«La dernière personne pour qui je compose, c’est celle qui cherche à se faire challenger musicalement», dit Arthur Gaumont-Marchand, l’homme derrière Robert Robert. «Je pile sur mon orgueil et j’évite de penser à la complexité d’une œuvre comme étant un atout. Je vais toujours composer de la musique qui va me plaire, mais je vais aussi m’assurer que si je produis des tounes musicalement plus avancées, on ne s’en rendra pas compte. Je tente constamment de pousser l’enveloppe de la pop le plus loin possible et que ça passe inaperçu auprès des gens qui l’écoutent.»

Pari réussi, cher Robert Robert, c’est le moins qu’on puisse dire. Dès la première écoute de Bienvenue au pays, on replonge illico dans l’univers unique de l’artiste, une sorte de continuum 2.0 de Silicone Villeray, auquel on devient accro. Est-ce que l’ancien DJ a ressenti la fameuse pression entourant la sortie d’un deuxième album? Oh oui, et sa réponse le surprend lui-même. «Ce qui est vraiment étrange, c’est que j’ai fait de la musique toute ma vie, et c’est la première fois que je ressens cette pression-là. Avant, quand certaines de mes chansons connaissaient une bonne réception, ça me passait par-dessus la tête et j’embarquais dans un autre projet. Cette fois-ci, je voulais que les gens qui avaient aimé le premier album apprécient le deuxième. Je ne voulais pas rater mon coup, et la seule façon que j’ai trouvée pour y parvenir, c’est de faire de la musique qui allait être meaningful et qui allait aider les autres.»

«Je ne voulais pas rater mon coup, et la seule façon que j’ai trouvée pour y parvenir, c’est de faire de la musique qui allait être meaningful et qui allait aider les autres.»

Et pour que ce soit significatif, Arthur a décidé d’aborder, autant dans son œuvre qu’en entrevue, le diagnostic de déréalisation qu’il a reçu l’an dernier. Prudent, il avance: «Je veux faire attention à ce que je dis, parce que je ne suis pas un expert; je ne peux parler que de mon expérience. Et comme dans n’importe quelle autre situation de santé mentale, c’est un mélange d’anxiété et de plein d’autres affaires qui constituent mon état.» Arthur fait une courte pause pour tenter d’imager le mieux possible ce qu’il vit, et il poursuit: «Si je suis dans une situation vraiment exigeante ou angoissante, la première chose que je vais faire — sans m’en rendre compte, of course —, c’est que je vais bloquer mes émotions. J’arrête de ressentir mon stress, même s’il reste quand même dans mon corps. Je peux aussi avoir l’impression que tout ce que je vis est vraiment loin de moi ou avoir l’impression de regarder dans une maison de poupée, où tout est en miniature. J’ai toujours vu la vie comme ça, et je croyais que c’était la même chose pour tout le monde.»

Des mécanismes de préservation. Arthur sera rassuré en apprenant, de la bouche de sa thérapeute, que c’est ce qui se met en place lorsqu’il se dissocie de certains moments de sa vie. Comme pour se protéger de son environnement. Et c’est avec l’intention d’aider des personnes aux prises avec le même trouble qu’il a choisi de s’ouvrir sur ce sujet très personnel aujourd’hui. «Pendant 27 ans, j’ai cru que c’était normal de me sentir ainsi. Si j’avais entendu seulement une personne parler de la “maison de poupée” que je vois, j’aurais sûrement posé plus tôt les bonnes questions aux bonnes personnes. Ça a pris tellement de place dans toutes mes relations… et maintenant, je m’arrange pour que ça devienne plus une force qu’un handicap.»

Robert Robert commence son album en nous mettant en garde par ces paroles: «Bienvenue au pays où j’ai perdu mes repères, voilà», mais nous, on perçoit plutôt l’indéniable assurance créatrice d’un homme qui se connaît de mieux en mieux et qui est en voie d’atteindre les sommets de son art en tant que compositeur.

BIenvenue au pays, Robert Robert, Chivi Chivi. Offert sur toutes les plateformes d’écoute en continu.