Comment décrirais-tu ton style de danse?

Je n’ai pas l’impression d’avoir une étiquette très claire, parce que ce je fais se situe pas mal au croisement du contemporain et du hip-hop. J’ai été formée à plusieurs styles. J’ai grandi dans les studios de danse. J’ai suivi des cours de ballet, de jazz, de claquettes, d’afro, de hip-hop… Petite, je mélangeais déjà les types de danse qui me plaisaient le plus.

Qu’est-ce que TikTok change pour toi, d’un point de vue créatif?

Évidemment, ça m’aide à propulser ma carrière à cause de la visibilité que ça me procure. Ça me donne une plateforme pour partager mon travail, mais ça a également pour effet de me faire réfléchir davantage à mes intentions comme artiste. J’essaie de ne pas accorder trop d’importance à la perception des autres, mais la plateforme m’aide à penser de manière plus critique. J’essaie de déterminer le message que je veux véhiculer. 

Et quel est ce message?

En tant que personne métisse, j’ai constaté à quel point mes abonnés TikTok ont besoin de représentativité, ont besoin d’entendre et de voir leurs histoires. Quand j’ai créé mon solo, intitulé Barely Black, que je pourrais traduire par «Tout juste noire» en français, je ne connaissais personne qui me ressemblait à mon école ou ailleurs. Ce n’est pas que les gens se foutaient de mon vécu comme personne biraciale, mais j’avais l’impression que personne n’était vraiment en mesure de me comprendre. C’est une chance, aujourd’hui, de pouvoir partager ces expériences-là avec mes abonnés et de contribuer à établir un dialogue.

Tu as grandi dans une communauté à prédominance blanche de Toronto, là où tu étais souvent la seule élève métisse ou noire de ton école de danse. Quels souvenirs gardes-tu de tes débuts? 

C’était difficile pour moi de me sentir différente. J’avais l’impression de ne pas être à la hauteur, de ne pas fitter avec le reste du groupe. Les gens me regardaient différemment ou ils me stéréotypaient au lieu de me voir comme la personne que j’étais vraiment. J’ai essayé de lisser mes cheveux pour être comme les autres filles, par exemple. C’est dur parce qu’en danse, tu dois te conformer à l’esthétique de groupe dans les spectacles. On a le même costume, la même coiffure, le même maquillage…

Dans un de tes récents balados, tu parles des propos misogynes que Drake a formulés dans certaines de ses chansons. Comment incorpores-tu tes valeurs féministes dans ta danse?

En fait, elles y sont depuis le tout début. La première pièce que j’ai créée quand j’étais à l’université s’appelait Wash, et elle était très féministe. Je ne parlais pas dans ce spectacle, mais le déclic pour la création venait clairement de mes convictions profondes. Une prof m’a même dit que ça l’avait touchée de voir que je sortais complètement du male gaze, que je ne créais pas des mouvements dans le souci d’être attirante pour les hommes. Ça m’a fait plaisir d’entendre ça.

Après tes études à Los Angeles, tu as choisi de revenir au Canada. Qu’est-ce qui a motivé ta décision?

Je suis revenue à Toronto à cause de la pandémie. C’est là que j’ai ouvert un compte sur TikTok, que j’ai commencé à rejoindre des gens. Même si ce déménagement n’était pas un choix au départ, j’ai dû me rendre à l’évidence: le milieu à L.A. est complètement saturé. En plus, au Canada, on soutient vraiment mieux les artistes. C’était un mal pour un bien, finalement. 

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