Je m’attendais à mille et une versions imaginées de Julie du Page en allant à sa rencontre, sauf la vraie: un être multiple, profondément lucide, ouvert sur le beau, le moins beau et, surtout, l’avenir.

Je lui donne rendez-vous au café sat, dans le Quartier des spectacles, à Montréal, lieu à peu près iconique du petit écran québécois, vu dans Deux hommes en or, Fugueuse et Fragments. Ça devrait plaire à une comédienne qui connaît tout (TOUT!) Du cinéma et de la télé d’ici et d’ailleurs, non? Je l’attends, masque au visage — rhume de saison oblige! —, un rien impatiente de découvrir quelle Julie se matérialisera devant moi aujourd’hui: l’actrice d’expérience, l’animatrice énergique, la chroniqueuse philosophique, la blogueuse mode, l’égérie beauté, la philanthrope émérite, la maman poule, l’amie dévouée, l’épouse attentionnée? Juste à réciter la liste exhaustive des rôles de sa vie, je suis épuisée.

D. PICARD

Julie du Page entre dans le café et retire son manteau d’hiver en me soufflant deux baisers, un grand sourire aux lèvres. Elle est vêtue d’un col roulé violet et d’un jean seyant tout simple, sublimée par une touche de mascara et d’anticernes. Je reste bouche bée devant sa splendeur. Ses amies de toujours, Bicha Ngo et Isabelle Massé, que j’ai sondées en amont pour me faire une idée, m’avaient avertie: sa beauté est si grande qu’elle fait presque mal. Mais il faut en faire fi si on veut peler, une à une, les fines couches du mystère qui enveloppent la femme qui s’assoit devant moi. Ses yeux bleus fouillent les miens, se posent sur les tables, les gens, les conversations qui nous entourent. Sans même qu’elle ait encore ouvert la bouche, je sais qu’elle sera franche, qu’elle répondra avec honnêteté à toutes mes questions, même les plus difficiles. Tant mieux, j’ai envie d’une conversation profonde. Elle aussi. Ah oui? «Les gens s’étonnent souvent de mon intensité quand ils apprennent à me connaître, avoue Julie, entre deux gorgées de thé noir. Même dans les moments légers, je suis intense. Dans ma manière d’embrasser le quotidien, de voir les choses, d’aimer. Je ne fais rien dans la demi-mesure. Je déteste m’économiser! Ça doit me venir de mon amour pour la vie…»

«Les déséquilibrés qui ont toutes sortes de failles, d’insécurités, de tocs, bref, qui sont à l’opposé de qui je suis en tant qu’actrice, sont nettement les plus intéressants à interpréter.»

La vie d’actrice

Comment ça se fait, d’abord, qu’on la connaisse si peu alors qu’on la voie pratiquement partout, cette Julie du Page? La faute à sa carrière éclatée? Atypique: c’est le mot que j’utilise d’emblée pour décrire son parcours professionnel. «Tu as tout à fait raison! Atypique, c’est vraiment le bon terme pour décrire ma carrière, me répond-elle, songeuse. J’ai été élevée dans l’ouate, avec ma famille tissée serré. À 19 ans, après une année d’université, je me suis lancée dans le vide: je suis allée m’installer à Paris, où j’ai habité pendant 10 ans. Cette décennie a été très formatrice, mais aussi très difficile. En France, il faut faire sa place. On s’y fait souvent taper sur la tête…» Elle y jouera dans la populaire série jeunesse Extrême Limite, diffusée sur TF1, où elle tient le rôle de Juliette, une adolescente adepte de sports extrêmes, dont on lui parle encore aujourd’hui. Elle jouera aussi avec Alain Delon — «un rêve!» — et Lauren Bacall, et sera amenée à voyager en Bulgarie, en Italie, en Roumanie, à Tahiti, entre autres destinations, pour le travail. Puis, attirée par de nouveaux défis, elle part s’installer à Los Angeles. Une passion pour le risque, comme sa Juliette? «Je suis quelqu’un d’hyper curieux et j’aime quand la vie est tout sauf monotone. Et puis, j’ai vécu trois formidables années aux états-Unis, à côtoyer le rêve américain. On sent vraiment que tout est possible là-bas.»

