En avril dernier, l’influenceuse Emma Chamberlain révélait à ses 12 millions d’abonnés YouTube qu’elle se passionne désormais pour les cocktails faits maison. S’il vous semble que la planète tout entière s’est mise au diapason, vous n’avez pas tort. Plusieurs facteurs expliquent l’essor des cocktails, à commencer par la récente pandémie où, quarantaine aidant, tous cherchaient de nouveaux divertissements maison. Instagram et TikTok permettent aujourd’hui aux mixologues professionnels et amateurs de rivaliser d’audace pour générer des clics. Même la chaîne Netflix s’est mise de la partie avec sa récente série Drink Masters, où des mixologues s’affrontent pour remporter une cagnotte de 100 000 $. (Le Montréalais Tao Zrafi était parmi les finalistes!)

Aux dires de Rose Simard, l’autrice du best-seller L’apéro au Québec et de la plateforme web 1 ou 2 Cocktails, une telle popularité fait écho «à un intérêt grandissant pour les spiritueux, surtout locaux, même si le courant est mondial. Je pense que nous sommes devenus plus épicuriens, tant dans la nourriture que dans les vins; il était donc logique que les cocktails suivent.» Pour bien des gens, le coup d’envoi local a été donné dès 2011, avec le lancement du gin québécois Ungava, ce fameux spiritueux jaune infusé d’herbes boréales. «L’arrivée de Pur Vodka, de Duvernois, a aussi été marquante — je ne sais pas si les gens savent que l’une des meilleures vodkas au monde est produite ici.»

Pas étonnant alors que nous soyons plus nombreux à consacrer un bout de comptoir ou une étagère de bibliothèque à un minibar BCBG pour recréer les drinks découverts à notre bar bistro préféré. «Dire que tous les cocktails peuvent être reproduits à la maison serait toutefois faux, prévient Rose Simard. Je crois par contre qu’avec quelques bouteilles, on peut en réaliser une grande panoplie. Après, si on veut se spécialiser, par exemple en explorant l’âge d’or des cocktails durant la prohibition des années 1920, pourquoi pas? Je pense à un cocktail comme l’Aviation, qui date de cette période et qui nécessite de la crème de violette. Ce n’est pas monsieur ou madame Tout-le-Monde qui va vouloir en acheter une bouteille juste pour confectionner UN cocktail…»

LES MUSTS DU BAR MAISON

Quelques bouteilles suffisent pour bâtir un bar basique. On commence par la vodka, appréciée pour son goût neutre. « Si on veut donner du corps à un cocktail ou à un punch sans en  changer grandement le goût, la vodka est le bon choix», dit l’autrice. Le gin, plus parfumé, aidera plutôt à jouer la carte aromatique. Puis, on ajoutera un whisky, un rhum (pour les cocktails tropicaux), un vin mousseux, un brandy et possiblement une téquila.

Pour les marques à privilégier, «on peut chercher à être puriste et vouloir bâtir un bar 100 % québécois, mais la réalité, c’est que le rhum est à base de canne à sucre et que la téquila vient de l’agave du Mexique, précise Rose. Plusieurs liqueurs essentielles à certains cocktails n’ont pas d’équivalents locaux. Alors, pourquoi bouder de super bons produits qui viennent d’ailleurs? Tu sais, on n’aura jamais de cognac québécois. On peut trouver des liqueurs d’herbes de notre terroir qui vont être délicieuses, mais ce ne sera jamais une chartreuse… À chacun de tracer sa ligne.» Rose préfère y aller de coups de cœur québécois combinés à des fleurons étrangers, comme l’Aperol, le Campari et le Saint-Germain.

Afin de parfumer un cocktail, on fera appel à une liqueur d’agrumes de type Grand Marnier ou encore à un Triple Sec, un must dans la populaire margarita, et à une liqueur de fruits rouges — au cassis, à la framboise ou à la mûre. Les jus frais, surtout les jus d’agrumes, sont incontournables pour allonger un cocktail, de même qu’un bon tonique ou une eau pétillante — ou les deux —, un sirop simple ou parfumé et un amer de base, comme l’Angostura. À ne pas négliger: la glace! «Les gens sous-estiment souvent le nombre de glaçons qu’il faut ajouter. De la bonne glace, qui ne goûte pas le congélo, c’est un ingrédient de base aussi. L’erreur classique est de mettre moins de glaçons que nécessaire pour ne pas “diluer” le cocktail, alors que c’est tout le contraire qu’il faut faire! Plus il y a de glaçons, plus ça va rester froid sans fondre.»

