Quatorze ans se sont écoulés depuis le dévoilement de sa Hanger Chair, une chaise pliante hybridée avec un portemanteau, maintenant commercialisée par la firme torontoise Umbra Shift. Du haut de ses 26 ans, Philippe Malouin était alors trop avalé par sa passion pour s’imaginer, 10 ans plus tard, être nommé designer de l’année par le ELLE Décoration France, puis intégré à la liste des 100 meilleurs designers au monde par le magazine Architectural Digest. Pour cette dernière distinction, le créateur, qui a atteint une notoriété à laquelle à ce jour aucun autre Canadien ne peut prétendre, s’est avoué particulièrement honoré de figurer dans la catégorie Keeping it simple auprès de ses héros du design (sic): les frères Bouroullec et Konstantin Grcic. Ultramodeste et discret (Malouin parle beaucoup au «on»), le Londonien d’adoption est occupé à élaguer, à alléger, à simplifier, à durer et à se tenir loin du trendy. On a échangé avec lui sur son actuelle réalité, sur l’évolution de sa signature, sur ses espoirs et sur ses projets.

Travailler avec les big big boys… Je ne me sens pas au même niveau que ces gens-là, mais on fraternise. Ils me nourrissent et m’apportent des réponses. Je suis entré dans leurs rangs, disons. Ronan Bouroullec est devenu un ami, on a fait des conférences ensemble, on a dessiné tous les deux pour la firme finlandaise Iittala. La reconnaissance de notre travail nous a permis de formuler des demandes, d’exprimer des préférences et de parfois dire non. Maintenant qu’on a le respect des gens qu’on admire, qu’on nous écoute et qu’on nous fait confiance, plus d’accomplissements deviennent possibles. Et parce qu’on plie moins face aux objets auxquels on croit, nos récents projets nous ressemblent davantage. 

La signature Philippe Malouin… Avec mon équipe, on a développé une esthétique qui s’applique à une multitude de projets divisés en deux groupes. On crée des produits de masse relativement accessibles pour les éditeurs de mobilier et on développe des travaux plus expérimentaux qui sont exposés dans des galeries spécialisées. Salon 94 me représente à New York.

L’accessibilité… Certaines de nos créations sont très accessibles. On les trouve sur le marché pour une soixantaine de dollars canadiens. Sinon, tout peut être livré au Québec.

La matière… On utilise les matériaux pour leur fonction, jamais pour faire joli, et on le fait sans les mêler. On travaille actuellement l’inox, pour une chaise extérieure, et un métal prélevé dans une scrapyard que l’on reconfigure sans lui donner un look recyclé. 

Une matière surexploitée… Le plastique, évidemment.  

Une matière sous-exploitée… Le bois, surtout en construction commerciale. 

Un objet que tu aurais aimé avoir créé… L’épingle à linge. 

Une période créative marquante… Les années 80. 

Un pays inspirant artistiquement… L’Italie, au passé et au présent. 

Une invention détestable… Le téléphone portable. 

Londres et toi… Je dois tout ce que j’ai accompli à Londres. Jamais je n’aurais pu faire tout ça en demeurant au Canada, malheureusement.

Le fric… Maintenant, j’arrive à gagner ma vie en faisant ce que j’aime, mais ça a pris 14 ans. Mon ascension n’est pas fulgurante, mais gratifiante. Même si je suis connu, je gagne à peu près autant qu’un professeur d’université.

Un designer phare… Jasper Morrison. Il est le Dieu des produits intemporels. C’est le designer vivant le plus important au monde.

Une relève à souligner… Soft Baroque.

La création: 10 % inspiration, 90 % transpiration. Vrai ou faux? Absolument vrai.

Une fierté… Avoir exposé mon tapis en cuivre avec Donald Judd, l’un de mes artistes préférés depuis que j’ai 16 ans.

On sait qu’on a réussi quand… On ne peut pas dater une pièce produite. Sincèrement, faire du trendy en 2021, c’est un crime.

Le design du futur… Probablement celui qui répare.

Des projets… On travaille actuellement avec une grande compagnie de luminaires, puis avec Nike. On fait des projets spéciaux de mobilier pour eux. On collabore beaucoup avec les Suédois, les Américains et les Italiens.

Des événements à prévoir? Une expo dans une galerie d’Athènes en septembre. Une autre en novembre à New York chez Salon 94.

Ton plus grand souhait… Durer.

Philippe Malouin: un designer nécessaire

Mollo — 2014

Un objet charnière dans le parcours de Malouin. Le déclic de son concept s’est fait en déballant un matelas IKEA et en le pliant en deux.

 

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Philippe Malouin: un designer nécessaire

Cast — 2019

La fibre de verre est le moteur d’inspiration de cette suspension offerte en deux modèles: circulaire et oblong.

À partir de 11 250 $. 

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Philippe Malouin: un designer nécessaire

Hanger — 2008

Point tournant: la chaise pliante fut le premier objet signé Malouin à être commercialisé.

250 $

 

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