Qu’est-ce qui nous motive?

Selon Francesca Sicura, psychologue, s’excuser est une habileté de communication importante et déterminante qui permet de réparer l’atteinte à un lien. «C’est un signe d’intelligence émotionnelle, de maturité et d’évolution personnelle.» Demander pardon nécessite, de prime abord, une grande capacité à éprouver de l’empathie. Il faut savoir se mettre à la place de l’autre pour saisir quels ont été les impacts de nos actions ou de nos gestes. C’est d’ailleurs ce que la personne meurtrie souhaite habituellement: être écoutée, entendue, comprise.

Il n’est jamais facile de réaliser que nous avons fait du mal à quelqu’un, surtout si c’est une personne que nous estimons. En règle générale, nous essayons tous, au quotidien, d’être bons et nous aimons penser que nos intentions sont pures. Reconnaître en nous une faute, un défaut, nous renvoie une image négative de nous-mêmes qui peut être difficile à digérer. Avouer notre imperfection devant un ou des pairs nous place dans une situation de vulnérabilité et, forcément, notre ego en prend un coup. 

Pourquoi, alors, devrions-nous choisir de présenter des excuses et d’admettre nos torts, ce qui entacherait davantage notre image? Une bonne partie de la réponse réside dans la valeur que nous accordons à la relation que nous entretenons avec la personne offensée. «S’excuser, affirme Mme Sicura, c’est prioriser le lien qui nous unit à l’autre plutôt que notre amour-propre.» C’est donc une façon de montrer à l’autre que le rétablissement de notre relation nous importe plus que la préservation d’un statu quo tendu. En somme, il ne faudrait pas voir là une occasion de redorer son blason; ce n’est pas le moment d’être orgueilleux. Nous présentons des excuses parce que nous souhaitons réparer une relation, pas notre réputation.

Prendre nos responsabilités

Deux éléments reviennent de façon récurrente dans les excuses creuses et trahissent un refus de se reconnaître responsable de l’offense dénoncée. Tout d’abord, l’usage du conditionnel: le fameux «si». «Je suis désolée SI je t’ai blessé.» «Je m’excuse SI tu as mal compris ce que j’ai dit.» Exaspérant, non? Évoquer la possibilité qu’aucun tort n’ait été commis lorsque l’autre vient tout juste d’affirmer qu’il est blessé, c’est minimiser, voire nier son expérience et ses sentiments. C’est remettre en question la validité de ses émotions et lui démontrer que nous ne l’avons pas écouté. Nous faisons alors porter à la personne lésée le poids de sa réaction à nos gestes répréhensibles, en plus de la blessure elle-même.

L’enfer est pavé de bonnes intentions, dit l’adage. C’est pourquoi, quand quelqu’un demande pardon, il n’est également pas rare d’entendre: «Mais je n’avais pas l’intention de te faire de la peine!» Comme il est rare que l’on fasse du mal à l’autre consciemment, cet argument est plutôt faible. Peu importe le motif derrière les gestes ou les paroles de l’offenseur, la blessure a eu lieu et son impact est bien réel. Se déresponsabiliser quant aux conséquences de nos actions, qui étaient bien intentionnées, peut laisser la personne blessée sur sa faim. Comme l’explique Rose-Marie Charest, psychologue: «On n’a pas fait exprès, certes, mais on n’a pas fait attention non plus! Si on veut vraiment réparer le lien, il faut admettre sans détour le tort qu’on a causé.»

Après avoir laissé son conjoint infidèle, Corinne, 37 ans, a accepté de rencontrer la femme avec qui son ex avait eu une aventure. «Après une longue conversation, elle m’a présenté des excuses sincères, en m’affirmant qu’elle regrettait ses actions et qu’elle était désolée de m’avoir blessée, dit-elle. Ç’a été un moment cathartique pour nous deux. Beaucoup de larmes ont été versées, mais ça m’a fait énormément de bien. Elle a validé mes sentiments et reconnu son erreur, ce que mon ex n’a jamais fait. Ses excuses m’ont permis de clore ce chapitre de ma vie de façon moins amère», conclut-elle.

Sans attente

Dans tous les cas, il ne faut pas s’attendre à ce qu’un pardon nous soit accordé immédiatement. La confiance en l’autre se construit – et se reconstruit – lentement. Présenter des excuses n’oblige en rien l’individu vexé à cesser de ressentir de la tristesse ou de la colère. De la même façon, avouer ses torts ne condamne pas l’offenseur à se culpabiliser pour toujours. Le truc de Rose-Marie Charest? Se demander: «Que puis-je faire aujourd’hui pour soulager la personne que j’ai blessée, pour réparer le lien fragilisé?» Sans oublier que les actions sont souvent plus efficaces que les mots…

S’excuser… quand on est une vedette!

