Certaines craquent pour New York, Miami ou Chicago. Moi, c’est San Francisco. À peine ai-je posé le pied sur le bitume de la cité en montagnes russes que sa
vibe m’a enveloppée, puis grisée. Au contact des gens, mon enthousiasme s’est amplifié: la ville est un hybride parfait entre la «coolitude» de la côte ouest américaine et le raffinement des métropoles de l’Est. Avec en prime cet indéfinissable supplément d’âme qui m’a tatoué San Francisco sur le coeur.

Bien sûr, j’ai voulu dès mon arrivée fouler les sentiers battus par des millions de touristes: Alcatraz, le Pier 39 de Fisherman’s Wharf, le Golden Gate Bridge, la tortueuse Lombard Street, les Painted Ladies – les maisons victoriennes colorées, notamment celles qui bordent Alamo Square -, et me payer une balade décoiffante en tramway (voir encadrés pour d’autres idées)… Ça a valu le coup!

Après avoir côtoyé un brin les San-Franciscains, sympathiques et très sociables, j’ai eu envie de pousser l’exploration plus loin, vers un quartier méconnu, authentique, vibrant. Un coin presque sans touristes, où les locals sont rois. J’ai donc oublié durant quelques heures les 41 collines qui font onduler la ville, et je suis allée découvrir le très hip Mission District. Ce secteur plat – ami des jambes fatiguées! – se situe entre les quartiers Castro, Fillmore et SoMa, au sud de l’interminable Market Street.

 
Bonnes vibrations

Dans Mission Street ou Valencia Street, la vibe est toujours là, mais elle est différente. On se sent complètement ailleurs au sein de cette faune bigarrée composée d’artistes, de jeunes branchés, de geeks d’informatique, de hipsters et surtout de Latino- Américains, qui étaient là bien avant tout ce beau monde. Il faut dire que ce district – un des plus anciens de San Francisco – a été fondé par des moines espagnols. C’est d’ailleurs ici qu’on trouve la Mission Dolorès, la 6e des 21 missions construites sur la côte californienne aux 18e et 19e siècles. Magnifique, l’édifice – le plus vieux de la ville (1776) – constitue habituellement pour les touristes le seul point d’intérêt du secteur.

Lydia Chávez, «Missionnaise» depuis 13 ans, sait fort bien que l’intérêt de son port d’attache déborde largement ce bâtiment espagnol. Elle décrit le Mission en deux mots: vivant et coloré (et elle ne fait pas seulement référence aux murales inspirées des tableaux traditionnels mexicains qui ornent les murs d’une multitude de bâtiments). Journaliste, professeure et éditrice de Mission Local, un site de nouvelles sur le quartier, elle est bien placée pour analyser ce secteur éclectique. Ce qui le rend cool, selon elle? «Son histoire, mais aussi sa communauté, intéressée par ce qui s’y passe et jamais à court d’idées. Plusieurs résidants s’investissent dans des initiatives locales très intéressantes, que ce soit en alimentation, en arts ou en éducation. On peut dire qu’ils ont contribué à sa "renaissance", même si je ne crois pas qu’il ait déjà été mort.»

Parmi ces initiatives, le Mission Community Market, qui combine chaque jeudi marché alimentaire à vocation communautaire, espace de prestations artistiques et activités parascolaires pour les enfants, à l’angle de 22nd Street et de Bartlett Street.

Le centre de tutorat 826 Valencia, fondé par l’auteur Dave Eggers, illustre l’audace et le métissage caractéristiques du quartier. À cette adresse cohabitent un centre d’aide à l’écriture pour les 6 à 18 ans et un délirant magasin de matériel de pirate, où l’on peut notamment regarnir notre stock d’yeux de verre (!) et prendre place dans le fish theatre, trois chaises disposées devant… un aquarium. 

Enfin, tenu deux fois par mois, l’événement MAPP (The Mission Arts and Performance Project) fait figure d’incontournable. À l’occasion de cette foire multidisciplinaire et interculturelle, les artistes du quartier, en collaboration avec les résidants, prennent d’assaut les rues et les cafés, mais aussi des jardins et des appartements privés!

Il y a beaucoup à découvrir dans le Mission: restos branchés, bars animés, galeries d’art actuel, boutiques vintage, le tout au milieu des vendeurs itinérants installés au coin des rues avec leurs DVD et leurs montres de provenance douteuse. Et le plus beau dans tout ça, c’est que le temps est presque toujours clément; en effet, le microclimat créé par les collines environnantes tient le brouillard à distance et fait souvent grimper le mercure à 10 degrés de plus qu’ailleurs en ville. Parfait pour explorer!

