On est de moins en moins esclaves de la nature; on le sait. On choisit la couleur de nos cheveux, on modifie la longueur de notre nez et on change même de sexe. Et bientôt, grâce aux miracles de la microchirurgie, on pourra aller jusqu’à se faire greffer la face d’un mort!

Ces avancées technologiques nous amènent à nous poser une question cruciale: y a-t-il des limites à jouer avec Mère Nature?
Prenez les menstruations, par exemple. Rien de plus naturel que ce phénomène biologique. Rien non plus d’aussi encombrant pour les femmes. Vous devez endurer des maux de ventre, porter des tampons ou des serviettes, composer avec une humeur capricieuse et voir fluctuer votre performance au travail…

Le jeu en vaut-il la chandelle? Pourquoi supporteriez-vous d’être menstruée tous les 28 jours si la technologie vous permet de vous libérer des contraintes que vous impose la nature?

Les féministes sont divisées sur la question. Certaines disent que le cycle menstruel fait partie intégrante de la féminité, et que stopper ce cycle équivaut à gommer les différences entre les deux sexes, à transformer ni plus ni moins les femmes en hommes. D’autres pensent qu’il n’y a rien de naturel dans les menstruations.

C’est le cas de la professeure Patricia J. Sulak, une gynécologue de renom qui pratique au Texas. Selon Dre Sulak, cette perte régulière de sang est inutile et dangereuse. Car plus une femme est menstruée, plus elle risque de développer un cancer de l’utérus ou des ovaires.

«Avant, écrit Patricia J. Sulak, les femmes tombaient enceintes très jeunes, alors qu’elles sortaient tout juste de l’adolescence. Elles avaient plusieurs enfants, allaitaient (ce qui stoppe les menstruations) et commençaient leur ménopause à 40 ans. Une femme pouvait avoir 50 cycles menstruels dans une vie, alors qu’aujourd’hui, à cause de notre nouveau style de vie, ce nombre a grimpé à 450! Ce qui était naturel il y a 100 ans ne l’est plus du tout…»

Il y a quelques années, Patricia J. Sulak aurait passé pour folle. Mais aujourd’hui, de plus en plus de femmes partagent son point de vue. Aux quatre coins de la planète, des spécialistes appuient le mouvement antimenstruations et demandent à ce qu’on informe les jeunes filles des bienfaits de cette théorie.Eh bien, j’ai une excellente nouvelle pour Dre Sulak: elle pourra bientôt compter sur l’aide de plusieurs dizaines d’hommes québécois. L’autre jour, en prenant une bière dans un endroit enfumé, j’ai parlé de sa théorie avec mes amis, et ils sont tous d’accord pour lui donner un coup de main. Tous, sans exception, trouvaient que c’était une idée géniale. Il y en a même un qui veut soumettre la candidature de Dre Sulak pour le prochain prix Nobel de la paix.

Imaginez… Plus de SPM, plus de sautes d’humeur! Le sourire 365 jours par année! C’est pas beau, ça? Non seulement le taux de divorce chutera de façon dramatique, mais la planète respirera mieux sans toutes ces serviettes hygiéniques et ces tampons dont il faut se débarrasser… Alléluia! Pourquoi n’y a-t-on pas pensé avant?

Il y a quelques semaines, dans le cadre d’une émission de télé que je coanime sur les ondes de Télé-Québec, je discutais avec trois lesbiennes. Elles me disaient comment c’était formidable de vivre – et de coucher –  avec une femme.

«Mais y a-t-il un inconvénient?» leur ai-je demandé en toute innocence. «Oui, m’ont-elles répondu. On a nos règles en même temps. Quand arrive cette période, c’est l’enfer. Il faut qu’une de nous aille coucher à l’hôtel. C’est dans des moments comme ceux-là qu’on regrette de ne pas vivre avec un homme…»

Par respect pour mes invitées, je me suis retenu pour ne pas sourire. J’ai gardé un visage impassible. Mais je dois vous l’avouer: en dedans, je hurlais de joie. Enfin, des femmes partageaient notre désarroi!

Je crois que je vais envoyer une copie de cette entrevue à Patricia J. Sulak. Avec un chèque. Gracieuseté des hommes – et des lesbiennes – du Québec.

Article publié originalement dans le numéro de janvier 2006 du magazine ELLE QUÉBEC.