«Je déteste vraiment la mode», déclare tout de go Elisa C-Rossow en riant. Elle ne fait pas référence au métier, mais à l’industrie et à sa quête incessante d’une tendance qui deviendrait virale, au détriment de… tout le reste. «Ce qui me préoccupait le plus lorsque j’étudiais dans le domaine textile, c’est qu’il me semblait qu’on avait complètement perdu de vue la valeur du vêtement, dit-elle. On a perdu de vue la valeur artistique, le fait que quelqu’un ait une idée et développe cette idée autour du corps.» Après avoir obtenu son diplôme à Paris, la designer a déménagé à Montréal et y a rapidement fondé sa marque éponyme, dans le but de répondre à tout ce qu’elle désirait changer dans la mode.

L’intemporalité du style — ou, comme elle le dit, le fait de «ne jamais être à la mode… sans être hors de la tendance» —, tel est le fondement de sa gamme de vêtements féminins de luxe. Ils sont fabriqués sur commande, et sont composés de classiques minimalistes offerts uniquement en noir, en blanc ou en crème afin de maximiser leur polyvalence. Derrière la confection en apparence sans effort de ses vêtements se cache un souci d’équilibre rigoureux, qui consiste à supprimer les détails superflus pour permettre aux éléments essentiels du vêtement de briller. «Mon mantra, c’est “less is more”.» Chaque élément du vêtement — des fibres naturelles de haute qualité (comme la laine mérinos biologique) aux étiquettes de prix (faites de chutes de tissu transformées en papier) — est conçu pour assurer sa longévité et réduire son impact sur l’environnement.

 

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L’engagement d’Elisa C-Rossow en faveur des pratiques durables est mis en lumière dans sa collection automne-hiver 2023-2024. Elle y rend un vibrant hommage à sa mère, Betty, décédée lors d’une inondation en France en 2020. Grâce à l’esthétique épurée caractéristique de la créatrice, les pièces dégagent une élégance sentimentale directement inspirée du sens du style de sa mère. «Le manteau Betty lui est réellement dédié. Quand je le porte, j’ai l’impression que c’est quelque chose qu’elle aurait porté quand j’étais jeune.» La campagne publicitaire, qui a été réalisée par une équipe exclusivement féminine, fait même appel à un duo de mannequins mère-fille pour donner vie à la vision d’Elisa. «Je voulais représenter l’amour inconditionnel, mais aussi la relation complexe entre une mère et sa fille.»

Leçons de maman

«Notre première relation avec les vêtements est liée à nos mères. Je me rappelle que ma mère appliquait certaines règles de la vieille école, comme ne jamais juxtaposer le noir et le tan. Elle avait toujours l’air soignée; ses ongles et son maquillage étaient impeccables. Elle avait ce je-ne-sais-quoi de la femme française qui, quoi qu’il arrive, a du style sans y avoir mis trop d’effort. Ma mère a vraiment inspiré ma façon de dessiner mes modèles: leur silhouette est équilibrée, propre, minimaliste et pure. Que vous soyez mince ou ronde, la coupe doit vous permettre de vous sentir à votre avantage. C’est la raison d’être du vêtement. Lorsque je dessine et que je commence le processus d’assemblage, je suis constamment à la recherche de cette émotion

«L’un des grands problèmes de l’industrie de la mode est que la législation en matière de durabilité n’est pas cohérente.»

Coût caché

«L’un des grands problèmes de l’industrie de la mode est que la législation en matière de durabilité n’est pas cohérente. On me demande souvent comment les clients font pour savoir si cette notion de durabilité n’est qu’une stratégie de marketing pour faire vendre des produits. C’est tellement difficile de le savoir, même pour moi qui travaille dans ce domaine. Les marques peuvent bien trouver les mots qu’il faut pour convaincre les clients, mais si, par la suite, ceux-ci posent des questions, ils n’obtiendront pas de réponses. Les entreprises peuvent vendre n’importe quoi si elles ont une bonne image de marque, mais on devrait plutôt les juger en fonction de la quantité de déchets qu’elles produisent.»

Fait pour durer

«Je suis très fière de l’évolution de mon entreprise — d’être restée fidèle à mes valeurs. Et ces valeurs sont encore plus fortes aujourd’hui. La différence entre la personne que j’étais à 22 ans, lorsque j’ai lancé ma marque, et celle que je suis maintenant, à 37 ans, c’est que je peux communiquer plus clairement mes idées. J’ai gagné en crédibilité auprès de ma clientèle et dans l’industrie. Mais ce que je considère comme une évolution encore plus grande, c’est que j’ai plus confiance qu’avant en ce que je fais. Je me réveille le matin et je suis enthousiaste. C’est vraiment cool d’être encore là 15 ans plus tard.»

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