La fameuse trilogie Fifty Shades of Grey – acclamée, mais également critiquée par plusieurs – aura porté ses fruits; la littérature érotique tient maintenant une place non négligeable au sein de la culture populaire. Fini le temps où on cachait nos romans coquins sous le matelas! Et tant mieux: il existe de nombreux ouvrages qui sont non seulement bien écrits, mais aussi captivants. «La pornographie traditionnelle est pensée par et pour les hommes, dit la sexologue et psychothérapeute Élise Bourque. De nombreuses femmes se tournent donc vers la littérature érotique pour alimenter leurs fantasmes, et pour s’exciter, en couple ou en solo!» Pas question de bouder notre plaisir!

Nu

Collectif sous la direction de Stéphane Dompierre, Québec Amérique, 2014
Ce recueil de nouvelles réunit seize auteurs sans complexes qui nous font rougir de plaisir et d’excitation grâce à leurs histoires tantôt crues, tantôt sensibles, et parfois un brin tordues. Sophie Bienvenu, Patrick Senécal et Guillaume Vigneault, entre autres, savent nous donner chaud dans le bas du ventre, juste ce qu’il faut.

«Depuis le début de l’hiver, elle me visite chaque soir de tempête, me murmure à l’oreille des mots insensés puis repart à l’aube, le tumulte passé, lorsque nos souffles se sont calmés et que nos ventres, repus, nous laissent sans soif. Elle s’appelle Sophie et engouffre mon sexe dans les profondeurs de sa bouche océane. Avec sa langue, elle m’amène à jouir toujours trop vite, bien plus vite que je ne le souhaite, et chaque nuit avec elle est une longue générale de l’extase qui ne se termine qu’aux aurores.»

 Extrait de la nouvelle Un glaçon entre les dents, de Charles Bolduc

Je suis venu

Collectif d’auteurs, jesuisvenu.com
Ces auteurs et illustrateurs de la relève dévoilent en ligne, souvent sous le couvert de l’anonymat, des pans provocants, impudiques, et tout à fait aguichants, de leur imagination. On se perd rapidement dans les courts billets, parfaitement mis en image, qui ont vraiment le don d’éveiller nos sens et de nous mettre en appétit.

«À la dernière syllabe de sa phrase, il baisse mes boxers et prend mon pénis en bouche. Il en avait envie pas à peu près. Il me fait une fellation quasi parfaite; il utilise ses mains, ses doigts et me caresse en même temps. Alors qu’il promène mon membre dans sa bouche, il laisse échapper des petits “mmm”, comme un épicurien à qui l’on ferait goûter le meilleur des vins.»

– Extrait de la nouvelle Mon divan-lit, par Handsome Stranger

Les Fourchettes

Sarah-Maude Beauchesne, lesfourchettes.net
Les billets du blogue Les fourchettes de Sarah-Maude Beauchesne, qu’elle qualifie de «soft-sexu pas tout le temps mais souvent», viennent tout juste d’être adaptés par la plateforme TOU.TV EXTRA. Ses histoires portant sur le début de l’âge adulte nous replongent dans nos aventures, le sexe collant, le coeur brisé et les rebonds excitants. On lit ses textes d’une traite, du bout du doigt, directement sur notre téléphone…

«Tes doigts je les imagine souvent faire des tours de chars sur mes clavicules, faire des wheelés (wélés, whélés………) entre mes deux boules qui sont juste belles quand j’ai foule froid, je les imagine tes doigts comme des autos qui roulent sur ma peau, descendre la côte de mes fesses en montagne l’hiver, descendre cette côte-là même pas sur les breaks les fenêtres baissées.»

– Extrait du billet Ton pénis est une chanson

Histoire d’O

Dominique Aury alias Pauline Réage, Éditions Pauvert, 1954
Précurseur, peut-être, de Fifty Shades of Grey, ce roman continue d’exciter – et de choquer – 65 ans après sa sortie, en 1954! On y suit les péripéties tordues et excitantes d’O dans le monde du sadomasochisme, emmenée par son amant dans un château où l’on dresse les femmes, dont les hommes
disposent comme ils le désirent. Elle y devient une esclave sexuelle, de son plein gré. Fouets, restreintes, brutalité, domination; de quoi faire rougir Sade!

«Vous êtes ici au service de vos maîtres. Le jour durant, vous ferez telle corvée qu’on vous confiera pour la tenue de la maison, comme de balayer, ou de ranger les livres ou de disposer les fleurs, ou de servir à table. Il n’y en a pas de plus dures. Mais vous abandonnerez toujours au premier mot de qui vous l’enjoindra, ou au premier signe, ce que vous faites, pour votre seul véritable service, qui est de vous prêter. Vos mains ne sont pas à vous, ni vos seins, ni tout particulièrement aucun des orifices de votre corps, que nous pouvons fouiller et dans lesquels nous pouvons nous enfoncer à notre gré.»

Pour la peau

Sandrine Saint-Marc et Deloupy, Éditions Delcourt, 2018
Un roman graphique de Sandrine Saint-Marc majestueusement illustré par Deloupy, où l’on suit un jeune couple adultère – Mathilde et Gabriel – dans sa relation sulfureuse, interdite. Addictif, c’est le moins qu’on puisse dire!

