Pleurer, Mathieu? Dans une chronique sur le bonheur et ce qui rend heureux, tu nous conseilles de… pleurer? Si on te nommait responsable de la section Mode, recommanderais-tu de porter des chandails avec des taches de sauce à spaghetti? 

Je ne parle évidemment pas de sangloter des chutes du Niagara en morvant de façon inélégante parce que le malheur infini nous est tombé dessus. Je parle d’un léger sursaut des glandes lacrymales, à peine une larme ou deux. Un simple moment qu’on prend pour concéder que, des fois, ce n’est pas toujours facile.

La vie.

En général.

Ce n’est pas facile de se l’avouer, mais même dans les meilleures périodes, exister, c’est de l’ouvrage. Sitôt on le reconnaît, sitôt on peut revenir au programme principal, celui d’être bien. Une pause, une larme, un soupir, et on est prêt à repartir.

On peut alors… pleurer encore! Cette fois, pour reconnaître la chance qu’on a d’être là. Exister, c’est de l’ouvrage, mais c’est du bien bel ouvrage. Du genre qui émeut aux larmes si on se laisse aller. Classique, limite cliché, devant un coucher de soleil. Amoureux, à regarder sa blonde lire un livre. Sans vraie raison, étendu dans le gazon d’un parc, à sentir le vent sur son visage. 

Il y en a pour qui la vie est un oignon. Ces gens ont la larme tellement prompte qu’on pourrait les envoyer régler les problèmes de sécheresse en Californie. Ils s’en excusent souvent, toujours légèrement honteux d’être des «Marie-mouche-toi-là», le papier-mouchoir à la main et les yeux dans l’eau, mais je les envie. Mes yeux ont besoin d’un peu d’encouragement pour s’humidifier. 

Même quand je sais que, tel l’érable au printemps, j’aurais besoin de couler un peu, ça ne vient pas tout seul. Pour m’entailler l’écorce, j’ai ma réserve de petits trucs. Quelques films et séries télé qui parlent de belles choses. Une collection de musique, évidemment. Mais pas des chansons tristes: je me verrais venir de loin avec mes gros sabots. Des chansons à propos de trouver la paix, ou d’être heureux, ça fait généralement le travail. Chacun sa méthode. Tant que ça coule, tout est cool. [ELLE Québec tient à se dissocier complètement de cette dernière phrase. Merci. – La rédaction] 

Reste la question: pourquoi vouloir pleurer, alors qu’on fait normalement tout pour ne pas être dans cet état? Les larmes viennent faire exister dans le monde physique des émotions et des sensations autrement intangibles. Ce grand bonheur ou cette petite lassitude, ce n’est pas juste dans ta tête. C’est aussi dans tes yeux, et sur tes joues. Les larmes sont une façon de se dire que ce que l’on ressent est réel, que c’est correct et qu’on peut prendre le temps de le vivre.

Parce que c’est libérateur, parce que ça rend l’immatériel bien tangible et parce que ça n’a pas toujours besoin d’être triste, je place «pleurer (mais juste un peu)» en 52e position des choses qui font du bien.

Snif, snif.

Mathieu Charlebois est un ancien musicien viré journaliste, viré chroniqueur politique, viré auteur d’humour, écrivant maintenant sur le bonheur comme s’il connaissait ça.

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