Quand Gabrielle Gregg a publié sur son blogue une photo d’elle en bikini rayé noir et blanc l’an dernier, l’Américaine de 26 ans ne se doutait pas que ce geste anodin l’amènerait à passer à l’émission américaine The Today Show. Encore moins qu’il lui vaudrait une chronique régulière dans le magazine InStyle et lui donnerait l’occasion de créer sa propre collection de maillots de bain taille forte, lancée au printemps dernier. Il faut dire qu’avec sa taille 16 l’auteure de gabifresh.com n’a pas tout à fait la silhouette d’une mannequin. «Pour moi, il n’y avait rien de révolutionnaire à me montrer en bikini, mais le corps des femmes rondes est si peu valorisé dans notre société que, visiblement, ça a choqué ou intrigué suffisamment de gens pour que ça devienne une nouvelle», raconte la blogueuse jointe par téléphone à Chicago, où elle vit.

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Gabi Gregg fait partie d’une bande de blogueuses qui revendiquent le droit d’être aussi stylées que les it-girls Alexa Chung et Anna Dello Russo, même si elles ne pourront jamais rentrer plus d’une cuisse dans un échantillon d’Isabel Marant. Ces fatshionistas, comme elles se surnomment, suivent assidûment les tendances et se fabriquent des looks du tonnerre en faisant fi des règles auxquelles les rondes se soumettent depuis toujours – porter des couleurs sombres, préférer les cols en V, fuir les rayures horizontales et les imprimés… Mais surtout, elles réclament que les designers et les grandes chaînes comme H&M, Forever 21 et Zara offrent leurs vêtements trendy dans les tailles 14 ans et plus.

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CI-HAUT:

Nom de la blogueuse: Gabrielle Gregg
Blogue: gabifresh.com
Âge: 26 ans
Ville: Chicago
Nombre de visiteurs par mois: Environ 150 000
Marques préférées: Addition Elle, Calvin Klein, Elie Tahari, Asos Curve, Swimsuits for All, Fashion to Figure, Lane Bryant.
Elle a dit: « Je veux qu’on arrête de donner des conseils aux rondes pour qu’elles aient l’air plus minces et qu’on leur dise simplement comment être belles. »

La Britannique Bethany Carman Rutter, qui tient le blogue archedeyebrow.com, s’insurge du choix lamentable de vêtements taille forte qui sont vendus dans les boutiques de Londres. «Chez H&M, ça ressemble à d’affreux vêtements de maternité des années 1980», lance-t-elle, cinglante. Sarah St-Fleur, auteure du bloguequeensizedflava.com, trouve que l’offre ne vaut guère mieux au Québec.

«C’est particulièrement difficile de trouver des vêtements stylés, à part dans quelques chaînes spécialisées qui ont rajeuni leurs collections depuis un an ou deux», affirme la Montréalaise de 27 ans. La belle, mordue de mode et audacieuse comme pas une, s’est d’ailleurs fait connaître en faisant campagne pour que Forever 21 propose une section taille forte à sa succursale de la rue Sainte-Catherine, à Montréal. Le grand détaillant a fini par céder, mais ce n’est qu’une demi-victoire aux yeux de Sarah St-Fleur. «La section est minuscule, et la présentation y est bordélique et rebutante, déplore la blogueuse. C’est vraiment dommage qu’il traite une partie de sa clientèle avec si peu de considération.»

Sarah St-Fleur et ses consœurs sont prêtes à pratiquer un lobby acharné pour faire avancer leur cause. Si la couverture du numéro de mai de ELLE QUÉBEC, qui mettait en vedette les belles courbes de la mannequin Justine LeGault, a fait le tour du monde, c’est en partie grâce à ces dernières, qui n’hésitent pas à partager leurs coups de coeur sur les médias sociaux… ainsi que leurs coups de gueule. Elles ont d’ailleurs été nombreuses à appeler au boycottage de la marque américaine Abercrombie & Fitch au printemps dernier lorsqu’un journaliste a révélé que si ce détaillant n’offrait pas la taille XL pour femmes, c’est parce qu’il ne voulait pas de cette clientèle dans ses magasins.

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Pour Ying Gao, professeure de design à l’École supérieure de mode de Montréal, c’est une preuve que l’industrie de la mode entretient encore des préjugés sur la question du poids: «Les designers et les grandes maisons perçoivent la minceur comme un des canons absolus de beauté. Ils croient qu’offrir des vêtements taille forte nuirait à leur image de marque.»