Mission District: À table!

  • Medjool Avec sa superbe terrasse sur le toit, le Medjool permet d’embrasser la ville du regard tout en se régalant de savoureuses tapas méditerranéennes et moyen-orientales. À l’intérieur, une ambiance du tonnerre règne lorsque l’endroit se transforme en club, peu avant minuit. (2522 Mission Street, medjoolsf.com)
  • The Blue Plate Bruschetta à la sardine et pieuvre grillée côtoient ici pain de viande et patates pilées, dans un joyeux concubinage entre cuisines méditerranéenne et américaine. S’il y a de la place, on s’installe dans la charmante cour intérieure pour déguster les plats inventifs faits à partir de produits locaux et souvent bios, agrémentés de vins hors du commun. (3218 Mission Street, blueplatesf.com)
  • Beretta Le très bon rapport qualité-prix explique l’achalandage ininterrompu de ce resto italien vegetarian friendly et partisan de l’approvisionnement local. Une myriade de cocktails originaux se disputent nos faveurs pour accompagner nos antipasti (difficiles à choisir parmi l’étourdissante sélection), notre pizza ou notre risotto. (1199 Valencia Street, berettasf.com)
  • Foreign Cinema Sorties au resto et au cinéma sont ici fusionnées dans un surprenant concept qui plaira aux amants du septième art. Chaque soir, sur un mur de la terrasse chauffée, un classique ou un film étranger sous-titré est projeté; on peut en écouter la bande son grâce à de vieux hautparleurs de cinéparc disposés sur les tables. Spécialisé dans la cuisine californienne et méditerranéenne, ce restaurant bohémien-chic est aussi un bar à huîtres. Il paraît que le pop-tart maison fait fureur au brunch! (2534 Mission Street, foreigncinema.com)
  • Limón Puisque les occasions de s’offrir un repas typiquement péruvien ne pleuvent pas, on s’arrête au Limón pour goûter ses cévichés et ses empanadas, dans une ambiance bruyante et grouillante de vie. (524 Valencia Street, limon-sf.com)
  • Maverick Un des endroits les plus réputés de San Francisco pour le brunch. Son service irréprochable et son divin poulet frit figurent sur la liste des raisons qui rendent accro. Pour les envies de comfort food à l’américaine, c’est la place. (3316 17th Street, sfmaverick.com)
  • Tartine Bakery & Cafe Commerce-culte du quartier, cette boulangerie-pâtisserie sert une tarte au citron et un pouding au pain brioché pour lesquels on ferait des bassesses. Pas étonnant puisque les proprios ont été maintes fois primés pour leurs compétences hors pair. (600 Guerrero Street, tartinebakery.com)
  • Les taquerias Ces petits restos mexicains sans prétention, où l’on engouffre un burrito pour trois fois rien, se comptent par dizaines. Parmi les plus appréciés: La Taqueria (2889 Mission Street), Taqueria Can-Cún (2288 Mission Street) et La Corneta (2731 Mission Street).

Mission District: Flâneries

  • Librairies indépendantes The Mission compte une concentration impressionnante de librairies non affiliées à un grand groupe. C’est un pur plaisir que de bouquiner en laissant filer le temps dans ces locaux à la patine invitante, par exemple chez Dog Eared Books (dogearedbooks.com) ou encore chez Borderlands Books, qui tient uniquement des livres de sciencefiction, de fantasy et d’horreur. (borderlands-books.com)
  • Aquarius Records Doyen des magasins de disques indépendants de San Francisco, Aquarius Records compte un solide noyau d’irréductibles, épris des critiques écrites à la main et collées aux pochettes, ainsi qu’une hallucinante sélection de genres obscurs et/ou internationaux. Le noise japonais, ça vous dit quelque chose? Le paradis des mélomanes avertis. (aquariusrecords.org)
  • Therapy Entre les magasins à un dollar et les friperies qui émaillent les principales artères du Mission, quelques boutiques de déco actuelle invitent à la dépense, comme la pétillante Therapy. On y trouve des meubles et des accessoires vraiment cool, souvent rigolos, ainsi qu’un beau choix de bijoux et de livres d’art originaux. (shopattherapy.com)

