Quand la comédienne (inoubliable, notamment, en Shandy, dans Unité 9) prend la plume, elle aime aborder des sujets qui comptent: «Je trouve que la fiction est une façon de parler de plein d’enjeux de société avec subtilité, humour et intelligence, soutient-elle. Des statistiques, ça ne nous touche pas. Mais l’histoire d’une personne qu’on voit vivre [une situation] avec émotion et complexité, ça a beaucoup plus de chance de nous rejoindre.» C’est ce qu’elle a fait en 2017 avec sa pièce de théâtre La meute, qui, après avoir été jouée à moult reprises et traduite en anglais, renaît au grand écran sous un nouveau titre: Lucy Grizzli Sophie. On y retrouve Sophie, justement, qui décide de louer une chambre en région dans une maison d’hôtes où réside Martin, le neveu de la logeuse. Une relation énigmatique se tisse entre ces deux âmes esseulées, qui ont perdu leur emploi respectif pour des raisons bien différentes. «On sait qu’il y a quelque chose qui gronde en dessous, qui va mal virer, mais on ne sait pas ce que c’est.» La scénariste tient d’ailleurs à en révéler le moins possible sur l’intrigue de ce thriller psychologique, car, selon elle, «dans ce genre de film-là, moins t’en sais, plus t’as du fun!». 

Catherine-Anne ne s’en cache pas: elle adore les suspenses. Toute petite déjà, elle regardait les longs métrages «d’Hitchcock, d’Otto Preminger et tous les films noirs des années 1940» avec sa grand-mère. Son amour pour le septième art, elle le vit maintenant aussi de l’intérieur: «J’ai vraiment eu un coup de cœur absolu pour le cinéma. J’y ai senti une liberté que j’avais seulement éprouvée au théâtre jusque-là.» Elle a mis cinq ans à peaufiner la nouvelle mouture de son histoire «pas de couteau, pas de fusil, mais qui fait mal», et elle apprécie grandement le temps qu’elle a pu y accorder.

«Quand on ose déranger, parler de sujets difficiles, il faut avoir le temps de bien faire les choses. J’irais jusqu’à dire qu’il n’y a pas une scène où on ne s’est pas demandé si on n’allait pas trop loin dans la violence.»

En cela, sa collaboration avec la réalisatrice Anne Émond (qui a, entre autres, signé le film Nelly, consacré à la regrettée Nelly Arcan) s’est avérée féconde et précieuse. 

On l’aura compris: Lucy Grizzli Sophie ne sera assurément pas le dernier film de l’autrice. Elle travaille déjà à un nouveau scénario, même si «ça fait peur de prendre la parole quand on ne le fait pas en tant que comédienne», confie celle qui, à 48 ans, compte 25 ans d’écriture derrière elle. Il ne faut pas oublier que, lorsqu’elle a envisagé de suivre cette trajectoire (l’écriture), très peu d’œuvres de femmes étaient à l’étude dans les écoles. «Ce n’était donc pas nécessairement facile d’arriver et de déclarer: “Moi, Catherine-Anne Toupin, j’ai peut-être quelque chose à dire.” Mais je suis contente de l’avoir fait et de continuer à le faire, et je suis surtout tellement fière de voir toutes les femmes qui osent maintenant prendre la parole au théâtre et au cinéma. C’est récent, mais mon Dieu que ça fait du bien!» On ne saurait mieux dire.

Sophie Grizzli Sophie, au cinéma dès maintenant.

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