Kebec, «là où le fleuve se rétrécit», disaient les Amérindiens. Et il est vrai que les navires, qui partaient de France pour gagner les rives du Saint-Laurent, devaient, après des semaines en mer, jeter l’ancre à l’embouchure du Saguenay; le fleuve s’y resserrant, il devenait alors dangereux d’aller plus loin.

De Tadoussac, l’équipage et les passagers montaient à bord d’embarcations plus modestes, qui les menaient à Québec (180 kilomètres à rames ou à voiles), où les attendaient des âmes téméraires croyant en la viabilité de la colonie. Samuel de Champlain a perdu 20 de ses hommes (sur 28!) pendant son premier hiver en Nouvelle-France, mais il n’a jamais renoncé à son désir d’établir une société en Amérique.

Souhaitons que son esprit flotte encore au-dessus de la ville, et qu’il sourie aujourd’hui en constatant que ceux qui le traitaient d’utopiste ont eu tort de ne pas croire en son rêve.

Une culture du goût
Aujourd’hui, 400 ans après sa fondation, Québec est une des plus jolies villes d’Amérique. Le Vieux-Québec, coeur de la cité, figure sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco.

Hiver comme été, les touristes choisissent cette destination pour son histoire, son romantisme, l’omniprésence du fleuve, et pour tous ses restaurants, où la gastronomie est à l’honneur. Songeons au Laurie Raphaël, tenu par le chef Daniel Vézina; à l’incontournable Saint-Amour, récemment rénové; au Panache de l’Auberge Saint-Antoine, classé parmi les Relais et Châteaux; et à l’Échaudé, où on peut siroter du champagne au verre.

Québec, c’est toutes ses rues en pente qui donnent aux filles de bien beaux mollets; ses escaliers en fer forgé, dont plusieurs sont l’oeuvre de l’architecte Charles Baillargé; ses fameuses plaines d’Abraham, où tant d’amoureux ont échangé leur premier baiser; son parc du Bois-de-Coulonge, paradis des piqueniqueurs, et son domaine de Maizerets, royaume des passionnés d’ornithologie.

Ce sont également les petites boutiques de la rue Cartier, du Vieux-Port et de la rue Saint-Joseph, où des artisans proposent leurs créations. Autre must: La Maison Simons qui, en 1840, avait déjà pignon sur rue près de la porte Saint-Jean et qui reste aujourd’hui un incontournable de la mode à Québec.

C’est aussi ma jeunesse au café Chez Temporel, où j’ai été serveuse. À l’époque, plusieurs de mes clients, dont le palais était habitué au mauvais café, trouvaient que l’espresso y était certes épais et intense, mais délicieux. Ouvert en 1974, le Temporel existe toujours. On s’y rend pour savourer les superbes salades, les croquemonsieurs, les croissants faits maison et les chocolats chauds si onctueux. Au Café Krieghoff, les petits-déjeuners sont copieux, et le capuccino est délectable. On le déguste sur la terrasse dès les beaux jours, avant d’aller faire un tour au Musée national des beaux-arts du Québec, qui présente jusqu’au 27 avril les oeuvres de peintres ayant vécu à Québec, tels que Jean Paul Lemieux et Alfred Pellan.

Photo: Constance Lamoureux/ Tessima/ Office du Tourisme de Québec

 

Vu de l’assiette
Dans le quartier Saint-Roch, j’aime m’arrêter au bistrot Les Bossus. Les classiques y sont remarquablement apprêtés. Je me régale de rillettes de lapin moelleuses, de céleri rémoulade délicieusement acidulé, d’une salade landaise (composée de gésiers et de magrets de canard) et de rognons à la moutarde. C’est sans prétention mais bien fait, et on peut y déjeuner, dîner et souper à prix doux.

Le resto italien Ciccio Café attire les comédiens qui jouent au Grand Théâtre ou au Théâtre Périscope tout près, et qui viennent s’attabler après leur représentation. La généreuse entrée d’antipasti, les pâtes et la gentillesse des serveurs ont fait de moi une fidèle de cet endroit chaleureux, dont la carte est très abordable.

