, tolérants, responsables, sensibles, informés. Et ennuyants comme un grand verre d’eau. Joyeux Noël. Zzzzzzz…

Article publié originalement dans le numéro de décembre 2006 du magazine ELLE QUÉBEC

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