Faites un petit sondage autour de vous. Demandez à toutes les filles – et à tous les gars – que vous connaissez quelle personnalité représente le mieux l’homme moderne (ou ce que les chroniqueurs culturels appellent l’übersexuel, un homme à la fois viril et sensible, macho et coquet): 90 % des gens vont vous répondre «George Clooney».

Effectivement, le réalisateur gominé de Good Night, and Good Luck incarne parfaitement l’homme du 21e siècle – que j’appelle le mâle Cherry Blossom: dur à l’extérieur, tendre à l’intérieur. Mais, selon moi, une autre célébrité pourrait lui damer le pion: Marc Labrèche.

Pensez-y deux secondes. L’interprète de Rénald Paré et de Brett Montgomery possède toutes les qualités requises pour mériter le prix d’Übersexuel de l’année 2006.

Tout d’abord, il est sûr de lui. Marc Labrèche, on le sait, déteste les galas et les remises de prix; il ne se déplace jamais pour recevoir une statuette en téflon, qu’il s’agisse d’un Gémeaux, d’un Jutra ou d’un Ti-Zoune. Pour lui, ces concours ne servent strictement à rien. Ce n’est pas qu’il ait peur de la compétition, non: il n’a tout simplement pas besoin du regard des autres pour connaître sa propre valeur. Il adore son travail, et son travail le lui rend bien. Le reste, c’est du flafla. Même Clooney n’a pas cette assurance. Il fallait le voir, à la dernière soirée des Oscars, quand il a reçu le prix du Meilleur acteur de soutien pour Syriana: il avait l’air d’un nerd qui se réveille dans le lit de Claudia Schiffer…Deuxièmement, Marc Labrèche fait preuve de beaucoup de pudeur. Contrairement à ses contemporains qui ne cessent de s’expliquer, de s’autoanalyser et de se raconter (le mâle moderne est une vraie pie), Labrèche se garde toujours une petite gêne. Il discute, mais rarement de lui-même. Vous pouvez jaser avec lui pendant trois heures, vous n’arriverez pas à le cerner. Les questions personnelles rebondissent sur lui comme les balles sur le thorax de Superman. Vous ne l’entendrez jamais se plaindre en public. Il n’est pas non plus du genre à joindre un groupe masculiniste et à aller jouer du tambour tout nu dans le bois en se sniffant les aisselles. Il parle d’abondance, mais ne se dévoile jamais.

Troisièmement, Marc Labrèche a de la classe. Sa compagne, la mère de ses enfants, est décédée l’an dernier. A-t-il fait le tour des émissions people, a-t-il déversé ses états d’âme dans les journaux à potins, a-t-il organisé une conférence de presse pour annoncer qu’il s’était converti au bouddhisme? Non. Il a vécu son deuil en privé.

Quatrièmement, Marc Labrèche est coquet. Si, si, je vous jure. L’autre soir, je l’ai croisé dans un restaurant et il m’a parlé d’une petite boutique de vêtements où on trouve des chandails et des chemises «parfaits pour des gars de notre âge: pas trop vieux, pas trop jeunes, pas trop gais, pas trop mononcles, juste corrects». Un homme qui prend soin de son apparence et de son look sans pour autant ressembler à Liberace… n’est-ce pas ce que veulent les femmes?

Et finalement, Marc Labrèche prend des risques. Comme Clooney, qui alterne les succès commerciaux (Ocean’s Eleven) et les films plus personnels (Solaris), ce diplômé en philosophie peut à la fois faire le clown dans Le coeur a ses raisons et se glisser dans la peau de Cocteau dans Les aiguilles et l’opium. Le lazy-boy, très peu pour lui. Ce n’est pas parce que sa carrière va bien qu’il va commencer à se ménager et à porter des pantoufles.

Bref, George Clooney, je veux bien. Mais pas besoin de traverser le 42e parallèle pour trouver des hommes modernes, solides et bien dans leur peau. Il y en a ici, chez nous. Il suffit de chercher un peu…

Article publié originalement dans le numéro d’octobre 2006 du magazine ELLE QUÉBEC