Qu’on soit croyant, athée ou agnostique, personne ne peut nier que 2007 a été l’année de la religion. Des cathos nostalgiques de la Fête-Dieu aux musulmanes voilées qui ont déclaré porter le hidjab «volontairement», la religion a effectué un retour spectaculaire sur la place publique grâce à la Commission Bouchard-Taylor, l’exercice démocratique le plus surréaliste de toute l’histoire du Québec. C’est pourquoi j’ai choisi pour «femmes de l’année» des intellectuelles courageuses qui ont décidé de lutter contre l’intégrisme religieux, au péril de leur vie.

MIMOUNA HADJAM
Cette féministe arabe vit à La Courneuve, une des banlieues de Paris qui ont explosé en 2005. Pour elle, le voile n’est pas un bout de tissu banal, mais un symbole d’oppression.

«Nous sommes contre tous les foulards, qu’ils soient portés à Téhéran, à Kaboul, à Alger ou à Marseille, et qu’ils recouvrent le corps en partie ou totalement, car les foulards du monde entier expriment une même chose: la soumission forcée des femmes à un programme d’oppression.

«Le mercredi et le samedi, on voit dans les cités des gamines de moins de 10 ans se diriger vers les cours religieux, foulard sur la tête. Cette initiation au port du foulard se fait sous la force tranquille de l’entourage, pour amener la fillette à revendiquer “son” foulard vers 14 ans, en clamant que c’est son choix.

«Nous nous opposons aux intégristes, pour qui la bataille autour du foulard est une étape pour tester le camp des laïcs et pour aller plus loin vers l’interdiction de la mixité. Nous nous opposons également aux défenseurs des droits de l’homme qui veulent soi-disant respecter la culture des autres.»

TASLIMA NASREEN
Cette auteure bangladaise est menacée de mort parce qu’elle a osé critiquer les fondamentalistes musulmans. Voici ce qu’elle dit au sujet des Occidentaux de gauche qui tolèrent l’inadmissible sous le couvert de la liberté de religion: «Ces gens appuient le port du voile au nom du multiculturalisme. Ils sont pour l’égalité des sexes mais permettent aux musulmanes de porter le voile sous prétexte que ça fait partie de leur culture.

«C’est une grave erreur. En effet, quoiqu’on en dise, le voile est un signe d’oppression, point. Certaines cultures pratiquent l’excision. Devrait-on permettre cet acte barbare sous prétexte qu’il faut respecter la culture des autres?»

«J’aime la culture de mon pays. Mais la torture, ce n’est pas de la culture! Permettre le port du voile dans les pays occidentaux, c’est donner le feu vert aux fondamentalistes, c’est prendre le parti de la foi aveugle contre celui de la logique, et choisir l’oppression plutôt que la liberté.»

CHAHDORTT DJAVANN

Cette Iranienne a revêtu le voile pendant 10 ans (de l’âge de 13 à 23 ans) sous la contrainte. Elle sait donc de quoi elle parle. Dans l’essai Bas les voiles!, elle s’élève contre le sort réservé aux femmes dans les pays islamistes.

«Les Occidentaux acceptent le voile sous prétexte que les musulmanes qui le portent le font de façon volontaire. Mais si des jeunes Juifs commençaient à exhiber l’étoile jaune en clamant “C’est ma liberté”; si des jeunes Noirs décidaient de porter des chaînes au cou et aux pieds en disant “C’est ma liberté”, la société ne réagirait-elle pas?

«On dit que le hidjab est moins oppressif que la burqa. Mais qu’il soit question de la burqa ou du foulard coloré, la signification est la même. Parler de foulard, de bandeau, n’est qu’une lâcheté sémantique, c’est une misérable ruse rhétorique. Porter le foulard ici est un appui aux dictatures islamistes qui imposent la burqa là-bas. Le voile est l’emblème même du dogme islamiste.»

En cette époque de grande confusion où on accepte les pires aberrations sous le prétexte du respect des autres, ces trois femmes sont mes héroïnes.

Article publié originalement dans le numéro de février 2008 de ELLE QUÉBEC