Les amoureuses du vin seront comblées au Moine Échanson, car le vin y est la «locomotive» du menu. Ici, tout est axé autour des bons crus et en fonction des saisons. Dans un décor rustique (sans être quétaine), on se délecte d’un riesling et d’une choucroute, d’un vin du Jura et d’une tartiflette, ou d’un pinot gris et d’un délectable boudin noir. Au printemps, ce sont les vins de la Vallée du Rhône, de la Provence et du Beaujolais qui sont à l’honneur avec des plats pimpants, chargés d’arômes qui donnent l’impression d’entendre chanter les cigales d’Aubagne. On peut y déguster plus d’une vingtaine de vins au verre, dans une ambiance décontractée et intime.

Des souvenirs à croquer
Je manque toujours de volonté quand j’entre chez Mademoiselle B, une féminissime boutique où les créations d’artistes européens sont mis en valeur dans un décor victorien (murs saumon, lustres en cristal, miroirs anciens). On se promène d’un présentoir à l’autre, hésitant entre les bracelets aux perles de verre étincelantes ou les adorables bagues, les colliers à faire rêver et les boucles d’oreilles déclinées sur le thème des fleurs ou des fruits. J’aime les broches ornées de strass qui donnent l’impression d’être une star de film noir, et les longs sautoirs qui battent contre le coeur avec bonheur. Absolument craquant!

Lorsque je pars en voyage et que je dois prévoir des petits cadeaux pour mes hôtes à l’étranger, je privilégie les boutiques des musées de la capitale. Au Musée national des beaux-arts, on peut se procurer des bijoux inspirés de tableaux peints par des artistes d’ici (je pense au Coq licorne, de Jean Dallaire, si expressif) et des livres pour enfants, illustrés d’oeuvres de Marc-Aurèle Fortin et de Jean Paul Riopelle. Au Musée de l’Amérique française ce sont les objets représentant la ville de Québec qui captent l’attention, notamment les très belles cartes postales, les aimants pour le frigo et les superbes répliques des monuments célèbres de la Vieille Capitale, réalisées par L’Atelier Pasdeloup.

Photo: Yves Tessier/ Tessima/ Office du Tourisme de Québec

 

Pause goûter
Depuis mes 20 ans – j’habitais alors rue d’Aiguillon –, j’ai un faible prononcé pour les pailles au fromage de la pâtisserie Simon. J’avoue à regret qu’elles sont meilleures que les miennes. Tellement fines, légères, que dès que j’en ai goûté une, je ne peux plus m’arrêter; tout le contenu du sac y passe!

Durant des années, j’ai acheté des huiles de pistache ou de noix de pin, des vinaigres à la pêche et de délectables charcuteries italiennes à L’épicerie européenne. Si vous avez envie de piqueniquer, c’est vraiment l’endroit tout indiqué pour s’acheter un sandwich. À l’épicerie J.A. Moisan, fondée en 1871, on s’emballe pour les thés, les nougats, les biscuits fins, les bonbons assortis, les terrines variées, ainsi que pour la beauté même des lieux. Peu importe où on regarde, on est aussitôt attirée par un appétissant saucisson, un pain bien craquant ou une boîte de chocolats impeccablement présentés.

Bras dessus, bras dessous
Qui ne connaît pas la terrasse Dufferin? Inaugurée en 1879, cette structure mesure près de 670 m (2200 pi) et fait le bonheur des enfants l’hiver, avec sa longue glissade. Il faut y admirer le Saint-Laurent au soleil couchant ou à l’aube, sous la bruine. Le fleuve, qui charrie les glaces en janvier, se teinte de bistre à l’automne et de bleu indigo certains jours d’été… Un spectacle éternel. On observe le va-et-vient du traversier, en songeant que, avant sa mise en service, un pont de glace reliait Québec à Lévis l’hiver. À cette époque-là, des débits de boissons étaient dressés près de la berge, et les gens venaient s’y procurer de l’alcool plus facilement que sur la terre ferme, où ce type de commerce était sévèrement réglementé!

On peut aussi prendre le traversier pour le plaisir d’admirer la ville de loin – surtout le Château Frontenac, qui accueille des célébrités depuis 1893, ainsi que les étudiants lors des bals de finissants. En quittant le traversier, on met le cap sur la rue du Petit-Champlain. Au bout de celle-ci, on grimpe la côte de la Montagne, tracée par Samuel de Champlain, et on reprend notre souffle au minuscule parc Montmorency, d’où on aperçoit l’île d’Orléans.

