Cinéma et Télé
Katherine Levac, Léane Labrèche-Dor et Virginie Fortin: drôles de filles
Elles sont trois. Trois filles hilarantes et décomplexées qui nous font rire le samedi soir à SNL Québec... et ailleurs aussi. Rencontre avec Katherine Levac, Léane Labrèche-Dor et Virginie Fortin, dont l'ascension ne fait que commencer.
par : Manon Chevalier- 24 mars 2015
Le samedi 31 janvier, à 20 h 30, dans les coulisses de SNL Québec. Ça bourdonne d’activités dans le studio 3 de Télé-Québec: dernières retouches au maquillage et aux costumes, pose de perruques loufoques… Le temps file et l’atmosphère devient effervescente. À quelques minutes du «Stand-by!», Virginie Fortin et Léane Labrèche-Dor improvisent un moon walk endiablé sur l’air de Get down on It. Katherine Levac, affublée d’un gigantesque chapeau de fourrure, cabotine avec Phil Roy et Pierre-Luc Funk, sous l’œil amusé de Mathieu Quesnel. En fond sonore, on entend Véronic DiCaire, l’artiste invitée de la soirée, faire des vocalises dans sa loge. Elle en sort, énergique et dynamisante, en lançant un retentissant «Gang, ça va être un bon show!».
Pendant 90 minutes, la troupe de comédiens maison de SNL Québec (une adaptation de la mythique émission à sketchs américaine Saturday Night Live) nous fera vivre la fièvre du samedi soir. Depuis la première diffusion à Télé-Québec, en février 2014, les jeunes acteurs ont acquis de l’assurance… et ça se voit.
Les trois comédiennes, qui ont grandi en regardant la version originale de cette émission satirique, affichent aujourd’hui un aplomb redoutable, une drôlerie irrésistible et un sens du punch percutant. Je les ai rencontrées quelques semaines avant l’enregistrement autour d’un verre de vin. Chacune a son univers et sa sensibilité: Virginie Fortin, brune incendiaire connue pour son flegme sidérant et ses répliques grinçantes; Léane Labrèche-Dor, étoile montante du théâtre et du petit écran, au jeu singulier et follement touchant; et Katherine Levac, rousse flamboyante, adepte du standup et époustouflante en fausse ingénue… Les voici qui se révèlent par leurs propos tendres et insolents, saisis au vol par un après-midi qu’on aurait dit hors du temps.
Qu’avez-vous en commun, à part l’humour?
KATHERINE, LÉANE et VIRGINIE (en chœur) Nos cheveux! (fous rires)
K On a beaucoup de cheveux!
V C’est l’enfer pour les coiffeurs de SNL!
K … surtout pour maintenir nos perruques en place!
V On rit, mais, toutes les trois, on est très, très famille. On parle souvent de nos parents, de nos frères, de nos sœurs…
L C’est vrai! J’ai très peu d’amis pour qui la famille a autant d’importance que pour moi.
Petites, étiez-vous les plus drôles à la maison?
V J’ai toujours été la rigolote de la famille, peut-être parce que je suis l’enfant du milieu. J’ai d’abord visé un doctorat en littérature, mais mon envie de faire rire l’a emporté, alors je suis devenue humoriste…
L Chez nous, j’étais la plus studieuse. Je me voyais artiste peintre et j’ai d’ailleurs étudié en arts plastiques. Mon goût pour le jeu est venu plus tard. Quand on a un père qui s’appelle Marc Labrèche, on lui cède la place. Mais je crois avoir hérité de l’humour et de l’autodérision des membres de ma famille.
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K Le plus drôle dans les partys de famille, c’est mon frère agriculteur. Mais bon, il y a une différence entre être drôle à table et faire rire sur scène. Pour ça, il faut avoir des choses à dire! (rires) J’ai commencé en écrivant des nouvelles à saveur humoristique. Je voulais m’inscrire à la maîtrise en création littéraire, mais j’ai abouti à l’École [nationale] de l’humour, en me disant qu’on ne gagne pas sa vie avec la littérature.
L Peut-être, mais pas forcément en faisant des blagues, non plus! C’est du gambling!
Croyez-vous qu’on peut rire de tout aujourd’hui?
V Absolument, si on le fait avec adresse et intelligence.
L Oui, si ça a un sens, et ça vaut même pour les sujets les plus scabreux. L’humour sert à dédramatiser un tas de choses du quotidien, mais aussi à éclairer certains faits, surtout auprès des gens qui ne suivent pas forcément l’actualité.
K Je pense qu’on peut rire de tout, mais on ne peut pas le faire avec tout le monde. Pas par crainte d’offenser les gens, mais par souci de leur parler de ce qui les intéresse. Je suis rarement offusquée par une joke, mais il y a des blagues qui ne me font pas rire parce qu’elles ne me touchent pas, par exemple celles sur la politique québécoise.
V Je ne m’offense pas facilement, moi non plus, mais il m’arrive d’avoir honte de rire aux blagues que font des humoristes que je n’aime pas!
Comment définiriez-vous SNL Québec en quelques mots?
K Un esprit de gang.
L Une troupe géniale et très unie.
V Un plaisir fou!
À l’émission, vous êtes six comédiens maison, trois filles et trois gars. Comment ça se passe entre vous?
V On a tous la même vision et on travaille vraiment dans le même sens. Les humoristes ont l’habitude de ce genre de dynamique. C’est très démocratique!
