De mon dernier séjour à Istanbul, il y a 15 ans, j’avais gardé de précieux souvenirs. Les couchers de soleil qui enflammaient la mer. Le muezzin qui appelait les fidèles à la prière et dont le chant était décuplé par les hautparleurs des mosquées. La musique de Sezen Aksu, la Madonna turque, qui emplissait les bars et faisait danser les Istanbuliotes jusqu’au petit matin. J’hésitais donc à retourner dans la grande Istanbul, comme on hésite à revoir un amant qu’on a perdu de vue depuis longtemps, de peur d’être déçue.

Crainte futile! Quinze ans plus tard, Istanbul est toujours aussi ensorceleuse… Après tout, n’est-elle pas la destination de l’heure? Tout le monde ou presque rêve d’y aller: l’été dernier, la Turquie figurait même à la neuvième place du palmarès Ulysse des 30 destinations préférées des Québécois. La fascination qu’exerce l’ancienne Constantinople n’est pas étrangère au fait qu’elle s’étend sur deux continents, l’Europe et l’Asie. Cette caractéristique d’Istanbul en fait une ville à deux visages qui, sous son vernis d’Occidentale délurée, demeure profondément orientale. Ah! le bonheur d’explorer ses palais, de fouiner dans ses bazars, de savourer ses kébabs et ses loukoums!

Photo: Marie-Christine Beaudry (La Basilique Sainte-Sophie, en plein coeur de Sultanahmet, l’un des quartiers les plus fréquentés de la ville, est une ancienne église chrétienne convertie en Mosquée au XVe siècle. Depuis 1934, elle a été convertie en musée.)

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Pour Çilher Ilhan, qui travaille dans le domaine des communications, il ne fait aucun doute que la ville est plus attrayante que jamais. «Avec l’attribution du titre de "Capitale européenne de la culture" en 2010, les feux des projecteurs se sont braqués sur notre métropole. De nouvelles routes aériennes ont été ouvertes, les touristes affluent et, dans la foulée, les bars, les bons restaurants et les galeries d’art se sont multipliés.» Pour Arantxa Alameda, la cité est devenue à la fois «excitante et sophistiquée». De la part de cette expatriée native de Barcelone, ce n’est pas un mince compliment!

Pour ma part, ce deuxième séjour m’aura permis de renflouer ma banque de souvenirs. Refaire la fête jusqu’à l’aube avec ces bons vivants de Turcs? Coché!

Photo: Construite au 17e siècle, la Mosquée bleue attire des hordes de pèlerins et de touristes. 

 

hotel-Miapera-400.jpgDormir
Où diable poser ses valises à Istanbul: du côté européen ou du côté asiatique? C’est la question à un million de livres turques! Voyons voir… Pour une première visite, je ne vous recommande pas de vous installer du côté oriental du détroit du Bosphore: vous seriez trop loin des principaux attraits. Dans l’Istanbul européenne, le quartier SULTANAHMET est un bon choix, car il abrite la BASILIQUE SAINTE-SOPHIE, la MOSQUÉE BLEUE et le PALAIS DE TOPKAPI, trois monuments grandioses, emblématiques de la vieille Stamboul. Mon arrondissement préféré? Celui, central, de BEYOGLU, qui englobe une célèbre promenade piétonne (l’avenue Istiklal), bordée d’anciennes demeures bourgeoises, de boutiques, de galeries d’art et de pâtisseries. Au 19e siècle, c’était le coeur européen de la métropole et le QG des oiseaux de nuit. C’est pareil aujourd’hui! Mon coup de coeur hôtelier dans ce secteur: MIAPERA, un hôtel-boutique design, abordable et situé tout près des meilleures tavernes traditionnelles (meyhane ou meyhanesi) de la ville!

Photo: L’hôtel Miapera, la face moderne d’Istanbul.

 

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Manger

Sur le pont de GALATA, qui enjambe l’estuaire de la CORNE D’OR, les pêcheurs taquinent le maquereau en fin d’aprèsmidi. C’est tout un spectacle, qui rappelle combien les Turcs raffolent du poisson, qu’ils accompagnent de raki, une eau-de-vie aromatisée à l’anis. Sur le quai de KARAKÖY, des marchands vendent leurs prises du jour tandis qu’au bord de l’eau on s’attable pour les déguster. Sympa!