De retour au Québec pour camper dans Lance et compte: La reconquête la manipulatrice et machiavélique Valérie Nantel (comme l’affirme son interprète, la scène de la roulette russe, qu’elle joue avec Patrick Hivon, a certainement marqué l’imaginaire québécois!), Julie du Page voit son univers chamboulé lorsqu’elle rencontre, à sa dernière journée de tournage, celui qui va vite devenir son mari et le père de ses deux enfants. Le coup de foudre est instantané, grandiose. Auparavant libre comme l’air, la comédienne se pose, se dépose. Ralentit. S’arrête même. «J’ai eu mes enfants très rapidement — je suis tombée enceinte de ma fille, Billie, cinq semaines après avoir rencontré mon conjoint! — et j’ai eu envie de prendre le temps de vivre ça à fond, d’en profiter. Mais soyons réalistes: je me suis aussi beaucoup occupé d’eux parce que je ne travaillais pas.» Le téléphone a donc cessé de sonner après un rôle aussi bouleversant, aussi marquant? «C’est drôle: Valérie a été le personnage le plus complexe que j’aie eu à jouer et représente un grand moment dans ma carrière. À l’époque, je n’ai jamais réfléchi, pas même une seconde, à ce que ce rôle allait changer pour moi. Les déséquilibrés qui ont toutes sortes de failles, d’insécurités, de tocs, bref, qui sont à l’opposé de qui je suis en tant qu’actrice, sont nettement les plus intéressants à interpréter. Ce qu’il y a de plus beau dans ce métier, c’est de pouvoir devenir quelqu’un d’autre pendant un temps.»

D. PICARD

Les petits regrets

Julie avoue regretter de n’avoir jamais pu aborder d’autres rôles aussi intenses depuis, mais elle déplore surtout l’étiquette qu’on lui a collée à la peau. «Après Lance et compte, on m’a cantonnée dans la petite boîte de la belle fille de service. Ça m’a fait vraiment chier, m’avoue-t-elle, à mi-chemin entre la colère et la tristesse. On me disait que je n’étais pas crédible en amie, en mère… Alors que ce sont les rôles les plus importants dans ma vraie vie! Tout ce qu’on me proposait — et qu’on me propose encore aujourd’hui, d’ailleurs —, c’était des variations sur un même thème: la femme un peu stoïque, qui ne montre pas facilement ses émotions. Pourtant, je suis si sensible… On ne m’appelle jamais pour des castings. C’est très frustrant; j’ai toujours envie de demander: “Puis-je au moins auditionner pour vous montrer ce dont je suis capable?”»

«Après lance et compte, on m’a cantonnée dans la petite boîte de la belle fille de service. Ça m’a fait vraiment chier. On me disait que je n’étais pas crédible en amie, en mère... Alors que ce sont les rôles les plus importants dans ma vraie vie!»

C’est comme ça que la comédienne a peu à peu ajouté des cordes à son arc, une fois ses enfants plus grands, pour continuer de s’épanouir et d’apprendre, mais surtout pour gagner sa vie. Elle a commencé à faire des chroniques tendances à Salut, Bonjour!, à écrire pour La Presse, à rédiger des articles pour son propre blogue, à animer à la radio, à plancher sur un livre. Il y a un an et demi, la maison française Lancôme lui a même proposé d’être son ambassadrice au Québec. Ces temps-ci, elle met la touche finale à huit épisodes de balado tournés en collaboration avec la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, un organisme dans lequel elle s’engage depuis son opération au cœur, à 38 ans. «Mes journées ne sont jamais pareilles, et j’adore ça!, révèle Julie, qui a tout juste 50 ans. Et puis, chaque rôle nourrit l’autre: le travail m’aide à être une meilleure mère, ce qui me pousse à être une meilleure amie, et ainsi de suite. C’est vrai que c’est beaucoup et que je suis parfois un peu fatiguée, mais il ne faut pas se le cacher: au Québec, pour survivre dans son métier d’acteur, il faut se diversifier. Très peu de gens peuvent se vanter d’arriver à vivre de leur art à long terme ici.»

D. PICARD

Sous les apparences

Quand je lui demande ce que ça fait de traverser la vie avec le mot «sexe-symbole» tatoué sur le front, elle rétorque, presque piquée au vif: «Si tu savais à quel point je ne me sens pas sexy! Même que je suis assez maladroite quand on me limite à un rôle de femme sensuelle. Je ne maîtrise pas ça du tout, et je dois avouer que ça ne m’intéresse pas de le maîtriser non plus. Oui, je suis féminine, et j’aime la mode et la beauté, mais la sexe-symbole, ce n’est PAS moi.» Le sait-elle, au moins, qu’elle est belle comme le jour? Elle dit merci à tout coup, un sourire poli aux lèvres, mais on sent qu’elle est tellement plus que ça. «C’est sûr que cette fille-là est une coche au-dessus de tout le monde sur le plan de la beauté, mais elle n’est pas que ça, affirme son amie Isabelle Massé, journaliste à La Presse. Elle est super drôle, organisée, intellectuelle, profonde. On se parle de tout ensemble.» Même son de cloche chez sa copine Bicha Ngo, vice-présidente aux placements privés pour Investissement Québec: «Certes, Julie est si belle que c’en est presque intimidant. Mais elle est aussi approchable, généreuse, marrante, ouverte d’esprit. Elle sait ce qu’elle veut. Et elle est complète: elle lit énormément, se renseigne, cultive sa curiosité et son bonheur. Même ses ados sont optimistes et d’une extrême gentillesse: ça ne peut qu’émaner d’elle et de son environnement.»