K Honnêtement, je ne me sens pas concernée par le sexisme en humour. Ça ne correspond pas à ce que je vis, que ce soit dans le milieu du spectacle ou de la télé. Et ça, on le doit à celles qui nous ont ouvert la voie…
L C’est vrai. Et ce qui est bien à SNL, c’est que personne ne se fait de jambettes pour briller plus que l’autre.
K Chacun apporte sa couleur au show. C’est notre force. Il n’y a pas de rivalité entre nous.
V La plus grande différence entre les gars et nous? On est plus rigoureuses qu’eux; les gars doivent être ramenés plus souvent à l’ordre. En particulier Phil et Pierre-Luc! (rires) À vrai dire, les gars nous entraînent dans leur folie. Et nous, on leur inculque la discipline. Ça crée une osmose tripante!
Est-ce le besoin d’être aimée qui vous projette sur la scène?
V Pas spécialement. Surtout qu’avec les réseaux sociaux c’est très facile aujourd’hui de savoir qui ne nous aime pas! C’est tough… Moi, je suis simplement un être humain qui se pose plein de questions et qui a envie de dire plein de choses à d’autres êtres humains.
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K Je l’avoue, ce qui me motive, c’est un gros désir de contrôle. Quand je suis sur scène, je décide du moment précis où le public rit, pleure ou reste accroché à mes silences. Cette sensation de contrôle, c’est ça qui me fait le plus triper!
En tant qu’humoristes, vous abordez peu les thèmes féminins habituels, comme l’obsession de l’image et du poids. C’est très rafraîchissant…
K J’ai fait une seule joke sur mon poids, depuis mes débuts. Et je n’en ferai pas d’autres. Ça ne m’inspire pas. Mon image ne m’a jamais vraiment obsédée.
V C’est tellement fou, l’importance qu’on accorde à l’image! À 28 ans, je me trouve plus belle qu’avant. Ce n’est pas parce que je le suis, c’est juste que j’ai cessé de m’en soucier. Oui, j’aime me maquiller et enfiler une robe cute pour sortir, mais ce qui m’intéresse, c’est d’écrire des blagues et de faire rire!
L T’as raison, Virginie! Plus jeune, j’étais obsédée par mon poids et mon allure. Puis, un jour, je me suis dit: «Je suis de même, pis c’est ça.» J’ai appris à m’accepter.
K S’accepter, c’est le travail d’une vie. C’est normal de se sentir comme de la merde quand on est ado: on a encore rien fait pour bâtir une estime personnelle. Il faut attendre d’accomplir des choses, de surmonter des épreuves et de se construire pour se faire confiance. Et ça viendra!
L Même si je ne suis pas toujours bien dans ma peau, ce qui m’importe aujourd’hui, c’est d’être en santé et d’être aimée.
Pensez-vous qu’il est possible d’être plus drôle que son chum?
V Ça dépend du gars. En ce qui me concerne, mon chum est scripteur. Il fait pas mal la même chose que moi. On se fait rire l’un l’autre. À la maison, on donne même des points à celui ou celle qui est le plus drôle des deux!
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L Mon chum est un gars de théâtre et de poésie. Dans mon couple, je suis la plus drôle des deux, et tout se passe bien.
K Mon copain et moi, on était dans la même cohorte [à l’École nationale de l’humour]. Sur le plan professionnel, ça a marché plus vite pour moi, et tout le monde en parlait avec un certain malaise. Pourtant, il n’y a aucun malaise entre nous. Mais ce ne sont pas tous les gars qui accepteraient ça.
V Dommage. Dans l’amour, il y a une part d’admiration. Ça ne veut pas dire qu’il faut mettre l’autre sur un piédestal…
K Mon chum m’admire, mais pas aveuglément. L’inverse me «gosserait», d’ailleurs. J’aime que mon chum puisse me dire franchement si ce que je fais est bon ou pas.
Si vous pouviez poser une seule question à l’univers, quelle serait-elle?
V Je voudrais savoir si j’aurai des enfants. Si la famille que j’aurai sera heureuse. J’aimerais vraiment lui redonner tout ce que mes parents m’ont donné.
K Moi aussi. Est-ce que je pourrai donner à mes enfants tout ce que j’ai envie de leur offrir?
L Même chose pour moi. Je n’ai jamais manqué d’amour ni de rien. Cela dit, ma mère est morte quand j’avais 16 ans, et si je pouvais donner plus de ma propre vie à mes enfants, j’aimerais ça. J’aimerais pouvoir être là le plus longtemps possible pour eux. Et avoir une famille unie pour la vie.
Selon vous, quel est le plus grand malentendu à votre sujet?
V Dans la vie, je suis moins baveuse qu’on le pense. Oui, j’ai des one-liners qui choquent, que ce soit sur les personnes âgées ou sur nos manies aux toilettes, mais c’est pour que les gens comprennent que la vie n’est pas si grave au fond.
L Je suis pas mal moins folle qu’on pense. Je suis une fille sage et pas si audacieuse que ça. Et toi, Kat?
K Hum, suis-je aussi naïve que j’en ai l’air? Ben nooon! Je suis très mesurée dans la vie. J’aime ça calculer, avoir le contrôle et des objectifs précis. J’ai toujours un plan C, D, E, F, G. (rires) Ça me permet de me sentir libre!
Qu’espérez-vous le plus de votre participation à SNL Québec?
V Le show américain a été un formidable tremplin pour des filles comme Amy Poehler et Tina Fey. J’aimerais que l’émission dure assez longtemps au Québec pour que ça nous arrive, à nous aussi.
K et L (en chœur) Imagine, on pourrait même revenir comme artistes invitées! (fou rire général)
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