Puis on redescend vers le port, en admirant au passage la gare du Palais magnifiquement rénovée, et on gagne le quartier Saint-Roch qui, tel le phénix, renaît de ses cendres. Plusieurs incendies l’ont ravagé au cours de son histoire, mais c’est surtout la misère ambiante qui était déprimante, voire inquiétante, il y a quelques années. Aujourd’hui, j’aime musarder dans les boutiques de la rue Saint-Joseph Est, bouquiner à la librairie Pantoute, où on est si bien conseillée, et faire bombance dans un des restaurants du quartier, comme L’Utopie et le Café du Clocher Penché.La crème des hôtels
La si capricieuse princesse au petit pois n’aurait pas pu émettre la moindre critique si elle avait dormi à l’Hôtel Dominion 1912. Les draps, la couette et les oreillers y sont d’une telle qualité qu’on a l’impression de s’allonger sur un nuage. Quant aux chambres, décorées avec un goût très sûr, elles sont si confortables qu’on n’a plus envie d’en sortir… si ce n’est pour aller boire un verre devant l’immense cheminée du hall.

Plus modestes, sans touche particulière au chapitre de la décoration, les chambres du Royal William sont néanmoins agréables, vastes, calmes et très bien situées dans le quartier Saint-Roch, tout près du charmant petit jardin du même nom.

Dominant la Grande-Allée où foisonnent les bars et les restaurants, le Loews Le Concorde offre une vue imprenable sur les Plaines. Son copieux petit-déjeuner servi à L’Astral, le restaurant tournant, nous permet de voir la ville sous tous ses angles. Pour la petite histoire, il paraît qu’après avoir été condamnée pour meurtre (erreur judiciaire ou non?) la Corriveau a été pendue dans le secteur environnant l’hôtel. Mais, n’ayez crainte, son esprit ne hante pas les lieux…

L’Hôtel Château-Laurier jouit d’un emplacement de choix près du Vieux-Québec, des Plaines et de la Citadelle. L’aménagement est plutôt classique, sans prétention, et l’accueil, impeccable. Avec un peu de chance, on peut voir la relève de la garde de la fenêtre de notre chambre.

Le design intérieur du Capitole de Québec plaira aux amatrices de baroque. On a un peu l’impression d’évoluer dans un décor de théâtre (meubles de velours grenat, longs corridors, etc.). Les jours de grand froid ou de paresse, quel plaisir de s’attabler au resto Il Teatro pour déguster des pâtes accompagnées d’un Brolio ou d’un Barolo. Tchin-tchin!

Quant au très luxueux Château Frontenac, on y boit les meilleurs dry martinis au bar-salon Le Saint-Laurent, servis dans les règles de l’art. Ils sont si joliment présentés qu’ils nous donnent envie d’en déguster un second en contemplant, par les grandes baies vitrées, le fleuve qui s’étire merveilleusement à perte de vue.

Carnet d’adresses

RESTAURANTS

  • Laurie Raphaël 117, rue Dalhousie
  • Saint-Amour 48, rue Sainte-Ursule
  • Auberge Saint-Antoine 8, rue Saint-Antoine
  • L’Échaudé 73, rue Sault-au-Matelot
  • Café Krieghoff 1091, av. Cartier
  • Bistrot Les Bossus 620, rue Saint-Joseph Est
  • L’Utopie 226 1/2, rue Saint-Joseph Est
  • Café du Clocher Penché 203, rue Saint-Joseph Est
  • Ciccio Café 875, rue Claire-Fontaine
  • Moine Échanson 585, rue Saint-Jean
  • Temporel existe toujours 25, rue Couillard

    MUSÉES

  • Musée de l’Amérique française 2, côte de la Fabrique
  • Musée national des beaux-arts du Québec Parc des Champs-de-Bataille

    BOUTIQUES

  • L’épicerie J.A. Moisan 699, rue Saint-Jean
  • La pâtisserie Simon 471, rue Saint-Jean
  • L’épicerie européenne 560, rue Saint-Jean
  • Mademoiselle B 541, rue Saint-Joseph Est
  • La librairie Pantoute 286, rue Saint-Joseph Est

    HÔTELS

  • l’Hôtel Dominion 1912 126, rue Saint-Pierre
  • Royal William 360, boul. Charest Est
  • Loews Le Concorde 
  • L’Hôtel Château-Laurier
  • Capitole de Québec
  • Château Frontenac