«Je le vois désormais une fois par semaine, je fais en sorte de ne pas rater ce moment. Rien n’est convenu entre nous, mais je sais qu’il est là, qu’il m’attend. J’ignore quel est son job. Sûrement un poste à responsabilités. Tout ce que je sais de lui tient sur un Post-it. Mais je pourrais reconnaître le goût, l’odeur et la forme de son sexe les yeux fermés…»

L’amant du lac

Virginia Pésémapéo Bordeleau, Mémoire d’encrier, 2013
Une histoire d’amour passionnelle et torride entre Wabougouni, une Algonquine, et Gabriel, un Métis, qui nous plonge au coeur d’une Abitibi brute et envoûtante. Le quotidien autochtone, peu exploré en matière de désir, d’amour et de jouissance, nous est livré de façon à célébrer le corps, l’histoire, la mémoire, l’avenir.

«Il ouvrit la bouche sur son cou, la lécha goulûment, elle se pâma; alors il inséra les dents dans la chair, voulut lui faire mal, entendre sa plainte de douleur. Au contraire, elle gémit de plaisir. Cela l’excita et l’exaspéra à la fois. Il retourna sa maîtresse qui, à quatre pattes, se retint à la bordure du bain alors qu’il lui relevait la nuisette trempée au-dessus des fesses. La femme roulait des hanches, le tissu accentuait ses formes voluptueuses, rendant le métis presque fou. Il plaqua sa bouche sur l’anus, inséra la langue dans l’orifice, le força un peu, le mouilla en grognant. Il mordilla les fesses enrobées, alla vers la vulve ouverte et rouge, la goûta, remonta vers l’anus. La femme jutait comme une outre percée, son liquide visqueux s’échappait abondamment de son sexe. Le métis l’enfila, il poussa à l’intérieur d’un mouvement circulaire, bina en s’agrippant aux flancs de Maria.»

Volcaniques

Une anthologie du plaisir, sous la direction de Léonora Miano, Mémoire d’encrier, 2019
Dans ce recueil, douze auteures noires de tous les âges se penchent sur l’épineux sujet du plaisir féminin; parfois avec humour, d’autres fois avec poésie, mais toujours avec un délicieux érotisme. Et on le laisse traîner sur la table de chevet pour notre partenaire, qui y apprendra peut-être un truc ou deux…

«Voyons voir. Au café, elle m’avait émue, cette bosse qui déformait son jean, ça m’avait donné des idées. J’avais eu des visions. Je me rapproche pour inspecter l’engin: même pas gros, même pas long, même pas dur, même pas petit certes, mais mignon et motivé. L’arnaque. À moins qu’il ne sache parfaitement bien s’en servir. J’ai connu des gus qui, bien que mal équipés, avaient le chic pour vous impressionner. Ce n’était pas leur sexe qui trimait, mais leurs doigts et leur langue. Ce n’était pas inintéressant, sauf que moi, je suis comme Saint Thomas. J’ai besoin de concret. Je ne crois qu’en ce que je vois.»

– Extrait de Rayon hommes, par Fabienne Kanor

Coupée au montage

Laurette Laurin, Québec Amérique, 2014
Mari, femme et maîtresse se retrouvent ici sur la même scène; tendresse, amour et sexe brûlant sont au rendez-vous. Le récit d’un triangle amoureux incroyablement prenant et intense, écrit de façon aussi poétique qu’érotique. De quoi en redemander, encore et encore (et encore, et encore…).

«Je ne me sentais pas vieille. Pas quand j’étais dans tes bras, quand tu plongeais ta langue dans ma bouche, dans mon sexe. Pas quand ton regard s’embuait de désir et que je délirais dans l’orgasme en entendant le râle de ta jouissance. J’avais de nouveau vingt ans, l’âge de tous les égarements, de toutes les délinquances assumées. Tu devenais enfin le jeune homme que tu avais rêvé d’être: aimé, désiré, inspiré, amant, complice, l’esprit en communion et le sexe en érection.»

Les aventures illustrées de Minette Accentiévitch

Vladan Matijevi, Les Allusifs, 2009
Minette adore les hommes, et ils ne s’en plaignent pas! Sans tabous, ce roman sous forme d’instantanés raconte les aventures débridées d’une jeune femme qui assume tous ses désirs. À travers une belle collection d’amants, on découvre ses préférences sexuelles. On choisit la version illustrée pour mieux profiter de ses folles histoires. Minette est loin de s’ennuyer, et c’est vraiment très bien comme ça.

«Minette Accentiévitch a une tête, et tout ce qui va avec. Les yeux, la bouche, et ainsi de suite. Son corps est mince, élancé. Elle a de beaux seins fermes, ils pourraient être un peu plus gros, mais bon. Elle a des
jambes longues et fines, des fesses superbes. Des parties génitales aussi, bien entendu, ainsi qu’un estomac, un foie… Elle a tout, Minette Accentiévitch, même un vide dans la cage thoracique, lequel bat comme une horloge, comme un coeur.»

Le carnet écarlate: Fragments érotiques lesbiens

Anne Archet, Éditions du Remue-Ménage, 2014
«Torride et hilarant»; c’est ainsi qu’est décrit ce recueil de microrécits, qui raconte l’érotisme lesbien sous toutes ses formes. Sulfureux, mais rafraîchissant. Décidément féministe, sans pudeur et dans l’air du temps. On lira manifestement ce livre plus d’une fois, jusqu’à en écorner les pages…

«Jade s’est endormie dans mes bras. J’ai commencé par la branler très doucement, avec mille précautions, pour ensuite lui mettre un doigt, pis deux. J’ai joui sur sa cuisse en blottissant mon nez dans son cou, nos doigts poisseux entrelacés. Demain, je la renvoie à son mari.»

Image: Getty Images


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