Qu’en est-il des personnalités publiques (comme Gerry Sklavounos, Gilbert Rozon ou Éric Salvail, pour n’en nommer que quelques-unes) qui doivent répondre publiquement des erreurs qu’elles ont commises? Étant donné l’ampleur des réactions que cause leur offense, la présentation d’excuses se fait à plus grande échelle.

Pour Amélie Talbot-Baudenon, conseillère en communications, le premier élément stratégique à considérer est le timing. «Il ne faut pas attendre que la situation dégénère, explique-t-elle. Réagir rapidement permet de reprendre le contrôle du narratif.» Et que devraient déclarer publiquement ces personnalités si elles souhaitent se réhabiliter aux yeux de leur public? Selon cette professionnelle, les enjeux légaux souvent présents dans de telles situations peuvent compliquer la prise de responsabilité. Les stars se font généralement conseiller par leur avocat de ne rien admettre, pour éviter d’éventuelles poursuites. Pourtant, il leur faut absolument trouver un moyen de reconnaître leurs torts. «Si vous n’avez aucune intention d’admettre une faute, ne vous excusez pas», dit Rose-Marie Charest, psychologue et conférencière.

Malgré tout, même si elles ont admis leur part de responsabilité, certaines vedettes sabotent leurs excuses en s’énervant devant l’intensité des réactions. Parce qu’en plus de devoir gérer le mécontentement des personnes qu’elles ont blessées, elles reçoivent souvent des messages violents, des attaques personnelles et même des menaces. Devant ce flot d’agressivité, elles ont tendance à se défendre, en faisant fi des sentiments des personnes heurtées. Dans une telle situation, Mme Charest conseille: «Les personnalités publiques doivent s’adresser uniquement aux gens offensés et ne pas mentionner les insultes proférées à leur endroit. Elles doivent, dans leur message d’excuses, mettre à l’avant-plan les personnes qu’elles ont blessées.»

«Il faut être transparent, accepter la faute, agir rapidement, avoir l’air sincère et présenter les moyens qu’on a trouvés pour que cette situation ne se reproduise pas», résume Amélie Talbot-Baudenon. Et, qu’on soit une vedette ou non, on prend des notes!

COMMENT PRÉSENTER DES EXCUSES RÉPARATRICES EN 4 ÉTAPES (PLUS OU MOINS) FACILES

Lorsqu’on reconnaît le tort qu’on a causé à un ami, à un collègue, à un amoureux ou à un parent, comment s’excuse-t-on de façon efficace? Avec l’aide de la psychologue Francesca Sicura, nous avons créé ce petit guide pour vous aider à bien communiquer.

1. Exprimer ses regrets

Dès qu’on s’aperçoit qu’il y a une tension ou qu’un tort a été causé, il faut avant tout s’assurer que les deux partis sont calmes, afin de permettre une communication ouverte et une écoute optimale. Présenter ses excuses dans les pleurs et les cris risque de ne mener nulle part! Puis, il faut exprimer son regret et son souhait de recréer le lien, de réparer ce qui a été abîmé.

2. Écouter

Manifester son désir de faire amende honorable peut alors inciter le parti offensé à vouloir exprimer son ressenti. Il est alors primordial d’écouter ce témoignage calmement, sans interruption… et sans soupirs passifs agressifs! Afin de montrer qu’on a écouté et surtout compris ce que l’autre a expliqué, il faut valider son expérience en répétant dans nos mots ce qu’il vient d’exprimer.

3. Se responsabiliser

Se responsabiliser, c’est reconnaître notre part de responsabilité dans l’infliction de la blessure, même si notre intention n’était pas de blesser. C’est une épreuve pour notre amour-propre, mais ça en vaut la peine. Courage!

4. S’engager

Il faut démontrer qu’on est déterminé à faire en sorte que l’incident ne se reproduise pas. Il suffit de poser dans le futur des gestes, actions et paroles de renforcement, afin de rassurer progressivement l’autre parti et regagner sa confiance. Et pour maximiser la réparation du lien, on peut organiser des activités de rapprochement, comme une soirée romantique pour les amoureux, un souper pour les amis ou un lunch au restaurant pour les collègues de travail.