D’abord, quelle est ton impression de la discussion entre Sophie et Christiane?

«J’ai beaucoup apprécié leur ouverture. J’ai trouvé les questions de Sophie très pertinentes, transparentes. Mme Germain a été capable de répondre à certaines d’entre-elles pourtant difficiles, et à mettre ses limites quand elle ne pouvait plus le faire. C’est une conversation que l’on sent vraie, et ça peut aider les spectateurs à faire une introspection, à normaliser leur propre vulnérabilité ainsi que celle de l’autre. En fait, de réaliser qu’aller chercher de l’aide fait partie d’une stratégie saine au maintien de sa performance à tous les niveaux.»

Est-ce qu’un sujet est particulièrement venu te chercher?

« Lorsqu’on parle de santé mentale dans le domaine des entrepreneures, lorsqu’on parle de ce qui a provoqué une chute, les mêmes thèmes reviennent souvent tout en étant vécus très différemment. Il faut donc creuser, élaborer. Pourquoi cette chute? Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné? Quelles peurs sont sous-jacentes à notre problème: la peur du jugement, de ne pas être à la hauteur? Dans quels rôles choisis, ceux qui définissent notre égo, vivons-nous de la culpabilité ou ces émotions négatives? C’est quand on se pose ces questions difficiles, justement, que ça devient intéressant… et salvateur.»

Pourquoi pense-t-on que les hautes gestionnaires, que les entrepreneures, que les «boss» sont un peu protégées du burn-out? Comme si ça ne pouvait pas leur arriver…

«Les gens dans ce type de positions sont constamment dans l’action. Ce sont des visionnaires – et ils doivent être fonceurs, voire un peu narcissiques, c’est ce que ça prend pour réussir à se démarquer! Ils se projettent donc dans l’avenir tout en mettant les bases dans le moment présent. Ça les ground dans l’aujourd’hui, dans le maintenant. À ces niveaux, il faut de grandes marges de manœuvre pour réaliser sa vision, pour atteindre ses objectifs. Et lorsque les résultats souhaités sont atteints, ça donne un bon boost de dopamine, d’endorphine, de sérotonine – ce qui vient équilibrer leur santé mentale, malgré le stress élevé lié à leurs emplois. C’est quand cette latitude est restreinte que ça devient plus difficile à gérer… »

Comme durant la pandémie, par exemple?

« Exactement. Durant ce moment, pour l’une des rares fois de leurs carrières, beaucoup d’entrepreneures ont vu les balises de leurs marges de manœuvre être modifiées: la règlementation, le transport, l’équipe, etc. Ils ont expérimenté un pouvoir d’action diminué et des résultats moindres, malgré les trop nombreux changements implantés et les efforts fournis.  Ils devaient aussi prendre des décisions crève-cœur. Ç’a créé beaucoup de souffrances.»

Qu’est-ce que tu conseilles aux entrepreneures qui vivent ces difficultés, cette chute?

«Il faut être capable de découvrir la source de cette souffrance et les ramener dans le moment présent. La colère, une émotion qui vient facilement aux entrepreneures, cache souvent des peurs. Qu’est-ce qui se cache derrière cette irritation ou inquiétude? En accompagnement, on essaie de travailler sur la « vraie » émotion. Mme Germain a le bon réflexe quand elle affirme songer à retourner voir sa psy suite à la pandémie, car elle se sent fragile. Ça prend parfois quelqu’un pour nous aider à mieux observer nos émotions, à prendre en compte le contexte. Parce que la peur, souvent déguisée en colère, n’est pas un bon carburant pour cette créativité nécessaire au succès– ni pour de bonnes relations humaines, d’ailleurs. »

Quand devraient-elles consulter un professionnel de la santé mentale, à ton avis?

«Je crois qu’il faut simplement le mettre à l’agenda. Il ne faut pas attendre un épisode de burn-out ou santé-mentale. Il existe de nombreuses façons d’aller chercher de l’aide. On sait que les entrepreneures sont habituellement des gens solitaires, mais l’humain a besoin de se sentir connectées pour être bien. On peut évidemment consulter un psy, un coach, un accompagnateur, mais il existe aussi des groupes d’entraide pour les entrepreneures ou non spécifique à ces dernières, mais dans lequel un espace d’échanges où on se sent en sécurité, nous permettra de mieux comprendre ce qui perturbe et restaure notre équilibre.

En accompagnement, on essaie de trouver ce qu’on peut mettre en application dès le départ, dans le quotidien des entrepreneures et des hautes gestionnaires, pour aider leur santé mentale ainsi que leur intelligence émotionnelle. Parce que, dans une entreprise, le bien-être mental part souvent d’en haut… Il faut donc que les gestionnaires comprennent le pouvoir d’êtres humains et éthiques.  Penser au développement organisationnel est crucial, mais une décision ne peut-être adéquate que si le côté émotionnel est pris en compte. Sinon, ça peut vite créer une ambiance toxique. En partant de la racine, des hauts placés, ça permet à tous de performer pour les bonnes raisons et au bon moment.»

Pourquoi crois-tu que les entrepreneures sont aussi réticentes à demander de l’aide?

«Je sais au travers de nombreux sondages que j’ai menés qu’il peut y avoir une peur de paraître incompétent, ou de voir leurs craintes confirmées. Ça dérange l’égo, de demander de l’aide – et les entrepreneures ont souvent de gros égos, ça fait partie de ce qu’il faut pour réussir! Elles ont souvent peur que l’accompagnement, que le développement de leur intelligence émotionnelle, leur face perdre leur drive. Mais, c’est plutôt le contraire! Elles seront encore plus rassembleuses, plus humaines, plus empathiques – et envers eux-mêmes aussi. Parce que ce type de personnalités est très dur envers lui-même, aussi. Ça leur permet d’en faire une prise de conscience et de se traiter avec plus de douceur et de véracité. Et se voir réellement, en tout temps, ça, c’est vraiment la clé du succès.»

* Le féminin est utilisé pour alléger le texte.

Pour en savoir plus, visitez le site web de Marie-Josée Michaud.

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