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CI-HAUT:

Nom de la blogueuse: Bethany Carman Rutter
Blogue: archedeyebrow.com
Âge: 22 ans
Ville: Londres
Nombre de visiteurs par mois: Environ 11 000
Marques préférées: Evans, Asos Curve, Simply Be, Cult of California
Elle a dit: « Je veux montrer qu’on peut avoir du style et de l’assurance peu importe son poids. Et surtout, qu’on peut réapprendre à s’amuser avec le vêtements. »

Et ce n’est pas dans les écoles de mode que les futurs créateurs apprendront à penser à cette clientèle en termes positifs. Kathleen Doyle, une autre jeune blogueuse montréalaise, l’a constaté pendant ses études en mode au Collège LaSalle. «Mes professeurs et mes camarades se présentaient en classe avec des tenues complètement éclatées… Moi, j’enrageais de devoir m’habiller comme une matrone, car les vêtements des boutiques spécialisées sont ternes. Je n’ai jamais entendu de profs parler du potentiel du marché taille forte», relate l’auteure de curvesillustrated.com.

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Quand on sait qu’une Canadienne sur trois porte des vêtements de taille 14 ou plus, il est difficile de comprendre pourquoi l’industrie de la mode ne s’intéresse pas à ce marché, qui pourrait s’avérer très lucratif. La plupart des marques soutiennent que ce genre de collections nécessite davantage de tissu et que la confection est plus complexe. En règle générale, les patrons sont créés dans la taille 0; ceux des tailles supérieures ne sont en fait que des agrandissements de celle-ci, et ils conservent les mêmes proportions. C’est ce qui explique pourquoi plus un vêtement est grand, plus il risque de mal tomber. «Au-delà de la taille 14, il faut concevoir des patrons plus adaptés à la morphologie du corps, fait valoir Ying Gao. Ça entraîne des coûts additionnels importants que les créateurs indépendants n’ont pas les moyens d’assumer.» Roslyn Griner, vice-présidente marketing chez Addition Elle, reconnaît que la production d’une gamme taille forte représente un défi pour les designers: «Il faut une expertise particulière en moulage et en retouches des vêtements, et ce savoir-faire n’est pas facile à trouver. Les chaînes spécialisées comme la nôtre possèdent cette expérience, et c’est ce qui leur permet d’aller chercher une importante part du marché.»

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CI-HAUT:

Nom de la blogueuse: Sarah St-Fleur
Blogue: queensizedflava.com
Âge: 28 ans
Ville: Montréal
Nombre de visiteurs par mois: De 10 000 à 12 000
Marques préférées: Addition Elle, Forever 21 , Ralph LeRoy, Asos Curve, Nakimuli, Rue 107.
Elle a dit: « Je rêve du jour où un designer comme Denis Gagnon fera des vêtements à ma taille!

Nos blogueuses ne baissent toutefois pas les bras. Roslyn Griner suit ces filles de près dans les médias sociaux et remarque à quel point elles sont parvenues à changer les mentalités, particulièrement en ce qui a trait au commerce en ligne. «Elles ont commencé à parler de leurs trouvailles, et les sites transactionnels ont vu leurs chiffres de vente grimper, ce qui a eu pour effet d’encourager d’autres marques à bonifier leur offre.» Citons en exemple Asos Curve, la marque chouchou de nos blogueuses, qui présente des vêtements remarquablement tendance allant jusqu’à la taille 22. Et la chaîne britannique Evans, qui a récemment fait appel au duo de designers de la marque Clements Ribeiro pour créer Swan, une collection pour les fatshionistas. La campagne de lancement mettait en vedette des blogueuses taille forte des États-Unis et du Royaume-Uni, dont Nicolette Mason, Georgina Horne, Bethany Carman Rutter et Marie Denee.

Idem pour la chaîne québécoise Addition Elle qui, il y a deux ans, a effectué un virage et proposé une image plus collé esur les tendances du moment. «Il fallait redynamiser la marque et offrir des vêtements appropriés à une clientèle plus jeune, reconnaît Roslyn Griner. Nous avons choisi des blogueuses comme égéries parce que leur discours cadre parfaitement avec notre philosophie: le style peut être accessible, peu importe la taille.» Pour la campagne promotionnelle de sa nouvelle collection de jeans signée William Rast, Addition Elle a fait appel à Gabi Gregg, à Nadia Aboulhosnet à Karyn Johnson. Cette dernière, qui est une des premières blogueuses du genre au pays, se réjouit de ces avancées: «Quand je regarde les vêtements offerts sur le marché en ce moment, surtout sur le Web, je regrette de ne pas vivre mon adolescence aujourd’hui… À l’époque, il fallait que je fabrique mes propres minijupes si je voulais être à la mode!»

Chose certaine, les jeunes femmes rondes n’ont plus peur de se faire remarquer en portant des vêtements qui ont du style. Parions que, avec leur attitude décomplexée et leur look à tout casser, les fatshionistas ne tarderont pas à prendre leur place – de taille – dans l’industrie de la mode.

CI-HAUT:

Nom de la blogueuse: Karyn Johnson
Blogue: killerkurves.ca
Âge: 32 ans
Ville: Toronto
Nombre de visiteurs par mois: De 25 000 à 30 000
Marques préférées: Addition Elle, Nordstrom, Gussied Up, Swak, Forever 21 , Torrid, Target.
Elle a dit: « Je suis contente que les blogueuses comme moi contribuent à rendre l’image de la femme ronde non seulement acceptable mais cool. Il était temps! »

 

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