Je suis une «swipeuse»  internationale. En tant que femme célibataire et voyageuse solo, j’ai balayé des faces de messieurs du bout du pouce, à droite, à gauche, sur moult continents, dans de nombreux paysages. C’est parfois exaltant, excitant. C’est souvent exaspérant.

Étrangement, de la rive d’un océan à l’autre, les profils sont plutôt homogènes. Ou, plutôt, il s’agit toujours d’une jungle éclectique, mais qui se ressemble drôlement sous tous les cieux. On y rencontre partout l’originale opinion «j’aime pas l’ananas sur ma pizza», l’émoustillante photo d’un torse nu dans un miroir taché de dentifrice, le profond message «good vibes only» et quelques jolies pépites misogynes, transphobes ou grossophobes ici et là. (Que de plaisir!) Mais ce qui m’a le plus troublée, c’est une phrase qui revient encore et encore. Dans toutes les langues, à toutes les sauces, dans tous les ports. «Je cherche une fille qui ne se prend pas au sérieux.» À répétition. À outrance. Du dude tatoué au businessman. Du surfeur à Bali à l’architecte divorcé, papa de trois petits. Impossible de ne pas remarquer la multitude d’hommes de tous les âges, de tous les horizons, en quête d’une demoiselle qui ne se prend surtout pas au sérieux.

J’ai réfléchi. Qu’est-ce que c’est, au juste, une femme qui se prend au sérieux et pourquoi fait-elle si peur à la gent masculine? Se prendre au sérieux, qu’est-ce que ça implique? Être sérieuse quant à notre bonheur, à notre carrière, à nos besoins, à nos envies, à notre plaisir? Être sérieuse quant à notre recherche d’un ou d’une partenaire qui nous traite d’égale à égale, en être humain à part entière, avec toutes nos parts d’ombre et de lumière? Être sérieuse quant à l’attention qu’on nous porte, au temps qu’on nous consacre, à l’affection qu’on reçoit?

Ce que je lis entre les lignes de ces bios qui pullulent sur toute la surface du globe — on n’échappe nulle part au patriarcat, semble-t-il —, c’est que ces hommes recherchent une femme pour laquelle ils n’auront à déployer aucun effort. Niet. Nada.

Les mains dans les poches, en attendant qu’on leur serve leur souper préparé avec soin. Parce que le contraire d’une femme qui se prend au sérieux, c’est une femme qui ne connaît pas (encore) sa valeur. Qui ne sait pas (encore) qu’elle a droit à un amour sain, satisfaisant et doux. Qui acceptera — par peur d’être seule (cette étiquette si pesante dans une société où l’amour romantique prime) — les quelques miettes d’affection d’un prétendant qui, d’emblée, affiche sans gêne sa paresse, son incapacité totale à comprendre — encore moins à combler — les besoins émotionnels fondamentaux d’un autre être humain, d’un ou d’une possible partenaire romantique.

Mesdames, sur Tinder comme ailleurs, et peu importe dans quel coin du globe vous déposez votre cœur et vos valises, je vous souhaite de vous prendre très, très au sérieux.

Vous le méritez.

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