Il était une fois au Mississippi une jeune fille de 14 ans qui se trouvait moche. Son nom: Crystal Renn. Un jour, dans la cour d’école, elle croisa le dépisteur d’une agence de mannequins.Conquis par ses yeux de biche et sa chevelure de
sirène, celui-ci s’approcha de l’ado en disant:«Tu seras top modèle, ma fille. Mais pour cela, tu devras perdre neuf pouces de tour de hanches.» Et Crystal, flattée par tant d’attention, répondit: «Je m’y mets!»

Pendant des semaines, la jouvencelle n’avala que de l’air… ou presque, tout en s’entraînant comme si elle courrait le 100 m haies aux Olympiques. Le soir, avant de s’endormir, elle se demandait combien de calories contenait la gomme qu’elle avait mâchée durant la journée. Jusqu’à ce qu’elle perde 70 livres, soit 40 % de sa masse corporelle!

C’est l’histoire vraie de Crystal Renn, telle que décrite dans son autobiographie intitulée Hungry, publiée récemment par Simon & Schuster.«J’étais simaigre», raconte la star de notre reportage mode Spécial accessoires «que
je flottais dans les vêtements de taille 0 des designers.»

Ceci dit, la sirène menait tambour battant une existence de rêve, posant pour de prestigieux magazines, parcourant le monde… Le hic, c’est que lorsqu’elle se regardait sur des photos, elle ne voyait que son teint grisâtre et son regard
de chien battu. Quand un photographe lui demandait: «Allez, montre-moi qui tu es!» elle était incapable d’exprimer une émotion. Elle perdait aussi ses cheveux et avait des palpitations. Bref, son corps lui faisait la gueule.

 

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Un jour, alors qu’elle s’était entraînée durant 16 heures le weekend et avait peiné pour marcher jusqu’au studio, quelqu’un de son agence lui lança: «T’as pris du poids, faut que tu suives un régime!» La brindille se dit alors «Stop!» Elle se précipita sur le buffet qui avait été servi là, se gava de nachos et de guacamole, et claqua la porte après avoir remercié tout le monde pour la bouffe.

Aujourd’hui âgée de 23 ans, Crystal Renn porte du 12 et travaille pour l’agence Ford, qui a toujours fait une place aux mannequins taille plus. Elle défile pour certains grands couturiers, tels que Jean Paul Gaultier, et pose pour certains photographes de renom comme Steven Meisel, qui voient en elle une grande top modèle.

Pas seulement une fille ronde. Depuis un an, ELLE QUÉBEC a publié trois reportages mettant en vedette Crystal Renn. Grosse, la top? Normale, diront la plupart des lectrices. Mais pour le milieu de la mode, elle est aussi dodue qu’une baleine. Parfois, notre rédacteur en chef mode, Denis Desro, a dû laisser béantes les fermetures éclair de ses robes et poser les vêtements sur son corps nu, à défaut de pouvoir les lui enfiler. «Mais quel talent! m’a confié notre Denis. Je travaillerais tous les jours avec elle. Elle sait tellement comment bouger, en plus d’être gentille, généreuse. Cette fille est la magie incarnée.»

En entrevue récemment, Crystal s’est dite enchantée que des femmes comme elle occupent un peu plus de place dans le milieu de la mode. Elle est aussi consciente de la controverse qu’elle suscite en invitant les designers à concevoir pour leurs défilés – et pour des reportages comme le nôtre – des vêtements de taille 10, plutôt que 0 ou 2. Mais elle croit qu’un vent de changement souffle doucement sur l’industrie. Une autre preuve? En septembre dernier, le magazine Glamour s’est engagé à ouvrir ses pages à la diversité en publiant, entre autres, une photo de la mannequin Lizzie Miller, nue, exposant fièrement son chouette bedon. Le cliché a fait le tour du globe.

Dans son livre Hungry, Crystal Renn souligne que la beauté repose sur la différence. Différence de style, de taille, de peau… Elle nous exhorte à être nous-mêmes. «Voyez, je ne suis pas conforme aux normes et pourtant j’ai réussi.»

 Puisse son succès inspirer toutes celles d’entre nous qui se trouvent trop grosses, trop petites, trop frisées ou trop maigres.

Il était une fois une ado de 14 ans qui se pensait moche…

 

 

CrystalRenn.jpgÀ VOIR: Les photos de Crystal Renn