Au moment où j’écris ces lignes, les médias viennent d’annoncer le suicide d’un père de famille jusque-là sans histoire.

Sa femme lui a annoncé qu’elle le quittait, il a sauté dans son auto et s’est enlevé la vie. Comme ça, sans hésiter une seule seconde. Même le souvenir de ses quatre enfants n’a pas réussi à le retenir.

Le Québec détient le plus haut taux de suicide du Canada et il se classe, à cet égard, au troisième rang des pays industrialisés. Le suicide, dans notre belle province, est la première cause de mortalité chez les garçons de 15 à 29 ans. La première! Avant les accidents d’autos et les maladies!

Les hommes québécois sont visiblement mal dans leur peau. Pourtant, on ne sent aucune urgence nationale, on a même l’impression que le gouvernement ne fait rien pour régler ce problème.

Je me demande si nos élus seraient aussi apathiques si c’étaient des femmes qui se tuaient en aussi grand nombre. Poser la question, c’est un peu y répondre… Souvent (pas toujours, mais souvent), les hommes s’enlèvent la vie après s’être fait «dumper» par leur conjointe. Je m’excuse, les boys, mais c’est quoi, notre problème? Une fille se retrouve seule, elle pleure un bon coup, puis se relève les manches et continue sa vie. Un homme est dans la même situation? C’est la panique, le désespoir. La noyade.

On dit que les femmes sont dépendantes des hommes, qu’elles vivent dans leur regard, qu’elles ont toujours besoin de leur assentiment. Vrai. Mais cette dépendance ne pèse pas lourd en comparaison de la dépendance des hommes envers les femmes. Souvent, celles-ci quittent leur chum pour se retrouver seules. Alors que les hommes, eux, quittent presque toujours leur blonde pour une autre femme. Il n’y a pas de pause entre les deux histoires d’amour. Comme si nous, les hommes, étions incapables de supporter la solitude. Nous passons de notre mère à notre blonde, puis de notre blonde à une autre blonde. Et ainsi de suite, jusqu’à notre mort. Nous attendons toujours qu’un train passe à côté du train dans lequel nous sommes assis pour descendre et changer de direction. Nous n’arrêtons jamais à la gare.

Manque de courage? Manque de confiance en soi? Besoin insatiable d’être aimés, admirés, chouchoutés? Je l’ignore. Tout ce que je sais, c’est que, psychologiquement, l’homme est le sexe faible. L’homme québécois, s’entend. Parce qu’ailleurs, le mâle se porte plutôt bien. Mais ici, c’est la gerbe.

Il faut dire que Homo quebecus a dû encaisser des changements profonds et fondamentaux en très peu de temps. Aujourd’hui, l’homme de 40 ans est radicalement différent de son père. C’est comme s’il avait poussé dans un autre arbre généalogique, comme s’il ne faisait pas partie de la même espèce. Comme si le mâle avait muté en une nuit.

Comprenez-moi bien: je ne dis pas que la révolution féministe était une erreur, une calamité, une catastrophe. Je dis que tout ça est arrivé très rapidement. Le mâle québécois a dû absorber un très, très gros choc sur une très, très courte période. Un jour, il y avait une baignoire avec de l’eau chaude et un bébé joufflu. Le lendemain, il y avait une douche. On ne s’est pas contenté de jeter le bébé avec l’eau du bain, on a démoli la salle de bain au grand complet.

C’est comme si l’homme n’avait pas encore tout digéré. L’ancien monde s’est évaporé avant que l’homme ait eu le temps de s’acclimater au nouveau. Les hommes, surtout les jeunes, sont extrêmement mal dans leur peau au Québec. Il est temps qu’on s’intéresse à leur détresse.
C’est bien beau de vouloir installer encore plus de barbelés sur les ponts, mais ce n’est pas ça qui va régler le problème…

Article publié originalement dans le numéro de novembre 2006 du magazine ELLE QUÉBEC