Primeur

«Si je voulais aller au bout de la création de mon nouvel album, je devais m’investir entièrement. Ça fait un moment que je n’ai pas sorti de nouvelle musique, mais je sais que, quand l’inspiration vient frapper à ma porte, ça se fait tout seul.» C’est donc après un été en Europe et un automne en studio que Marie-Mai annonce en primeur la sortie d’un tout nouvel opus pour 2024.

« As-tu une voiture? À tout hasard, aimerais-tu aller voir Marie-Mai dans son coin? Si oui, elle habite à Saint-Sauveur », me propose l’attaché de presse de la chanteuse. Oh ! la belle idée, au pied levé, mais je ne possède pas de véhicule ni de permis de conduire (tout comme Marie-Mai, d’ailleurs!). Qu’à cela ne tienne : je suis prête pour l’aventure et m’achète un billet pour le premier autobus, direction les Laurentides.

TOUT EN SIMPLICITÉ

«As-tu encore besoin de temps pour te préparer? Je suis un peu d’avance; je peux revenir plus tard si tu veux», me lance une voix plus que familière. Je lève les yeux de mon écran d’ordinateur: devant moi, dans le hall du Manoir Saint-Sauveur se tient Marie-Mai, vêtue d’un simple short en jean et d’un chemisier blanc en lin, une tenue de choix pour affronter cette matinée caniculaire.

La chanteuse m’invite gentiment à m’asseoir un peu plus loin, dans le lounge de l’hôtel, où elle a ses habitudes. «Je viens souvent ici pour écrire», me lance-t-elle tout naturellement. «L’hiver, je m’installe devant le foyer avec un thé; c’est super tranquille et inspirant.»

Pendant qu’on s’installe, Marie-Mai se confie spontanément sur la rentrée scolaire de sa fille Gisèle, âgée de six ans. «Je garde un souvenir sensible de ma propre scolarité, alors je fais beaucoup de projections sur Gigi», avoue la jeune maman, qui vit avec un TDAH, trouble qui n’était cependant pas encore diagnostiqué lorsqu’elle était écolière. «Même enfant, ça n’a jamais été facile pour moi de rentrer dans le cadre. On m’a longtemps fait me sentir inadéquate. Même si ma fille adore l’école, qu’elle est super curieuse, je dois avouer que les souvenirs de mon primaire me rendent très protectrice de son bien-être.»

Depuis la vente de sa vaste demeure de Saint-Sauveur, dont le public a pu suivre les rénovations dans le documentaire Chez Marie-Mai (Canal Vie, 2020), la chanteuse et sa fillette occupent un petit condo épuré. «Je n’avais plus envie de toute la charge mentale qui vient avec l’entretien d’une maison. Plus tu vis dans un grand espace, plus tu accumules des affaires», affirme celle qui loue également un appartement à Montréal. «À Saint-Sauveur, je fais tout à pied, je suis proche de la nature et je reste tout près de Dave [David Laflèche, le papa de Gisèle]. Mais surtout, ici, je vis avec le moins d’objets possible. Cet espace plus humble me fait énormément de bien au quotidien.»

Royal Gilbert

RETOUR AUX SOURCES

Au fil de la discussion, un sujet revient comme un refrain, donnant le ton à notre échange: le profond désir de renouer avec l’essentiel et de trouver son équilibre.

«L’envie de plaire à tout prix et de prouver aux autres ce que je suis capable de faire a longtemps été un puissant moteur, mais ça a fini par m’étouffer», reconnaît celle qui s’est fait connaître du public à Star Académie il y a maintenant 20 ans. «Lors de mes premières entrevues, à 18 ans, je clamais haut et fort que je me foutais royalement de ce que les gens pensaient de moi. J’y croyais dur comme fer. Puis, j’ai fini par accorder une immense importance au regard de l’autre, mais heureusement, je me défais tranquillement de cette pression. C’est extrêmement libérateur.»

Déjà, en mars 2020, alors qu’elle posait visage nu et cheveux rasés en couverture d’ELLE Québec, la musicienne abordait sa «quête d’équilibre entre la bête de scène sublimée, dévoreuse de micro, et l’humaine qu’elle est». Alors qu’elle semble toujours marcher sur le chemin de l’harmonie, il y a fort à parier que ce prisme à travers lequel elle entrevoit la vie influence son art.

