Strass, paillettes et projecteurs: bienvenue dans l’univers flamboyant de Mina Gerges, drag queen, mannequin, influenceur et défenseur de calibre mondial des droits des personnes LGBTQIA2+. L’Égypto-Canadien de 28 ans milite ardemment pour la positivité corporelle, l’acceptation de soi et la diversité. Il s’est d’ailleurs fait connaître en devenant le premier participant taille plus à l’émission Canada’s Drag Race en 2019. Depuis, il a aussi été le premier mannequin queer masculin à prêter son visage à deux campagnes nationales signées Sephora et Pharmaprix, ainsi qu’à la récente campagne En mode fierté, de Holt Renfrew.

On sous-estime souvent la complexité des numéros de drag qu’on voit à la télé. C’est pourquoi Mina se fait un point d’honneur de dévoiler toute la maestria que cela suppose en coulisse — de la conception des costumes et des perruques au maquillage de haute voltige, en passant par la création de personnages plus grands que nature. «J’ai toujours considéré la drag comme le summum de l’expression de soi. Quand j’invente un personnage, j’essaie de matérialiser une émotion, de transmettre quelque chose de fort et de puissant.» C’est sans doute dans une volonté d’incarner la confiance en soi qu’il a donné naissance à son personnage de prédilection. Inspirée par les origines de Mina, Néfertiti est une déesse égyptienne voluptueuse et haute en couleur, couronnée d’une imposante tignasse bouclée et d’une verve féroce. Or, malgré cet alter ego à la personnalité encore plus vertigineuse que ses talons, c’est sans aucune prétention que Mina s’est présenté à notre séance photo. Après avoir embrassé tout le monde, il s’est empressé de mettre de l’ambiance en faisant résonner dans le studio les voix de divas de la pop arabe comme Nancy Ajram et Haifa Wehbe.

Ayant grandi au Moyen-Orient, Mina a dû lutter contre les tabous entourant l’homosexualité dans son pays d’origine. Sur Internet, les seuls termes utilisés pour décrire la chose étaient des mots péjoratifs tels que «pédophile» et «pécheur». Il a fait l’objet de discrimination par ses pairs et des dissensions ont éclaté avec ses parents conservateurs. Le jeune Mina a donc forgé son identité sur fond de honte et de conflits intérieurs. Cette oppression a toutefois été le catalyseur de sa détermination à tracer sa propre voie. «D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aspiré au bonheur. Je refusais d’être une victime. J’ai donc décidé de devenir la meilleure version possible de moi-même et de mener ma vie sans peur. C’est comme ça que je suis entré dans le royaume de la drag.»

Pendant son adolescence, Mina raconte que ses deux sœurs ont joué un rôle clé en l’aidant à explorer ses passions, à se maquiller et à se costumer. «Je me souviens de m’être déguisé en Nicki Minaj dans la salle de bain. Une de mes sœurs prenait des photos quand on a entendu mon père rentrer à la maison. On a paniqué et on s’est dépêchés de tout ranger pour ne laisser aucune trace. Sauf que mon père est tombé sur les photos plus tard», relate Mina, dans un sourire complice.

«J’ai toujours considéré la drag comme le summum de l’expression de soi. Quand j’invente un personnage, j’essaie de matérialiser une émotion, de transmettre quelque chose de fort et de puissant.»

Il a 14 ans quand sa famille immigre au Canada. Passé le choc culturel, il découvre que les jeunes d’ici l’acceptent plus facilement tel qu’il est. À 21 ans, il entre à l’Université Western Ontario, à London. Grâce aux amis bienveillants et à la communauté inclusive qu’il y trouve, sa personnalité queer peut ouvrir grand ses ailes. Mais c’est en 2015 que la carrière de Mina prend vraiment son essor. Alors qu’il s’amuse à reproduire les looks des stars sur le tapis rouge, il est propulsé au rang d’Instacélébrité (@minagerges) quand ses publications virales attirent l’attention des Beyoncé, Rihanna, Nicki Minaj, Kim Kardashian et Katy Perry de ce monde. Mina réalise alors que le mannequinat l’appelle — malgré le manque criant de représentation des personnes queer, de couleur et de forte taille dans cette industrie. Armé de sa détermination à toute épreuve, il se met en tête de changer la donne par amour pour les communautés auxquelles il s’identifie. Après trois ans à se buter contre des portes fermées, il refuse de déclarer forfait aux cerbères de l’industrie et décide d’assurer sa propre représentation. «Pendant la pandémie, j’ai continué à être actif sur Instagram. J’ai reçu beaucoup de réactions haineuses parce que je ne correspondais pas aux standards de beauté traditionnels de l’homme blanc mince et musclé», explique Mina, qui a pris une pause des médias sociaux pendant plusieurs mois.

C’est alors que Sephora lui a proposé de participer à une campagne de marque qui allait faire de lui une tête d’affiche sur l’emblématique Dundas Square, à Toronto — un moment décisif qui allait lui ouvrir bien d’autres portes, dont celles de Teen Vogue et TIME Magazine, ainsi que de Calvin Klein et Holt Renfrew. Aujourd’hui, Mina considère le fait d’être queer comme une bénédiction et une force motrice. Soit, il est apparu dans plusieurs campagnes internationales et les occasions de briller ne cessent de se multiplier. Mais sa plus grande réalisation est d’être resté fidèle à lui-même tout au long de sa montée vers la gloire, et d’inspirer d’autres gens à en faire autant. Quant à la suite, il souhaite continuer à collaborer avec des organismes queer locaux, afin de contribuer à bâtir un avenir plus favorable aux communautés LGBTQIA2+ et à déboulonner les normes de beauté classiques. «Je suis témoin de l’influence qu’a mon travail sur la vie de jeunes qui ont dû affronter les mêmes combats que moi, affirme Mina avec fougue. Je leur dis toujours qu’il n’y a rien de plus puissant que d’être vraiment soi-même. C’est leur superpouvoir.»

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