Cet artiste multidisciplinaire, à cheval entre l’Europe et le Québec, embrasse ses nombreuses passions et construit un univers de plus en plus personnel, qu’il exprime pour la première fois en chantant en français.

C’est sous le soleil grec que le troisième album d’Aliocha Schneider a pris forme. Le hasard a voulu que le jeune homme tourne coup sur coup deux projets qui offraient, entre autres avantages, une vue imprenable sur la Méditerranée. Entre le film Music, une adaptation du mythe d’Œdipe par la réalisatrice allemande Angela Schanelec, et la télésérie Salade grecque, le plus récent volet de l’univers créé par Cédric Klapisch avec L’Auberge espagnole, Aliocha passe le temps en s’adonnant à sa passion pour la musique.

Navré de n’avoir pu jouer sur scène les chansons de son deuxième album, Naked (2020), en raison de la pandémie, il se lance le défi d’écrire en français, après deux opus dans la langue de Dylan. Il commence par traduire l’une de ses chansons et, pris au jeu, il transforme son projet, qui passe d’un EP à un album complet. Autre nouveauté: l’artiste solitaire recrute un partenaire de création, Marc-André Gilbert, le collaborateur de sa compagne, Charlotte Cardin (ainsi que d’Ariane Moffatt et de Milk & Bone). «C’est la première fois que je travaille avec quelqu’un d’autre et ça m’a fait un bien fou. On se connaissait déjà, mais durant les deux ans qu’a duré la création de l’album, on a trouvé une manière de collaborer qui me permet d’être encore plus moi-même tout en mettant son talent de l’avant.»

Comme ses frères, Niels, Volodia et le regretté Vadim, Aliocha est né en France, mais il a grandi au Québec. Habitué au grand écart transatlantique, il travaille avec la même aisance sur les deux continents et revendique fièrement sa double identité. «Je suis habitué à avoir deux personnalités: je parle avec mon accent québécois quand je suis au Québec et avec mon accent français quand je suis en France… Mais quand je chante, je le fais pour les deux; alors, j’ai dû me demander quelle serait ma voix», dit-il. Au fil des essais et des erreurs, il développe une écriture dépouillée, presque toujours au «je», qui privilégie l’émotion et, peu à peu, c’est une troisième voix qui émerge. «Les intonations sont forcément différentes d’une langue à l’autre. Quand j’ai commencé à chanter en anglais, avant de trouver ma propre voix, j’imitais mes idoles, ce qui m’a donné un phrasé à la Dylan. Ce qui me bloquait avec le français, c’est que j’avais toujours l’impression de sonner comme une imitation de Jean Leloup!»

«Je voulais que ces chansons illustrent bien mon paysage intérieur: il y a une certaine mélancolie et une nostalgie douce qui traversent l’album, mais aussi beaucoup de lumière.»

CINÉMA, CINÉMA…

«Je voulais que ces chansons illustrent bien mon paysage intérieur: il y a une certaine mélancolie et une nostalgie douce qui traversent l’album, mais aussi beaucoup de lumière», explique Aliocha, qui souhaite explorer la complexité de sentiments parfois contradictoires. On peut en effet ressentir le poids de l’éloignement et de l’absence de l’être cher, même lorsqu’on vit un rêve professionnel dans un paysage idyllique. «Je suis vraiment comblé par le cinéma! Je suis heureux sur un plateau, qui est un petit monde où les acteurs sont traités comme des rois, mais je n’oublie jamais que c’est une bulle qui est très éloignée de la réalité.»

Le cinéma n’est jamais loin d’Aliocha: la pièce maîtresse du nouvel album, Avant elle, est accompagnée d’un clip qui met en vedette la comédienne Lou de Lâage et qui a été réalisé par Cédric Klapisch. «Au départ, je voulais le réaliser moi-même et j’avais simplement demandé conseil à Cédric, qui non seulement m’a proposé de le réaliser, mais m’a aussi »prêté » son équipe technique. C’était un beau geste d’amitié, qui illustre bien sa manière d’agir avec les gens avec qui il choisit de travailler. Une fois qu’il t’ouvre la porte, tu fais partie de la famille.»

Aliocha ne s’en cache pas: depuis son apparition dans Salade grecque, il reçoit de plus en plus de scénarios intéressants. On pourra d’ailleurs bientôt le voir dans une adaptation en anglais de Bonjour Tristesse, avec Chloë Sevigny. Mais une chose est absolument certaine: la musique n’est pas un simple projet parallèle et Aliocha a la ferme intention de défendre avec fougue ses chansons sur scène. «Je n’arrêterai jamais de faire de la musique, même si je veux aussi laisser beaucoup de place au cinéma dans ma vie. Évidemment, si Spielberg ou Jacques Audiard me proposaient un rôle, je serais peut-être prêt à annuler quelques concerts, voire une tournée!» lance-t-il en riant.

Aliocha Schneider, d’Aliocha Schneider (audiogram), disponible dès maintenant.

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