ELLE Québec – Avril 2020

«Si je pouvais m’adresser à la Marie-Mai de 18 ans, je lui dirais: “Je suis fière de toi.” C’est tout ce qu’elle avait besoin d’entendre.»

«Ça l’influence totalement. Je me reconnecte avec l’émotion que je ressens à l’écoute d’un instrument ou d’un beat, raconte Marie-Mai. Quand j’écris, plus je sors de ma tête et laisse les mots se déposer instinctivement, plus je constate la vérité qui sort de mon cœur. Je n’avais jamais osé aller aussi loin que dans certaines de mes nouvelles chansons.»

Et à quoi réussit-elle à toucher, justement, à travers ses pièces?

Marie-Mai s’empare de son téléphone et de sa paire d’écouteurs, puis me les tend avec une joie manifeste, presque naïve. Elle souhaite me faire écouter (en primeur!) C’est la vie, une ballade, et Noir sur noir, une pièce plus rock, «deux chansons sœurs qui se répondent l’une l’autre».

«Fantômes de ma tête
Faites que ça arrête
Je n’ai plus d’ombre à soumettre»
— Extrait de Noir sur noir

Après une écoute attentive sous le regard solennel de l’autrice-compositrice- interprète, je constate qu’un thème en rejaillit, soit le combat intérieur.

«J’ai toujours été profondément fascinée par les dialogues internes», dit-elle en rappelant que plusieurs de ses chansons abordent les notions de dualité, de contradictions et d’altérité. Il suffit de réécouter Elle et moi ou Conscience pour le constater. «J’ai longtemps été en combat avec moi-même. Souvent, mon “tape à cassette” négatif parle plus fort que ma petite voix douce, qui, elle, murmure. Pour l’entendre, il faut que je m’arrête. Les deux chansons font référence au chemin qu’il faut que je parcoure pour laisser place à la voix douce.»

Marie-Mai considère que l’écart entre la femme qu’elle est au quotidien et son alter ego scénique et médiatique tend à s’amoindrir. «J’ai encore beaucoup d’ambition, je n’ai pas encore atteint la limite de ce que je suis capable de faire, et je suis plus ancrée que jamais. Je suis moins attachée au résultat, aux succès et aux “numéros 1” que j’ai pu l’être. Ce qui est le plus important pour moi, ce sont les valeurs que je véhicule», affirme-t-elle, sereine.

L’inclusivité, l’ouverture d’esprit, la liberté d’être qui l’on a envie d’être, ne jamais s’excuser de briller: voilà ce que prône Marie-Mai depuis ses débuts. C’est sans doute pour cela qu’autant de membres de la communauté gaie la hissent au rang des divas, à l’instar de Lady Gaga, Britney Spears ou Madonna. «Peut-être qu’ils se reconnaissent dans celle qui, comme eux, n’a longtemps “pas fitté”, qui célèbre son unicité et qui encourage les autres à le faire», dit la flamboyante performeuse, qu’on a très souvent vue sur les scènes de Fierté Montréal.

Royal Gilbert

LIBERTÉ DE CHOIX

Au fil de nos échanges sur la moins grande place qu’occupent les réseaux sociaux dans sa vie et sur son amour de l’animation télévisuelle, un détail attire inévitablement mon attention: un impressionnant diamant ornant la main gauche de l’artiste.

En juillet 2023, la chanteuse publiait une photo pour le moins énigmatique, laissant deviner ses fiançailles, sans pour autant dévoiler l’identité de sa nouvelle flamme. «Avec toutes les joies de ma vie publique, j’ai aussi un amour dans ma vie privée que je souhaite garder discret, comme un secret précieux», écrivait-elle alors sur son compte Instagram. Mais pourquoi annoncer un secret en grande pompe?

«Je voulais être transparente, mais tout de même choisir de protéger le plus possible ma relation amoureuse», m’explique-t-elle, sans considérer sa réponse comme contradictoire.

«On ne se cache pas, mon chum et moi: on va au resto, on marche ensemble dans la rue. Je veux simplement vivre ce bonheur de manière normale. J’essaie aussi d’apprendre de la grande transparence dont j’ai fait preuve par le passé, et qui m’a parfois joué des tours», affirme-t-elle en référence à ses deux ruptures très médiatisées, en 2016 et en 2022.

Parce que, oui, les médias et le public adorent parler des moindres faits et gestes de la star. Que ce soit pour commenter sa vie sentimentale, ses aléas professionnels ou même certaines de ses tenues à Big Brother Célébrités, celle qui aura bientôt 40 ans fait largement jaser depuis ses débuts.