Je m’en voudrais d’oublier de demander à Julie ce que ça lui fait de paraître sur la couverture d’elle Québec. La voix émue, elle me confie sa réaction initiale («Pincez-moi, je rêve!») et m’explique qu’elle est fan du magazine depuis que sa marraine l’a abonnée à ELLE France pour ses 14 ans. «C’est dans les pages d’Elle que j’ai découvert les top-modèles qui ont marqué ma jeunesse, comme Linda Evangelista, Cindy Crawford, Estelle Lefébure. Et comme pour chaque rôle, je me suis “surpréparée” pour le shooting et j’y suis allée à fond, comme toujours, par peur de ne pas être à la hauteur. Je pense que je vais croire à cet accomplissement lorsque je me verrai en couverture, les cheveux tirés, l’air un peu boudeur et frondeur — en résumé, tout le contraire de moi au quotidien!» Avant qu’elle me quitte pour le froid de janvier, l’air léger après s’être confiée et sentie écoutée, je la rattrape au moment où elle s’emmitoufle dans son manteau: «Au fait, j’ai fouillé dans le Web sans trouver: cette couverture de magazine féminin sera ta combientième?» «Ma toute première, lance-t-elle dans un sourire. Enwèye, ton rhume ne me fait pas peur; je te ramène à la maison!» Ses amies avaient raison: c’est tout Julie, ça.

Qu’est-ce que ça représente pour toi, la beauté?

«Je suis une esthète. J’aime les belles choses, au sens large. La beauté, c’est très relatif, mais j’y suis très sensible. J’aime l’art, la nature. La beauté, c’est avant tout ce que tu dégages. Il y a des filles ultrabelles qui ne dégagent rien, et ça les rend moins belles. L’intérieur peut rendre beau, intéressant. La gentillesse, les gens qui te regardent dans les yeux, c’est ça la beauté, pour moi. Pas une ride sur le front, ni quelques kilos en trop!»

Parle-moi de ton histoire avec Lancôme.

«C’est une histoire qui n’est pas banale. Ma mère utilisait des produits Lancôme quand j’étais petite. Mes souvenirs de petite fille : regarder ma mère qui se préparait, se maquillait. J’ai encore l’odeur de sa crème de jour en tête… Les odeurs représentent des souvenirs olfactifs tellement puissants! Quand ils m’ont approchée, je me suis dit : «Il n’y a pas de hasard!» J’aime aussi le concept de transmission, de mère en fille, qui est chère à la marque. J’ai été élevée comme ça, et ma fille Billie vient fouiller dans mes choses aussi. Elle est coquette et adore se maquiller comme ma mère!

Ce que j’ai aimé par-dessus tout : quand ils sont venus me chercher, ils savaient exactement l’âge que j’avais! J’étais heureuse qu’ils ne choisissent pas une fille de 30 ans… J’assume mes 50 ans. Si on est plusieurs à l’assumer comme ça, on aura peut-être moins d’à-priori, moins de jugements face à l’âge. Il faut voir plus de femmes vieillissantes à l’écran, dans les magazines… Vieillir ne devrait pas nous faire peur. Moi, ce qui me fait peur, c’est de ne plus être en santé. Ne plus pouvoir vivre à mon plein potentiel!»

Ta routine beauté?

«J’aime prendre soin de moi, me faire un masque, un exfoliant, laisser poser un traitement sur mes cheveux un dimanche après-midi… Étant ambassadrice pour Lancôme au Québec, j’utilise leurs produits, que j’adore. Ça me fait du bien de me maquiller, j’aime que mes ongles soient beaux… Je suis coquette à ce niveau-là, bien que ça soit un peu futile!

Ton parfum?

La vie est belle ou Mille et une roses, de Lancôme. Je suis ambassadrice au Québec pour cette célèbre marque française depuis environ un an et demi.

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Ses actualités

Julie du Page joue dans la cinquième saison de 5e rang, à ICI Radio-Canada Télé, fait des capsules sur les tendances mode et beauté à Salut, Bonjour!, à TVA, signe une chronique dans La Presse, est ambassadrice beauté au Québec pour Lancôme, anime le balado Le Beat pour la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC et tient un blogue à juliedupage.com.

ELLE QUÉBEC — AVRIL 2023

ELLE QUÉBEC — AVRIL 2023D. Picard.

Photographie D. Picard. Direction de création et stylisme Olivia Leblanc. Maquillage Ronnie Tremblay (Folio, avec des produits Lancôme). Coiffure Steven Turpin (avec des produits Moroccanoil). Production Pénélope Lemay. Assistant à la photographie Pascal Fréchette. Assistantes au stylisme Indianna Bourassa et Juliette Bourbonnière. Assistante à la production Sandrine Cormier.