Tom Cruise les porte dans Top Gun; Brad Pitt dans Once Upon a Time… in Hollywood, le dernier film de Tarantino aux couleurs rétro. Dans les studios de cinéma, les lunettes de soleil aviateur – reconnaissables à leur barre frontale et à leurs verres en forme de goutte d’eau – ont toujours fait partie du décor ou presque. Et si, dans les années 1970, la monture s’est hissée sur le nez de la militante féministe Gloria Steinem, elle séduit aujourd’hui les célébrités, de Bella Hadid à Jennifer Aniston.

Les prémices

L’empereur Néron, dit-on, regardait les combats de gladiateurs à travers une émeraude polie pour ne pas s’abîmer les yeux sous le soleil romain. Légende ou pas, le besoin de protection, lui, était déjà bien réel. C’est d’ailleurs pour cette raison que les Inuits ont traditionnellement fabriqué pendant des siècles des lunettes de neige, soit un bandeau taillé dans du bois, de l’os ou de l’ivoire de morse et muni d’une ou de deux fentes horizontales, afin de protéger leurs yeux de la réverbération intense du soleil sur la neige. Quant aux doges – les aristocrates qui dirigeaient Venise –, ils portaient déjà il y a 400 ans des sortes de lunettes dotées de verres teintés de néodyme, un métal capable de bloquer les rayons UV, bien avant que la science n’en révèle les dangers, en 1870. En 1752, l’Anglais James Ayscough, opticien de son métier, proposait aussi à ses clients des verres fumés bleus ou verts pour corriger leurs troubles de la vision, mais il a fallu attendre 1929 pour que les premières lunettes de soleil, telles qu’on les connaît aujourd’hui, voient le jour à Atlantic City grâce à Sam Foster et à son entreprise, Foster Grant.

Getty Images

Gloria Steinem et ses célèbres lunettes aviateur.

L’innovation

Au début des années 1930, le lieutenant John A. Macready, célèbre pilote américain, fait appel à l’entreprise Bausch & Lomb pour qu’elle conçoive des lunettes de soleil capables de protéger les yeux des soldats de l’U.S. Air Force pendant les vols. En 1936, l’entreprise lance un modèle doté de verres convexes d’un vert sombre, qui permet de réduire l’éblouissement en altitude sans restreindre le champ de vision. Sa mission accomplie, Bausch & Lomb comprend l’intérêt de son accessoire novateur, et fonde un an plus tard la marque Ray-Ban – de l’anglais ray banished, «qui bannit les rayons» – pour commercialiser ce nouveau modèle, baptisé Aviator. Parmi les adeptes de la première heure?

Le général MacArthur, qui popularise le style lors du débarque- ment de ses troupes aux Philippines en 1944 (bien avant que le président américain Joe Biden ne s’empare de la monture), mais aussi Elvis Presley, Paul McCartney, Bianca Jagger et David Bowie.

L’héritage

Près de 85 ans après sa sortie grand public, les lunettes de soleil aviateur reprennent du service pour le printemps-été 2021. Chez Tom Ford, on préfère une monture en acétate imposante plutôt que les tiges en métal du modèle Ray-Ban d’origine, tan- dis que Max Mara et Fendi s’amusent à jouer sur les proportions en mettant au point des lunettes XL aux allures d’ovnis. Quant à Thom Browne, le créateur américain ose la couleur en sublimant les verres de son accessoire solaire… d’un jaune ensoleillé! Bref, la néo-aviateur de l’été échappe aux traditions, mais prouve encore et toujours son aura intemporelle.

Lire aussi:
Histoire de mode: les sabots
Histoire de mode: le sac shopping de Telfar
Histoire de mode: le soutien-gorge