Naissons-nous grégaires ou le devenons-nous avec le temps? D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé être entourée. Petite, je visitais ma grand-mère le plus souvent possible, dans la grande maison où sept de mes jeunes oncles vivaient encore. La demeure pleine de vie et le brouhaha du quotidien me rassuraient. Souvent, les amis, les amoureuses, la parenté se joignaient au joyeux groupe pour jouer aux cartes, partager un repas ou une bouteille de vin. Le contenu de l’immense congélateur, rempli de tourtières, de pâtés et de tartes, arrivait aisément à sustenter tout le monde. Ça riait et parlait fort, et la bonne humeur se transmettait aussi facilement que la COVID- 19. Encore aujourd’hui, rien ne me rend plus heureuse que de recevoir des amis et ma famille à ma table, pour des échanges authentiques et, comme on dit, avoir du gros fun noir. 

Récemment, dans le Madame Figaro, j’ai lu un article de Valérie de Saint-Pierre qui se demande si l’autophobie, soit la peur d’être seule avec soi-même, est le nouveau mal du siècle. Je me suis vite demandé si, habituée d’être aussi largement entourée, je souffrais moi-même de FOBA (fear of being alone). Car, comme un grand nombre d’entre nous, dès que je suis en solo, j’ai les yeux rivés sur le fil d’actualité de mes médias sociaux, à la recherche d’un peu de contact humain, aussi virtuel soit-il. Même seule, je ne le suis pas tout à fait. Et c’est toute une industrie qui nourrit cet insatiable désir de sociabilité.

Les applis de rencontre sont légion – on compte plus de 200 millions d’utilisateurs actifs sur les plateformes les plus populaires! On peut éviter de manger en solitaire grâce à Never Eat Alone, se faire de nouveaux amis avec Meetup ou Huggle, trouver un partenaire pour moult jeux de société sur une panoplie d’applis, et même étudier, travailler ou faire du ménage avec de purs étrangers – tout ça, plus qu’aisément, devant le petit écran de son téléphone.

Après de longs mois de confinement, nous ne pouvons qu’apprécier ces différentes façons de briser l’isolement et de rencontrer de nouvelles personnes intéressantes. Mais devrions-nous réapprendre à être seules… pour de vrai? La solitude en soi n’est pas réellement instagrammable, mais elle fait partie intégrante d’une vie intérieure saine et épanouie. Quand nous sommes seules, nous pouvons mieux écouter les sentiments qui nous habitent. Les psys parlent de «s’asseoir avec nos émotions». Selon l’article de Valérie de Saint-Pierre, être seule, face à soi-même, serait devenu aujourd’hui une véritable épreuve métaphysique.

À la suite des (petits) partys de Noël et de l’effervescence sociale du temps des fêtes, je propose donc que nous prenions un peu de temps en notre propre compagnie – sans tricher! Déposons le téléphone quelques heures, le temps de nous retrouver après une année d’épreuves, question de commencer la nouvelle année du bon pied… et perdues dans nos pensées!

Le numéro de février-mars d’ELLE Québec est offert en kiosque, en version numérique et en abonnement.

ELLE QUÉBEC - FÉVRIER 2021

ELLE QUÉBEC - FÉVRIER 2021Ted Belton

Photographie Ted Belton. Stylisme Nariman Janghorban. Direction de création Annie Horth. Coiffure David D’Amours (Folio Montréal, avec les produits Kérastase). Maquillage Geneviève Lenneville (Folio Montréal, avec les produits Dior Beauté). Production Estelle Gervais. Assistante au stylisme Manuela Bartolomeo.