Votre rapport au soutien-gorge a-t-il changé depuis le début de la pandémie? Il semblerait que le télétravail ait délivré bien des poitrines de la dictature des cerceaux! Et je ne peux que m’en réjouir, parce que, voyez-vous, je milite depuis longtemps pour le libre choix mammaire…

La cause peut avoir l’air futile, mais elle a une importance économique et sociologique. Selon une étude réalisée en 2009, les femmes britanniques dépensent près de 5000 $ en soutiens-gorge au cours de leur vie. Des milliers de dollars pour un vêtement qu’on enlève en poussant un soupir de soulagement! Je ne trouve pas ça particulièrement normal qu’on compose avec un tel irritant au nom de… Au nom de quoi, au fait? Des standards imposés? De ceux qui voudraient que tous les seins aient la même forme? Qu’on ne voit jamais une trace de mamelon sous un chandail? Qu’on en vienne à croire que des seins, ça ne bouge pas quand on marche? Que ça se porte très haut, nonobstant la nature de notre corps?

En fait, c’est précisément le jour où je me suis demandé pourquoi je portais un soutien-gorge que j’ai arrêté d’en mettre. C’était il y a six ans, et la réponse à ma question était simple: toutes les femmes autour de moi le portaient. En plus, ça me donnait l’air d’avoir de plus gros seins… Deux raisons qui ne me satisfaisaient pas tant sur le plan philosophique. Donc, le lendemain, je me suis pointée au bureau sans soutien-gorge (mais avec une légère anxiété).

En toute bienveillance, des collègues féminines m’ont confirmé que c’était un choix légitime, mais qu’il ne passerait jamais sur les plateaux de télé. On m’a prévenue que le secteur des entreprises trouverait ça dur à accepter, que certaines personnes cesseraient d’écouter mes propos, trop dérangées par ma poitrine. Bref, on m’a dit beaucoup de choses. Et j’avoue que mes premières capsules web à titre d’animatrice sans soutien-gorge ont provoqué quelques commentaires surpris – étonnamment, juste de la part des femmes. Mais finalement, deux semaines plus tard, on n’a plus rien dit. Aucun des désastres envisagés ne s’était produit.

Grande surprise: les gens se foutent un peu de ce qu’on fait avec nos sous-vêtements au bout du compte. Les voix les plus effrayantes, dans cette grande transition, sont probablement celles qui résonnent dans notre tête.

Depuis, plusieurs de mes amies ont elles aussi abandonné le soutien-gorge. Certaines, dotées de seins 10 fois plus gros que les miens, craignaient les réactions que susciterait leur choix. Elles croyaient qu’avec leur physionomie, ce n’était pas vraiment une option. Elles ont été ravies de constater que ce qu’elles portaient ou pas sous leur chemisier n’avait aucune incidence sur leur quotidien. D’autres m’ont dit qu’elles ne se départiraient jamais de leur précieux soutien-gorge pour des raisons de confort. Et c’est parfait ainsi. Je ne milite pas pour l’abolition du soutien-gorge, mais plutôt pour le droit de ne pas adopter un vêtement qu’on nous présente dès nos 12 ans comme s’il était inévitable. Notre droit de nous présenter telles que nous le voulons, confinement pandémique ou non…

Souvent, on me demande si je tiendrai le même discours en vieillissant. Je l’espère. En fait, je crois que je suis plus fière de mon corps depuis que j’ai mis de côté le soutien-gorge. Je reconnais mes seins pour ce qu’ils sont: changeants, vivants, réactifs. Leur liberté m’apporte non seulement un confort accru, mais aussi une confiance nouvelle. Celle qui souffle quand on décide de ce qu’on fait avec notre peau.

(Oh, si jamais la vie sans soutien-gorge est récente pour vous, je vous rassure: il m’a fallu six mois avant d’arrêter de tenir mes seins en montant les escaliers. On finit par s’habituer et par ne plus rien sentir. Persévérez!)

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