Le San Francisco d’Asie

Comptant la plus importante communauté chinoise à l’extérieur de l’Asie, le Chinatown san-franciscain est dense, odorant et très fréquenté. Dans un étonnant mélange d’architecture asiatique et occidentale s’entassent les habituels bazars de babioles de même que d’impressionnants étals et marchés de légumes, de viandes, de poissons, d’herbes médicinales et d’épices. Si Grant Avenue s’avère plus touristique, Stockton Street offre une expérience plus authentique. Entre ces deux rues, à la hauteur de Jackson Street, on peut visiter une petite usine de biscuits chinois, la Golden Gate Fortune Cookie Factory (56 Ross Alley). L’appétit aiguisé par la visite, on se rend deux pâtés de maisons plus loin au Gold Mountain (644 Broadway Street, à l’angle de Stockton Street) s’empiffrer pour une poignée de dollars de succulents dim sum, qui valent largement l’attente d’une vingtaine de minutes. Les chariots de ce resto recèlent d’innombrables trésors… qu’on n’identifie pas toujours en raison de la barrière linguistique. Croisez les doigts pour tomber sur les steamed buns au porc BBQ.

Le San Francisco gai

Pour une immersion dans la communauté gaie, une virée s’impose au Castro, fief homosexuel où Harvey Milk a milité dans les années 1970 pour la reconnaissance des droits des gais et des lesbiennes. Déambuler dans les rues suffit à prendre le pouls de l’endroit, au fil des boutiques, des restaurants et des bars – dont le très branché Harvey’s (500 18th Street). Au cinq à sept, on s’y régale de diverses fritures et de bières à coût modique, et on jouit d’une vue d’enfer sur la très colorée Castro Street. Incontournable: le Castro Theatre (429 Castro Street), un splendide cinéma de 1922 très bien conservé – en témoignent sa façade rappelant une cathédrale mexicaine, son néon géant et sa marquise, de même que son décor intérieur agréablement hétéroclite. À l’affiche: que des classiques, précédés de la prestation d’un pianiste installé devant un Wurlitzer sur une plateforme hydraulique qui s’élève lentement jusqu’à la scène. L’entendre jouer Blue Velvet sur son piano électrique avant la projection du film de David Lynch, ça n’a pas de prix.

Le San Francisco des écrivains

Pour marcher sur les traces de Jack Kerouac et d’Allen Ginsberg, on se rend dans North Beach, l’ancien quartier beat. Détour obligé par la fameuse librairie City Lights, sorte de QG des écrivains de l’époque. Après avoir flâné un moment entre les étalages qui garnissent ses trois étages, on traverse la Jack Kerouac Alley pour pousser la porte du mythique Vesuvio, un bar où les poètes de la Beat Generation ont éclusé à l’envi. L’auteur d’On the Road y a même un cocktail à son nom. Le Caffe Trieste, le premier à avoir servi de l’espresso sur la côte ouest dans les années 1950, permet de se replonger dans l’ambiance des lectures que Ginsberg et Kerouac y faisaient. C’est aussi dans ce café que Francis Ford Coppola a écrit une bonne partie du scénario du Parrain.

Dans un autre ordre d’idées et un autre quartier de la ville, celles qui préfèrent zyeuter les palaces des vedettes ne manqueront pas de passer voir l’imposant Spreckels Mansion de Danielle Steel, construit en 1913 dans Pacific Heights (2080 Washington Street).

Carnet de bord

  • Comment Notamment grâce aux vols quotidiens Montréal-San Francisco d’Air Canada (aircanada.com).
  • Quand L’été, pour profiter de l’animation de la ville, mais surtout en automne ou au printemps, quand le brouillard se fait moins omniprésent. En tout temps, prenez garde à la météo: San Francisco a beau se trouver en Californie, on y porte plus souvent un chandail chaud qu’une robe poids plume.
  • Dormir Pas nécessairement dans le Mission District même, qui peut se révéler légèrement moins accueillant une fois la nuit tombée. Essayez plutôt l’hôtel Carlton de la chaîne Joie de vivre, dans le charmant quartier de Nob Hill (jdvhotels.com/hotels/carlton) et profitez-en pour déjeuner à la jolie Boulange de Polk (2300, Polk Street). Sinon, louez une chambre ou un appartement de particuliers sur le site airbnb.com, à partir d’aussi peu que 60$ la nuit.
  • Consulter Routard (routard.fr) et Zagat (zagat.com), pour les recommandations de restaurants.
  • Cliquer sur San Francisco Travel, San Francisco Neighborhoods ou Visit California.

 

 

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