Je le savais. On m’avait prévenu qu’Ashley Graham faisait tourner les têtes sur son passage. Mais ce n’est qu’en la rencontrant en personne que j’ai vraiment compris pourquoi. Ses yeux, son sourire, ses lèvres (aïe aïe aïe, ses lèvres!)… La mannequin de 26 ans est d’une beauté à donner le torticolis. Même sa grande amie la top modèle Crystal Renn – qui a posé à trois reprises pour le ELLE QUÉBEC – avoue se sentir complètement invisible en sa compagnie. «Je pourrais aussi bien porter une burqa», a-t-elle déjà dit. Pieds nus, vêtue d’un pantalon fluide à imprimé léopard et d’un léger chemisier noir, Ashley est radieuse lorsqu’elle m’accueille dans son appartement de Brooklyn. C’est l’heure du brunch et sur une grande table en bois sont disposés des fruits, quelques bouchées et une bouteille de champagne. «J’aime mon mimosa avec beaucoup de bulles et un tout petit peu de jus d’orange», me confie-t-elle en riant. Ashley rit et sourit beaucoup. C’est plus fort qu’elle. Son ADN semble être composé de particules d’optimisme. 

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Comme bien des top modèles, Ashley a été découverte dans un centre commercial. Elle avait 12 ans et mesurait déjà 1,75 m (5 pi 9 po)… Sauf que, contrairement à la majorité des mannequins, elle n’arborait pas la fine taille 0 mais plutôt la taille 12. «Dans ma famille, on a tous des formes. Et à la maison, jamais personne ne m’a conseillé de perdre du poids», souligne-t-elle.

Rapidement, ses traits racés lui ont valu d’être recrutée par la division taille forte des prestigieuses agences Wilhelmina (à 13 ans) et Ford (à 15 ans). Est-elle alors devenue la star de son école secondaire? «Bien sûr que non! Les gamins ne sont pas toujours gentils! À l’école, ils ont continué à m’appeler « la grosse modèle »», se souvient-elle sans signe apparent d’amertume.

> Vidéo: Rencontrez Ashley Graham

Même si elle n’avait jamais rêvé d’être mannequin, Ashley a rapidement eu la piqûre pour ce métier pas comme les autres. «On voyage, on fait un bon salaire et on rencontre des gens vraiment intéressants.» Qui plus est, sa carrière lui a permis de s’échapper de son Nebraska natal, un État plus réputé pour son maïs que pour son glamour. À la fin de ses études secondaires, lorsqu’elle avait 17 ans, ses parents lui ont permis de s’installer à New York le temps d’un été, afin de voir si elle avait un avenir dans la mode. «J’ai travaillé comme une folle pour pouvoir y rester! Et ça a marché. Je ne suis jamais retournée vivre au Nebraska!»

Dix ans plus tard, Ashley compte parmi les mannequins les plus en vue de sa catégorie. «Je n’ai plus de vie en dehors du travail. Mon mari [le vidéaste Justin Ervin] et moi, on a parfois l’impression de n’être mariés que pendant le weekend! On n’a presque plus le temps de se voir.» Et pour cause: la top passe son temps entre deux avions, multipliant les séances photo pour des magazines tels que Vogue et Harper’s Bazaar ou encore pour les campagnes publicitaires de Bloomingdale’s et de Levi’s.  

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Ashley était d’ailleurs en Suisse quand elle a appris qu’elle serait la prochaine covergirl de ELLE QUÉBEC. «J’ai ca-po-té!» Son enthousiasme était d’autant plus grand qu’elle décrochait pour la première fois en 15 ans de carrière la une d’un magazine de mode. «J’ai aussi réalisé ce que ça signifiait: une fois de plus, une fille taille forte allait paraître en couverture. Ce n’est pas rien!»  