Côté accessoires, l’arsenal de base inclut un doseur, une longue cuillère, un bon shaker (ou un pot Mason avec tamis), un verre à mélanger muni d’un bec verseur et un presse-agrumes. Enfin, pour les verres, on y va selon notre budget: le martini servi dans un verre à martini n’aura pas meilleur goût, mais c’est pas mal plus le fun, dit-elle en rigolant. Il faut prévoir des verres lowball pour les cocktails courts et les alcools sur glace, et des highball pour les cocktails allongés. Une coupette sera vite nécessaire, car les verres sur pied empêchent le cocktail de se réchauffer, mais ça peut attendre un deuxième temps.» Truc écolo: on peut trouver des trésors dans les friperies et les brocantes!

LA PASSION DU MAISON

Les esprits libres qui désirent personnaliser leurs cocktails ont intérêt à se familiariser d’abord avec les formules de base d’un cocktail connu, puis d’en changer les ingrédients un à la fois et selon leurs goûts. «On peut prendre un Tom Collins et, au lieu d’y ajouter un sirop classique, utiliser un sirop de basilic. Ou remplacer le soda par un tonique au yuzu, comme celui de 1642. Si le goût du cocktail s’améliore à mesure, voilà, c’est que tu viens d’inventer ton cocktail signature!» Mieux vaut expérimenter à partir d’une petite quantité, un verre à la fois, et non à coups de pichet ou de tournée pour les amis. «Si le résultat est décevant, ça coûtera moins cher et ça évitera le gaspillage.» D’un essai à un autre, on cernera mieux nos préférences, qu’on prendra soin de noter dans un calepin qu’on garde sous la main. Rose recommande aussi d’utiliser un doseur, et non son pif, afin de rectifier plus facilement les dosages.

Notons qu’au-delà des aromates et des garnitures, la formule de base utilisée dans la recette d’un cocktail est souvent la même, soit 2 oz de spiritueux, 1 oz de jus ou de tonique et 3/4 oz de sirop. «La clé est de bien doser le cocktail en jouant avec l’alcool, l’acidité, l’amertume et le sucré tout à la fois. Trop de l’un de ces éléments ou d’un autre, ça ne sera pas bon; donc, il faut mesurer.» Les foodies qui maîtrisent le mariage des saveurs auront plus de facilité à laisser aller leur imagination. «On sait que la pomme et la cannelle vont bien ensemble en cuisine; donc, ça devrait fonctionner dans un cocktail. Même chose pour le concombre et le poivre rose, la fraise et les piments, etc. Après, ce qui diffère dans un cocktail, c’est la présence d’alcool.»

SANS ALCOOL, VOUS DITES?

Attention! Aujourd’hui, un hôte doit prévoir des versions zéro alcool pour les invités abstinents. C’est ce que nous rappelle Max Coubès, coauteur de L’Apéro au Québec et ambassadeur de la distillerie Ubald. Cet ancien porte-parole québécois de la marque britannique Seedlip, chef de file mondial des spiritueux sans alcool, voit dans la montée des cocktails sans alcool non pas une tendance, mais bien un nouveau style de consommation, à l’image du bio dans nos assiettes. «Quand des restaurants de Montréal ou de Québec commencent à engager un barman capable de faire un bon cocktail sans alcool, tu sais que la tendance est ici pour de bon.»

En matière de cocktails, il pense que l’industrie subit (et suit) la pression du public. «Selon mon expérience, il a été beaucoup plus difficile de convaincre les professionnels que les consommateurs. Pour ces derniers, tant que c’est bon, que l’image de marque est cool et qu’on va passer un bon moment, un apéro sans alcool, ça passe totalement.» Les experts, eux, s’intéressent au processus et, par conséquent, prisent moins les cocktails en cannette, qui se limitent à de l’eau gazéifiée et additionnée d’arômes de vanille ou autre, naturels ou non. «Au final, la colonne vertébrale d’un apéro à succès, c’est le rituel de se retrouver entre amis. Tu ne veux juste pas être obligé de boire du jus de pomme ou de l’eau gazeuse comme un gosse de six ans parce que le bar, le restaurant ou ton hôte n’a rien d’autre à offrir.» Il sert tout de même un petit avertissement: ce ne sont pas tous les cocktails qui se prêtent à des versions virgin, surtout quand l’alcool est très présent au goût, comme dans un martini ou un Negroni. «Les cocktails avec des jus, des sirops, des toniques, pas de problème. Tu n’as qu’à remplacer la vodka, le gin ou le rhum par un spiritueux sans alcool et te voilà en affaires.» Pour tenter l’expérience, mais à partir de recettes dénichées ailleurs que dans Internet, il recommande de faire appel à des experts locaux, comme Alambika et Apéro à zéro. Et à qui préfère ne pas trop s’aventurer, il suggère d’acheter «des cocktails en cannette qu’on verse dans de beaux verres, et hop, c’est top!»

Nos essentiels 100 % québécois

Bar-Salon

Crème de cassis Monna & Filles, Liqueur

Prix: 26,95 $

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Silver Cherry River, Téquilla

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