«Je suis consciente que mes looks les plus extravagants vont faire jaser; ça fait partie du jeu, reconnaît-elle. Mais est-ce que j’accorde encore de l’importance aux commentaires négatifs? Absolument pas. Nous sommes tellement plus que la perception que les gens ont de nous. Ce lâcher-prise est sans doute l’un des plus beaux avantages de vieillir. Ça, l’intégrité et la confiance en l’avenir.»

«Je prends un malin plaisir à aller là où le vent me mène. Mais à présent, si je me pointe quelque part, c’est parce que j’ai envie d’être là à 300 %», assure-t-elle, reconnaissant le privilège que constitue la posture de pouvoir ainsi choisir ses projets. D’ailleurs, ses propos me rappellent la résolution de l’actrice Kim Cattrall. En effet, en 2019, la célèbre interprète de Samantha Jones dans Sex and the City déclarait au journal The Guardian: «Je ne veux pas me retrouver dans une situation où je ne me plais pas entièrement, ne serait-ce qu’une heure. Je veux pouvoir choisir avec qui je passe du temps, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel.» [Traduction libre] Une confiance qui a de quoi inspirer.

Royal Gilbert

CHANTEUSE DANS L’ÂME

Si, depuis 20 ans, les médias ont souvent enfermé Marie-Mai dans des boîtes (successivement «star instantanée», «feu de paille», «chanteuse pour enfants», «rockeuse», etc.), quel bilan trace-t-elle des deux dernières décennies, pour le moins prolifiques?

«Oui, je tiens mon premier rôle dans Testament, de Denys Arcand. Oui, j’anime Big Brother Célébrités. Mais j’aime rappeler que j’ai composé ma première chanson à six ans. Ado, j’écrivais compulsivement des paroles de tounes dans mon agenda. Tout part de là. Mon identité première, c’est celle d’autrice-compositrice-interprète, statue-t-elle en soulignant à quel point la musique a eu un effet thérapeutique tout au long de sa vie. Je m’identifie beaucoup à la philosophie de Beyoncé: si vous voulez apprendre à me connaître, écoutez ma musique. Elle en révèle bien plus sur moi que mes entrevues ou mes prises de parole.»

Cela fait maintenant près de trois heures que je discute avec la célèbre chanteuse. Je me sens désormais suffisamment à l’aise pour lui confier qu’à mon sens, le moment le plus révélateur de notre entretien, au-delà des dizaines de sujets abordés avec aplomb, est l’instinct qu’elle a eu de me tendre son téléphone pour que j’écoute ses nouvelles chansons, en guise de réponse à l’une de mes questions. Les yeux de Marie-Mai se remplissent aussitôt de larmes. Elle se sent comprise; une barrière vient de tomber. Je lui confie que, pendant mon trajet de bus, j’étais hyper nerveuse de me retrouver devant une artiste de sa trempe, qui s’est produite 16 fois au Centre Bell, reconnue pour son caractère et sa détermination. Mais à ma grande surprise, c’est sans doute l’essence de la jeune Marie-Mai, celle qui s’exprime à travers la musique depuis sa tendre enfance, qui a émergé pour me chuchoter d’écouter qui elle est. Et c’est beau.

ELLE Québec — novembre 2023

ELLE Québec — novembre 2023Royal Gilbert

Photographie Royal Gilbert Direction de création Olivia Leblanc Stylisme Olivia Leblanc et Indianna Bourassa-Petit Maquillage Carole Méthot Coiffure David D’Amours (avec des produits Kérastase) Production Pénélope Lemay Assistants à la photographie Martin Lacroix et Yanive Lafrance Assistante au stylisme Asianne Dauphinais- Plamondon Assistante à la production Éloïse Lemay Meubles Éditions 8888

Marie-Mai lancera son nouvel album en 2024. Elle tient un rôle dans le film Testament. Elle sera de retour à l’animation de Big Brother Célébrités à l’hiver 2024. Elle est aussi la marraine de Leucan. L’équipe de Leucan recrute actuellement les 10 prochaines femmes de la quatrième édition des Audacieuses.

Lisez notre entrevue avec Marie-Mai dans le numéro de novembre d’ELLE Québec, en kiosque maintenant.

Le numéro de novembre d’ELLE Québec est en vente dès maintenant, en kiosque, en abonnement et en version numérique.

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