Ashley est consciente que bien des personnes seront enchantées d’y voir sa silhouette, mais elle sait aussi que d’autres y trouveront à redire. On n’a qu’à penser aux récentes critiques que le Elle américain a essuyées pour avoir soi-disant dissimulé la comédienne Melissa McCarthy dans un manteau extralarge ou encore à la fameuse couverture «curvy» du Vogue italien, jugée beaucoup trop sexy. «C’est impossible de plaire à tous. Mais il me semble qu’on devrait se réjouir de voir des filles différentes sur la couverture d’un magazine», plaide-t-elle avec passion.

Ashley ne le cache pas: elle est ambitieuse. Et sa détermination est doublée d’une assurance rare. «J’ai toujours été comme ça, car c’est comme ça qu’on m’a élevée. Ma mère est très sûre d’elle, elle parle fort, elle est tapageuse.» Le portfolio de la top montre qu’elle n’a pas froid aux yeux. Il est truffé de pubs de lingerie, de photos, voire de nudité complète (notamment celle du O, le magazine d’Oprah). «J’aime mon corps et je n’ai pas peur de le mettre en valeur. Dans ma famille, on se baladait tout le temps en sous-vêtements. Alors pour moi, porter de la lingerie, c’est comme être à la maison!»

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Sa carrière a d’ailleurs été propulsée en 2010 par une pub de lingerie de la chaîne de magasins américaine Lane Bryant. Ou plutôt par la controverse entourant la décision des réseaux Fox et ABC de ne pas diffuser cette publicité – les courbes voluptueuses d’Ashley ayant été jugées trop osées! Il n’en fallait pas plus pour que la pétillante brunette soit invitée à réagir au célèbre Tonight Show, qui était alors animé par Jay Leno. Vêtue d’un ensemble noir moulant et juchée sur des talons vertigineux, elle est parvenue à convaincre l’auditoire qu’une publicité de Victoria’s Secret mettant en vedette une mannequin filiforme n’aurait jamais été censurée de la sorte. «À l’époque, je me disais qu’il nous restait encore beaucoup de chemin à faire pour changer les choses. C’était il y a quatre ans. Aujourd’hui, on voit plein de filles avec des formes à la télé. On a réalisé un progrès énorme», souligne-t-elle fièrement.

Consciente que toutes les filles n’ont pas une aussi grande assurance qu’elle, Ashley ne manque jamais de rappeler que la beauté est avant tout une question d’estime de soi. Pas étonnant que le slogan de sa ligne de lingerie pour Addition Elle soit «La séduction est un état d’esprit». L’ambitieuse jeune femme participe par ailleurs activement au design de cette collection qui s’adresse à celles qui, comme elle, peinent à trouver des sous-vêtements à la fois sexys et confortables. Dans quelques années, Ashley aimerait aussi signer une ligne de vêtements. La mannequin, qui porte la taille 16, est bien placée pour savoir à quel point il est difficile pour les filles comme elle de trouver des fringues stylées! «Des chaînes comme Zara, par exemple, feraient une fortune si elles offraient des tailles plus grandes», soupire-t-elle.

D’ici là, Ashley compte poursuivre son ascension dans l’univers du mannequinat. Son prochain défi? Participer aux défilés de la semaine de la mode de New York, où règnent surtout les brindilles. À la fin de 2013, elle a d’ailleurs joint les rangs d’IMG, l’agence qui représente les tops les plus en vue de la planète (dont Gisele Bündchen, Daria Werbowy, Chanel Iman). Cette belle vitrine lui a permis d’être une des cinq mannequins taille forte à participer aux auditions pour les collections automne- hiver 2014. Une première! Aucune d’entre elles n’a été choisie par Marc Jacobs ou Ralph Lauren, mais leur inclusion dans le processus de sélection a toutefois suscité beaucoup de discussions. «Avec un peu de chance, je serai retenue pour la prochaine semaine de la mode. On ne peut pas s’attendre à ce que tout change du jour au lendemain, mais beaucoup de choses ont évolué dernièrement. Voyons ce qui va se passer au cours des prochaines années», conclut l’éternelle optimiste.  

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