Le 29 juillet dernier, deux choses importantes sont arrivées dans ma vie. J’ai déménagé dans une maison que j’adore – et où je compte passer le reste de mes jours – , et j’ai célébré mon 46e anniversaire de naissance. J’avais l’impression de faire un tour de montagnes russes. Vous savez, l’instant précis où on arrive en haut de la première côte? On sent le vent souffler dans nos cheveux, on inspire profondément et on se prépare à plonger… Une demi-seconde de calme extraordinaire avant la grande dégringolade. Quand j’étais jeune, j’appréhendais le moment où j’aurais 46 ans. Après tout, c’est la moitié d’une vie. Le début de la dernière partie du spectacle… Or, vous savez quoi? Je n’ai même pas eu peur. Au contraire, je trouve ça tripant d’avoir 46 ans. Je ne me suis jamais senti aussi bien.

Oh, certes, il y a quelques désagréments. Ça me prend désormais deux jours pour digérer un plat de côtes levées, quatre jours pour me relever d’une cuite, et je gagne six kilos dès que je mange une frite. Sans compter que j’ai des poils qui poussent dans de drôles d’endroits – les oreilles, les narines. Je me sens comme une maison abandonnée qui est prise d’assaut par les mauvaises herbes. J’ai d’ailleurs dû aller à la pharmacie pour m’acheter une minitondeuse faciale…

Mais les aspects positifs d’avancer en âge font oublier les points négatifs. Quelques jours avant de déménager – et d’entamer la deuxième partie de mon humble existence –, j’ai foutu des centaines de livres, de CD et de DVD dans des boîtes, et je m’en suis débarrassé. Le feeling était génial. Mon ventre a beau avoir pris quelques centimètres au cours de la dernière année, je me sentais léger. J’en avais ras le bol de voir des livres que je n’ai jamais lus et que je ne lirai jamais bouffer mon espace. Eh bien, avoir 46 ans, c’est exactement ça. On fait le ménage, on fait le point. On se débarrasse des choses qui nous pompent l’air, on cesse de se raconter des mensonges, on ramasse les rêves qu’on ne réalisera jamais et on les enterre dans la cour sans remords ni regret…

Tenez, j’ai toujours rêvé d’écrire un scénario de long métrage. J’ai essayé cent fois, et cent fois, je me suis planté. Aujourd’hui, je sais que ça n’arrivera probablement jamais. Et je n’en suis pas amer. Au contraire, je me dis que c’est sûrement une bonne chose. Si ça ne s’est pas produit, c’est que ça n’avait pas à se produire…

Avec le temps, on devient zen. On connaît mieux ses forces et ses faiblesses, on ne se la joue plus comme à 20 ans, on regarde la vérité en face et on hausse les épaules.

La vie ressemble à la fameuse prière des alcooliques anonymes: on change ce qu’on peut changer, on accepte ce qu’on ne peut pas changer, et on sait faire la différence entre les deux.

«À 46 ans, je vais avoir l’air d’un pépère quand j’irai danser dans les bars», me disais-je piteusement, il y a 25 ans. Si je pouvais remonter dans le temps et discuter avec le jeune que j’étais, je lui dirais: «Ne crains rien, Richard. À 46 ans, tu n’as même plus envie d’aller danser dans les bars. Tu rêves juste d’un bon souper avec des amis, et de te réveiller aux côtés de la femme que tu aimes…»

Je suis tout en haut de la côte. J’ai le vent dans les cheveux, et je devine assez précisément le reste du parcours. Je vois même la cabane noire où je terminerai ma course et où on remisera mon wagon. Mais je n’ai pas peur. Je prends une grande inspiration, je tiens la main de mes proches et je souris en écoutant mon coeur battre…

Article publié originalement dans le numéro d’octobre 2007 du magazine ELLE QUÉBEC