Au moment d’écrire ces lignes, on est encore en confinement. Le premier ministre Legault vient tout juste d’annoncer les dates de retour à l’école pour le Québec, ce qui mettra éventuellement fin à l’isolement collectif. Dans mes 5@7 virtuels, les gens se demandent ce qui restera de cette pandémie dans nos vies «d’après». Les pessimistes disent que rien ne changera. «Chasse le naturel, il revient au galop!» Les optimistes, pour leur part, pensent qu’on s’humanisera davantage. Et que le «nouveau normal» sera meilleur.

La réponse qui me semble la plus réaliste est celle du philosophe français André Comte-Sponville sur le site de L’Écho (lecho.be): «Le monde d’avant ne revient jamais. Essayez un peu de revenir aux années 1970… Mais à l’inverse, on ne recommence jamais à partir de zéro. L’histoire n’est jamais une page blanche. Ceux qui croient que tout va rester pareil se trompent. Ceux qui croient que tout va changer se trompent aussi.»

Serons-nous obsédés par les germes et la propreté? Est-ce que notre panier sera vraiment bleu, entièrement bleu? Irons-nous visiter plus souvent nos parents et nos grands-parents dans les CHSLD? Les sites de rencontres exigeront-ils une preuve d’immunité contre la COVID-19 avant qu’on puisse s’inscrire? L’été 2021 sera-t-il aussi rempli de potagers que celui de 2020? Recommencera-t-on à se faire la bise? Est-ce qu’on va s’entraîner/travailler/manger de la maison plus qu’auparavant? Et surtout, conservera-t-on un peu de cette lenteur imposée?

Je suis dans le camp de ceux qui voient le verre à moitié plein. La crise a fait ressortir le beau chez de nombreuses personnes: tous ceux et celles qui ont levé la main pour aider le personnel soignant (en risquant leur vie); les gens qui cuisinent et font l’épicerie pour leurs parents ou leurs proches; les amis et les voisins qui s’entraident… (Et oui, je vous le concède, ça fait aussi ressortir ceux qui manquent complètement de jugement quand il est question de dénonciation.)

Pensez à la rapidité avec laquelle certaines entreprises d’ici et d’ailleurs ont réagi et se sont réinventées pour venir en aide à leurs communautés, touchées par l’épidémie (voir notre reportage «L’industrie Mode & Beauté au temps du coronavirus», en page 88). Je suis convaincue plus que jamais qu’on aura l’audace de faire les choses autrement. Naîtront une foule d’idées chez nos entrepreneurs afin que le pays devienne encore plus autonome et une tonne de projets chez nos créateurs pour faire en sorte qu’on vive dans un monde meilleur. De nouvelles opportunités émergeront. Cette crise a clairement montré qu’on est capables de se virer de bord sur un 10 cennes. Maintenant, on n’a plus d’excuses pour l’inertie.

André Comte-Sponville a aussi dit: «La COVID-19, qui fait que nous pensons à la mort plus souvent que d’habitude, pourrait nous pousser à vivre plus intensément, plus lucidement, et même, lorsqu’elle sera vaincue, plus heureusement.»

J’espère de tout cœur qu’il a raison.

ELLE QUÉBEC JUIN 2020

ELLE QUÉBEC JUIN 2020Alexis Belhumeur

Charlotte Cardin porte un blouson en jersey perlé, un collier en métal, cuir et verre, et un pantalon en jersey (Chanel). Photographie Alexis Belhumeur. Direction de création et stylisme Annie Horth. Coiffure David D’Amours, avec les produits Kérastase. Maquillage Julie Cusson, avec les produits CHANEL. Production Estelle Gervais. Assistants à la photographie Frédérik Robitaille, Aljosa Alijagic. Assistante au stylisme Bianca Di Blasio.

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