À l’autre extrémité du pont, sur le quai d’EMINÖNÜ, le poisson est grillé à bord des bateaux de pêche avant d’être servi dans un petit pain, à la bonne franquette. Un délice 100% istanbuliote! Du côté de la mer de Marmara, dans le quartier de KUMKAPI, les restaurants de poisson sont tellement nombreux que les serveurs sollicitent les touristes dans la rue… Passez tout droit et choisissez plutôt les petits restos populaires. Dans BEYOGLU, ils sont concentrés derrière le Çiçek Pasaji (passage des Fleurs), autour du marché de poisson (Balik Pazar), dans la ruelle Nevizade et dans le fouillis de petites rues de ce périmètre. Au menu: des grillades (surtout de poisson), mais aussi une infinie variété de mezzés à base d’aubergine, de poivrons rouges et d’autres bonnes choses. Le raki aidant, il y règne une belle ambiance nocturne, d’autant que des musiciens de fasil (airs turco-tziganes) s’amènent parfois. Je me suis régalée chez CUMHURIYET (47, Sahne Sokak), une vénérable taverne qui ne semble pas avoir changé depuis des lustres. Bon à savoir: le coût de la vie à Istanbul est, pour nous, abordable. Dans ces meyhane, par exemple,on se procure tout un festin pour 50 LT (28$).

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Trinquer

C’est dans des restos-bars perchés sur les toits que les Istanbuliotes se réunissent pour prendre l’apéro, s’offrir un bon dîner ou siroter un cocktail en fin de soirée. Et il faut les imiter, car ces lieux offrent des points de vue sublimes sur la ville et ses «boulevards» d’eau. Sur la colline de Beyoglu, des habitués m’ont recommandé le 360, très glam, et le Balkon, sans prétention. Le Leb-i Derya Richmond, lui, est plus contemporain et élégant. Dans le genre bon chic belle faune, le bar en terrasse du MIKLA l’emporte haut la main avec son mobilier blanc et sa musique lounge. Sa cuisine fusion turco-scandinave (!) en fait une des meilleures tables en ville et son point de vue unique (il est juché au 19e étage de l’hôtel MARMARA PERA) nous rapproche des étoiles. Prenez note: à Istanbul, la fête ne commence qu’à l’heure où Cendrillon est rentrée à la maison!

Photo: Le toit du resto-bar Mikla.

Visiter

Avez-vous lu Le musée de l’Innocence, de l’écrivain turc Orhan Pamuk? Le roman raconte le deuil d’un amour, celui de Kemal pour Füsun. Il ne l’a pas choisie à temps, elle en a épousé un autre, d’où son tourment. Pendant des années, il fréquentera tout de même la belle et, au cours de ces rencontres aussi assidues que platoniques, il lui dérobera des objets pour se consoler. Cette histoire inventée a donné naissance à un vrai musée. L’écrivain (lauréat du prix Nobel de littérature 2006) a minutieusement trouvé et collectionné les objets qu’il a imaginés dans son récit. Ce sont eux que présente le MASUMIYET MÜZESI. Ils constituent un bric-à-brac mélancolique qui nous fait découvrir l’Istanbul de la seconde moitié du 20e siècle. À voir aussi à proximité du musée: le KAFE ARA (2, Tosbaga Sokak). C’est le repaire d’Ara Güler, le grand photojournaliste turc qui documente la vie istanbuliote depuis 1950. Plusieurs de ses images ont illustré Istanbul, l’autobiographie d’Orhan Pamuk. Et sur les murs de ce café, vous pourrez en admirer plusieurs autres.

Photo: Situé du côté européen du détroit du Bosphore, Beyoglu est un quartier vivant et cosmopolite.   

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Que font les jeunes Istanbuliotes les weekends? Ils vont se divertir à ORTAKÖY, un des nombreux quartiers qui jalonnent le détroit du Bosphore. Situé à une quinzaine de minutes en bus de la place Taksim, Ortaköy est absolument charmant avec sa promenade au bord de l’eau, sa belle mosquée et sa petite place, où se tient un marché les fins de semaine. Restaurants, bars, cafés branchés – dont THE HOUSE CAFÉ – y foisonnent. Et pour danser jusqu’à l’aube, cap sur les clubs REINA et NOMADS! Si vous désirez plutôt admirer le panorama d’Istanbul, rien ne vaut une excursion sur le BOSPHORE. Je vous recommande de délaisser les bateaux de croisière pour touristes et de plutôt emprunter les traversiers (vapür) qui zigzaguent entre l’Europe et l’Asie au départ du quai d’Eminönü. Couleur locale garantie!




