Lorsque Maya Colombani achète un nouveau chandail (jamais d’une marque de prêt-à-porter rapide), elle s’en départit de deux dans sa garde-robe afin que celle-ci reste minimale. Elle ne mange de la viande qu’une fois par semaine, conduit une voiture hybride et fait du covoiturage avec ses collègues autant que possible. Et elle évite de prendre l’avion pour le boulot, sauf en cas d’absolue nécessité. «Mais je ne suis pas parfaite, dit la femme de 47 ans. Je fais des changements progressifs. Et je ne renonce jamais à m’améliorer.»

Née à Grenoble, en France, Maya Colombani est cheffe de la direction du développement durable et des droits humains à L’Oréal Canada et, pour elle, vivre de manière écoresponsable, dans le respect de la nature, correspond tout simplement à la façon dont elle a été élevée. «Ma mère était professeure de yoga et mon père était marin, explique-t-elle. Ils aiment tous les deux voyager et ont une relation privilégiée avec la nature — mon père avec la mer et l’océan, ma mère avec les arbres et les montagnes». Alors étudiante, Maya Colombani a d’ailleurs choisi d’aller à l’université en Australie, non seulement pour améliorer son anglais, mais parce qu’elle était attirée par la diversité de la nature du pays, ses déserts et ses forêts tropicales.

Elle est arrivée chez L’Oréal il y a 20 ans et a occupé des postes un peu partout, de la Chine à l’Inde, avant d’arriver au Brésil en 2010 au département marketing. En 2016, elle est devenue directrice du développement durable. «Pour moi, ce n’était pas juste un changement de carrière, explique-t-elle. Il s’agissait d’être encore plus en phase avec qui je suis.» Sous sa direction, la branche brésilienne de l’entreprise est devenue neutre en carbone en installant des panneaux solaires et en utilisant des camions au biogaz pour le transport. En parallèle, Maya Colombani a également pris à cœur les droits de l’homme dans son rôle et a mené des projets visant à renforcer l’autonomie des femmes, comme l’établissement de neuf écoles de beauté dans des quartiers vulnérables afin d’aider les femmes locales à sortir de l’extrême pauvreté. Par ailleurs, elle a instauré un salaire de subsistance chez L’Oréal Brésil et a promu l’idée d’une rémunération équitable en Amérique du Sud avec le soutien des Nations Unies. 

En 2022, Maya Colombani a rejoint L’Oréal Canada parce qu’elle était attirée par le défi: notre pays est «stratégique» en ce qui concerne le changement climatique. «On parle toujours du Brésil à l’échelle mondiale, mais nous [le Canada] possédons la plus grande forêt intacte au monde. Lorsqu’il s’écroule, le monde s’écroule», dit-elle, citant en exemple les feux de forêt de l’été dernier et la distance parcourue par la fumée. Un autre facteur est que le territoire est composé à 40 % de l’Arctique. «Appelons ça l’air conditionné pour la planète», plaisante-t-elle. Enfin, le Canada fait partie des pays qui consomment le plus par habitant, non seulement des biens, mais aussi des ressources naturelles. «C’est quelque chose que nous devons traiter, en développant une consommation plus durable au Canada, dit-elle. C’est pourquoi on a beaucoup de travail à faire pour éduquer le consommateur et apporter plus de transparence afin de l’aider à faire le bon choix.» 

Maya Colombani reconnaît cependant que l’entreprise elle-même doit d’abord changer, ce à quoi elle y travaille. «Comment conduit-on ce changement culturel?», demande-telle. «En changeant nos propres produits.» Actuellement, 90 % du portfolio de produits de L’Oréal est écoconçu, ce qui veut dire que la formule présente une biodégradabilité élevée, de même que des ingrédients naturels et un approvisionnement et un emballage responsables (tels que des packagings plus légers ou qui contiennent du plastique recyclé). «On a travaillé avec des scientifiques sur une analyse du cycle de vie pour obtenir l’impact le plus positif possible en matière de formules et d’emballages.» Parmi les exemples récents, on note le Shampoing solide, de Garnier, composé à 94 % d’ingrédients naturels, et la gamme Anthelios, de La Roche-Posay, qui est désormais présentée dans des tubes en papier. «L’objectif est d’atteindre 100 % d’emballages recyclés [pour] tous [les produits] de L’Oréal d’ici 2030.» 

Les recharges sont d’ailleurs disponibles auprès des marques de luxe du groupe L’Oréal, de Lancôme à Armani. En septembre dernier, cette dernière griffe a présenté son parfum My Way : il est non seulement rechargeable, mais les émissions de carbone provenant de sa fabrication ont été neutralisées et l’un de ses ingrédients — la vanille de Madagascar — provient d’une source responsable et est cultivée exclusivement pour la marque, garantissant ainsi un revenu à la communauté qui la fournit. 

Pour résoudre le problème du recyclage des emballages des produits de beauté, qui peut être délicat compte tenu de leurs différents composants, Maya Colombani s’est associée à TerraCycle, qui dispose de plus de 600 boîtes de récupération installées partout à travers le Canada, des Walmart aux Pharmaprix. Elle comprend qu’en bout de ligne, le consommateur fera ses propres choix, mais des programmes comme celui-ci l’aident au moins à faire les bons. «Il s’agit en quelque sorte de promouvoir la citoyenneté», dit-elle. D’ailleurs, les emballages vides ne doivent pas nécessairement provenir des marques de L’Oréal. «Les déchets sont des déchets.» 

Maya Colombani a même procédé à des changements à l’interne. Aux restaurants de l’entreprise, seuls des œufs biologiques sont utilisés, les repas du lundi sont végétariens, il n’y a pas de plastique à usage unique et tous les restes de nourriture sont donnés aux sans-abris. «Quand on parle de changement culturel, ça commence de l’intérieur», précise-t-elle. Lorsqu’il s’agit des consommateurs, elle est persuadée qu’ils ne vous demanderont jamais d’être parfaits, mais de ne pas renoncer à vous améliorer. «En tant que leader, on a la responsabilité de contribuer à la société, déclare-t-elle. Et je pense que la durabilité est une question d’action, pas seulement de conviction.» Plus encore, il est important d’être une entreprise qui s’aligne sur les valeurs des consommateurs. «L’objectif d’une marque n’est pas [seulement] de faire des affaires, mais aussi d’être utile à la société.»

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