Société
Coronavirus + télétravail + enfants = (sur)charge mentale
Deux enfants en garde partagée. Un boulot temps plein en télétravail. Une pandémie mondiale qui bouscule les repères. Une charge mentale qui craque de partout...
par : Julie Champagne- 31 mars 2020
Getty Images
Comme des milliers de familles québécoises, je suis cloitrée dans un rêve surréaliste depuis deux semaines. Ou trois? Je ne sais plus. La dernière fois que j’ai consulté le calendrier, on était vendredi 13. Un long, long vendredi 13.
Depuis que le coronavirus est arrivé en ville, j’ai le cerveau en mode spin, cycle non-délicat.
En toute humilité, j’ai des pas pire skills en conciliation travail-famille. J’ai l’habitude de mener ma barque en solo et j’ai une discipline de fer. Mais rajoutez un ou deux enfants qui errent dans les couloirs comme des âmes en peine, et je ne donne pas cher de votre santé mentale.
Pendant un appel conférence, je culpabilise de les abandonner aux soins de YouTube. Quand je dessine avec ma fille, je pense aux articles dus l’avant-veille. Je me sens tiraillée, écartelée. Excellente nulle part, ordinaire partout.
Même les tâches du quotidien me demandent de grandes prouesses de créativité.
La gestion des repas devient un vrai plan de guerre. Chaque ration compte. Je suis devenue la reine du zéro gaspillage. Ce midi, c’est sandwich au jambon, la date de péremption approche. Non, pas au fromage… JAMBON, J’AI DIT!
Visiter l’épicerie devient une mission périlleuse. Je suis le shérif Jim Hopper qui part affronter les créatures de l’Upside Down. Le moindre éternuement me fait sursauter. Je regarde les conserves de pois chiches avec suspicion.
Rentrer les courses nécessite un protocole digne de Tchernobyl. Laver ses mains. Effleurer accidentellement une tomate. Craindre une mort rapide et douloureuse. Relaver ses mains. Javelliser les surfaces de contact. Taper « Comment désinfecter une boîte de Cheerios » dans un moteur de recherche. Se juger un peu. Relaver ses mains.
Cuisiner me pousse dans mes derniers retranchements. Par quoi peut-on remplacer les œufs dans une recette de pouding chômeur? Et la farine? Et le sucre brun? Oh tant pis, je vais juste prendre un shooter de sirop d’érable… Même Ricardo a ses limites.
Si je réussis à traverser la pandémie sans échanger mon rein gauche contre un pain tranché, la partie sera loin d’être gagnée: le spectre de l’école à la maison plane toujours.
La première fois que nos dirigeants ont évoqué cette possibilité, j’ai ri, mais ri!
Déjà, il faut stimuler nos petits confinés sur tous les fronts – socialement, émotionnellement, intellectuellement et physiquement. Si je dois en plus leur enseigner les fractions et les accords du participe passé, autant licher le premier banc de parc venu!
Tant mieux si certains trouvent leur confort dans des horaires chronométrés au quart de tour. Tant mieux si d’autres profitent de ce confinement forcé pour réaligner leurs chakras ou entreprendre l’écriture de leur premier film.
Mais ici, la charge mentale déborde, au point de me paralyser.
Et je ne suis pas seule… Le confinement est un sport extrême pour plusieurs familles, un éprouvant marathon jalonné de questions sans réponses.
Et si je perdais mon emploi? Et si je tombais malade? Et si le Kraft Dinner ne revenait jamais sur les tablettes des épiceries?
Les Jeux Olympiques ne sont pas annulés – ils se déroulent chaque jour derrière nos fenêtres tapissées d’arc-en-ciel.
Le retour en classe, les cours de guitare, le rendez-vous chez l’orthophoniste, les camps de jour, les vacances d’été… On ne sait rien. Nos vies sont suspendues, en apesanteur. Devant tant de variables inconnues, on se retrouve vite à pédaler dans la choucroute. Ou dans les tartelettes portugaises, c’est selon.
Seule au front, avec deux adorables farfadets pour compagnie, j’ai choisi de me préserver, d’étaler le plus possible dans le temps pour garder la tête hors des remous. Flatten the curve, version psychologique.
À défaut de programme scolaire, je transmettrai la solidarité, la compassion, la responsabilité citoyenne. Je donnerai du doux et de l’attention, au lieu de pousser des notions. Les fractions et les participes passés attendront…
Shout out, les parents. Ça va bien aller…
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