Elisapie, quel a été l’élément déclencheur qui t’a incitée à faire cet album?

Pendant la pandémie, je me suis mise à écouter des vieilles tounes en joggant, et je revenais souvent de mes courses en pleurant. Certaines pièces me ramenaient à des souvenirs précis et ont commencé à prendre une signification particulière pour moi.

Quelles chansons se sont-elles rapidement taillé une place dans l’album?

Instinctivement, j’ai pensé à Heart of Glass, de Blondie. J’ai des souvenirs d’enfance liés à cette chanson. Je vois des jambes, des fesses qui bougent, des cheveux qui dansent et, surtout, plein de couleurs. Des baby-sitters s’étaient réunies dans le dancehall, et nous, les enfants, on avait accès à cet endroit, parce que dans le Nord, c’est free-for-all, dans le sens que tout le monde prend soin de tout le monde. Je ne me souviens plus de ce qui s’est passé avant ou après ce moment, mais quand je revois la scène dans ma tête, c’est comme un clip en slow motion de Xavier Dolan.

Je crois que tu as aussi un attachement particulier à Wish You Were Here, de Pink Floyd…

C’est une chanson que je ne voulais pas nécessairement mettre sur Inuktitut, mais je n’arrivais pas à m’en départir, j’y revenais toujours. J’ai dit à Joe [Grass, le réalisateur] qu’il allait me trouver cheesy, mais que je n’y pouvais rien: Wish You Were Here me fait vraiment quelque chose. Quand je l’écoute, je me sens toujours en deuil. Ça me rappelle les suicides de mes proches et les périodes de déprime où on fumait du weed en se disant: «Encore un autre.» C’était tellement la norme [de perdre des proches] que ça nous rendait un peu numb. En travaillant à la chanson, j’ai réalisé que la peine était encore bien là, en moi. Quand j’ai entendu les magnifiques arrangements de cuivres que le quatuor The Westerlies a faits pour cette pièce, j’ai eu l’impression d’honorer mes cousins qui sont partis et d’enfin pouvoir revoir la lumière en pensant à eux.

Avez-vous eu de la difficulté à obtenir les droits pour reprendre ces classiques du rock et de la pop?

Oh oui! À venir jusqu’au début de décembre dernier, on avait reçu le go de David Gilmour, de Pink Floyd, mais Roger Waters n’avait pas encore répondu. On savait que, la plupart du temps, il refusait ce genre de demande, surtout quand c’est une adaptation et que le sens de certains mots peut changer à cause de la langue… Puis, en quatre jours, tout a débloqué: on a obtenu les droits des chansons de Cindy Lauper, de Led Zeppelin et de Pink Floyd. Juste avant Noël. Ç’a été tout un soulagement!

As-tu fait écouter tes chansons aux membres de ta communauté?

Apparemment, les deux premiers extraits de l’album roulent à la radio chez nous. Ça me fait plaisir! Je voudrais tellement être là chaque fois que quelqu’un de ma communauté entend une chanson d’Inuktitut pour  la première fois. Ma mère biologique a écouté l’album. C’était impressionnant de la voir attentive à The Unforgiven en inuktitut comme si ce n’était pas une toune de Metallica. C’est une aînée de 72 ans qui reconnaît la mélodie de la chanson — parce que ses enfants et ses neveux l’écoutaient dans les années 1990 — et qui peut enfin comprendre de quoi ça parle. C’est ce qui me touche le plus. C’est la beauté de la musique.

Nakurmiik, Elisapie.

 

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Inuktitut, Elisapie, Bonsound. Offert le 15 septembre sur toutes les plateformes d’écoute en continu. Pour les dates des spectacles: elisapie.com

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