Acheter

On trouve de tout à Istanbul, et pas seulement des tapis! Palmarès des meilleures adresses.

  • Le GRAND BAZAR. Inauguré au 15e siècle, il a sans doute été le premier centre commercial du monde! Une chose est certaine, avec sa soixantaine de venelles et ses 4000 échoppes, c’est le plus grand. On y va surtout pour les articles en cuir, les bijoux en or et en argent, ainsi que les kilims (les traditionnels tapis turcs), et on marchande ferme.
  • Le BAZAR ÉGYPTIEN. C’est l’endroit tout désigné pour faire provision de cardamome, de poudre de piment et autres épices. Prière de ne pas éternuer près des étals! Tout à côté, la confiserie Haci Bekir vend les meilleurs loukoums en ville.
  • Le BAZAR ARASTA. J’adore ce petit bazar situé derrière la Mosquée bleue et plus paisible que les deux autres. J’y ai déniché de très beaux bijoux en argent de style ottoman.
  • L’avenue ISTIKLAL, dans Beyoglu. Cette grande artère piétonne est bordée d’enseignes turques. Repérez ADL (mode féminine à prix doux) et Codentry (son équivalent, en plus jeune), Flower et Hotiç (deux chaînes de chaussures).
  • L’avenue ABDI IPEKÇI, dans Nisantasi. C’est la rue la plus chère d’Istanbul, dans son quartier le plus huppé. Entre les boutiques Chanel et Prada, vous trouverez le magasin turc Beymen, un équivalent de Holt Renfrew.
  • Dans toutes les épiceries, du NAR EKSILI. Ce concentré de grenade est un ingrédient-clé de la cuisine locale. Il donnera une note acidulée à vos vinaigrettes et vos marinades.

Photo: Carolyne Parent (Étal de loukoums, douceurs turques par excellence.) 

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La culture turque, c’est aussi…

  • Le keyif. À Tophane, près du musée Istanbul Modern, j’ai suivi l’odeur du tabac à la pomme des pipes à eau pour déboucher sur les jardins de thé (ou çay bahçesi). Là, installés sur des divans, on fume le narguilé, on boit du thé et on atteint un état de sérénité que les Turcs appellent keyif. Bien-être, enchantement… Le keyif, c’est tout ça et plus encore.
  • Les sérails. Les trésors des sultans présentés aux palais de Topkapi et de Dolmabahçe m’ont éblouie. Évidemment, chacun d’eux possédait son propre harem, où il logeait ses multiples concubines. Attirer l’attention du souverain pour partager son lit, espérer lui donner un fils pour monter en grade dans le sérail, se démarquer des très nombreuses concurrentes (elles étaient parfois jusqu’à 300)… Être une concubine n’était pas de tout repos!
  • Les derviches tourneurs. Portant une longue tunique blanche et coiffés d’un drôle de chapeau en forme de dé à coudre, ils virevoltent, les bras levés vers le ciel, comme la ballerine d’une boîte à musique. Ce sont les derviches tourneurs, membres d’une confrérie religieuse fondée au pays il y a 800 ans. Faites l’expérience de leur cérémonie mythique au Centre culturel Hodjapasha, aménagé dans un hammam vieux de 550 ans!
  • L’art de la détente. «Les hammams? Les Turcs n’y vont plus depuis au moins 40 ans, s’est exclamée une résidente, Çilher Ilhan. La tradition s’est perdue, car tout le monde a une salle de bains à la maison maintenant. Mais quand nous y allons, c’est pour le même motif que vous: le plaisir!» Et quel plaisir que celui de se faire «récurer» minutieusement du menton aux orteils par une masseuse armée d’un gant exfoliant! Le hammam CAGALOGLU, recensé dans Les 1000 lieux qu’il faut avoir vus dans sa vie, est spectaculaire. J’ai également apprécié le somptueux hammam du ÇIRAGAN PALACE KEMPINSKI, un ancien palais devenu aujourd’hui un des plus luxueux hôtels en ville.

Le saviez-vous? En Turquie, des femmes prêchent dans les mosquées. C’est dire que l’islam tel qu’il est pratiqué dans ce pays est plutôt progressiste. Alors, oui, vous pouvez imiter les jeunes Istanbuliotes et porter, comme elles, la minijupe! (Mais tout de même pas à la mosquée, le progressisme ayant ses limites.)

Photo: Le quartier Ortaköy, qui longe le détroit du Bosphore.

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