L’an dernier, lors d’un souper où participait Juliette, la fille d’une amie, les propos ont convergé vers l’embauche de personnes racisées. «Je sais qu’à compétences égales, tu engagerais quelqu’un issu de la diversité, mais que ferais-tu à compétences inégales?», m’a-t-elle demandé, de but en blanc. J’ai répondu que j’embaucherais la personne la plus qualifiée pour accomplir le travail. «Et c’est ainsi que la discrimination à l’emploi se perpétue, m’a-t-elle répondu, l’air découragé. Les Blancs ont plus de chances dès le départ de développer leurs compétences; ils ont un meilleur accès aux études, à des stages, tout ça. En se fiant seulement à l’expérience, on ne change pas les choses.»

Dans les jours qui ont suivi cette soirée, je me suis remise en question. Étais-je complètement dans le champ? D’un côté, comment peut-on acquérir les compétences nécessaires si personne ne nous en donne la possibilité? De l’autre, jusqu’où va-t-on dans cette logique de favoriser une personne moins compétente pour un emploi dans le but de diversifier son équipe? La gestionnaire en moi avait des questionnements – et fort probablement une panoplie d’angles morts. Comment y voir plus clair?

Chez KO Média (l’entreprise qui publie les magazines ELLE Québec et ELLE Canada), nous nous sommes arrêtés pour y réfléchir et en discuter grâce aux ateliers guidés par Joanna Chevalier et Harry Julmice, fondateurs de l’organisme Never Was Average, «des connecteurs et des créateurs de culture qui facilitent l’impact social grâce au pouvoir de la conversation, de la communauté et de la culture». Les ateliers se passent sous forme de discussion en grands et petits groupes, où l’on réfléchit à nos propres biais, à notre héritage familial et à l’influence des gens qui nous entourent, aux idées avec lesquelles on a grandi. On se regarde en pleine face et, même si c’est difficile, ça fait du bien.

Quand on prend le recul nécessaire pour analyser nos comportements et nos privilèges, on se rend vite compte que, malgré notre bonne volonté, certains de nos gestes ou de nos paroles ne font pas avancer la société, la diversité, l’équité. Au sujet du recrutement, par exemple, j’ai réalisé que, sans le savoir, je filtrais les autres à travers mes propres biais – d’affinité, de proximité, de conformité, etc. Ça m’a ouvert les yeux – merci, Juliette, d’avoir levé le voile sur mes zones d’ombre!

On ne se le cachera pas: nos équipes sont encore très homogènes. Mais on a envie de faire mieux. J’ai envie de faire mieux. Et pas seulement pour brandir le drapeau de la diversité en nous donnant des tapes dans le dos pour nous féliciter de notre ouverture d’esprit, mais parce qu’une équipe où règne la diversité, c’est une équipe qui produit un magazine plus pertinent, où se côtoient des opinions et des intérêts multiples, qui met de l’avant des voix et des enjeux importants. C’est une équipe qui ose se remettre en question, aller à la rencontre de l’Autre, et qui, de ce fait, propose à ses lecteurs et à ses lectrices un tout autre regard sur le monde et lui fait faire des découvertes constantes. Et c’est ça, notre boulot, non?

Psst! Pour en savoir plus sur les intéressants ateliers de Never Was Average, c’est par ici.

ELLE Québec - juin 2022

ELLE Québec - juin 2022Justin Aranha

Photographie Justin Aranha. Stylisme Patrick Vimbor. Direction de création Annie Horth. Coiffure David D’Amours (Folio Montréal, avec les produits Kérastase). Maquillage Nicolas Blanchet (Folio Montréal, avec les produits Dior Beauté). Production Estelle Gervais. Assistants à la photographie Simon Goupil et Josh Hotz. Assistante au stylisme Laurence Labrie. Un merci tout particulier à Martin Rouleau.