Du Malawi, je ne savais rien… si ce n’est que Madonna y a adopté quatre de ses enfants! Mais en connaître si peu est justement ce qui m’a poussée à vouloir le découvrir. Et puisque personne ne pouvait partir avec moi, j’ai décidé de m’y rendre seule. En tout, j’ai deux semaines pour explorer ce bout d’Afrique et apprendre à connaître son histoire, ses paysages, ses couleurs et, surtout, rencontrer son peuple, motivation première de tous mes voyages. Je débarque à Lilongwe, la capitale, par un bel après-midi d’octobre. Première escale: la réserve forestière de Ntchisi, zone naturelle protégée qui abrite une faune et une flore riches en diversité. Je dormirai sur place, au Ntchisi Forest Lodge. Comme il n’est qu’à deux heures de route, je me dis que j’aurai amplement le temps de m’y rendre avant que la nuit tombe. Je traîne donc un peu en ville, où je me procure une carte SIM et retire des kwachas, la monnaie locale. Je récupère ensuite ma voiture de location, un 4 x 4 manuel avec volant à droite! Il est 16 h et mon GPS me propose deux itinéraires qui me semblent similaires. Évidemment, je choisis celui qui m’entraîne sur une petite route en terre… Quand les villageois me voient rouler sur ce chemin habituellement emprunté à pied ou à moto, leur visage s’éclaire d’un grand sourire et ils me saluent. C’est ce qui s’appelle faire une entrée remarquée! Sur le coup de 18 h, le soleil tire sa révérence sur la savane, embrasée par un ciel fuchsia. On dit que le bonheur n’est réel que lorsqu’il est partagé. Mais, en cet instant précis, je me dis qu’il commence d’abord en soi. Ce bref moment de contemplation passé, je suis plongée dans la noirceur totale. La route est de plus en plus étroite et rocailleuse, je n’ai plus de réseau et la batterie de mon téléphone est sur le point de mourir. J’inspire profondément et j’expire bruyamment, comme on me l’a enseigné au yoga. Tout va bien aller, right?

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Mon Jimny et moi. Photographe: Catherine Lefebvre

AU CŒUR DE L’HISTOIRE MALAWIENNE

J’arrive enfin au NTCHISI FOREST LODGE. Les gérants, Rob et Irene, commençaient à s’inquiéter (et moi, donc!) et les cuisiniers n’attendaient que moi pour servir leur repas quatre services. À l’ardoise: un réconfortant potage de courge à la noix de coco, une salade toute fraîche, du poulet à la marocaine, des fruits frais et une glace maison pour couronner le tout. Chaque plat est exquis. C’est même impressionnant de goûter à des mets aussi savoureux au beau milieu de nulle part. Au réveil, mon guide, Eston Ngoza, ancien horloger de 75 ans, m’accompagne dans la forêt menacée par la déforestation. Dès sa retraite, il a fait le choix de revenir dans son village natal, Ntchisi, pour mieux prendre soin de cette zone tropicale indigène. D’autant plus que c’est l’une des dernières du pays. Entre deux leçons de botanique, il me raconte des pages d’histoire du Malawi. «La tribu des Chewas, la plus importante ici, se cachait dans cette forêt pour échapper aux Ngonis, une autre tribu de la région qui tentait de s’approprier le territoire au XIXe siècle» m’explique-t-il. Ce passionné en connaît suffisamment sur son pays pour m’instruire pendant nos quatre heures de marche, qui passent en un clin d’œil!

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Allo les hippos! Photographe: Catherine Lefebvre

CAP SUR LE LAC MALAWI!

Je quitte Ntchisi, direction le très luxueux PUMULANI LODGE, à l’ouest de la péninsule de Nankumba. En passant par la réception de l’hôtel, je découvre une vue spectaculaire sur le lac Malawi. C’est de toute beauté! Des singes s’amusent sur le bord de la piscine, tandis qu’un verre de bulles m’attend au bar. Quant à ma chambre, elle est plus grande que mon condo montréalais! Le cadre est tout simplement idyllique. Par-dessus tout, mon guide, Precious (ça ne s’invente pas), m’emmène dans la baie en bateau pour contempler le coucher du soleil. Là, j’assiste au spectacle des hippopotames se baignant nonchalamment à quelques mètres des habitants du village, qui lavent leur linge dans les eaux claires du lac.

Le lendemain, il me donne rendez-vous dès l’aube pour attaquer l’ascension d’une des montagnes qui surplombent la baie. L’idée est de parvenir au sommet avant qu’il fasse trop chaud. De là-haut, il me pointe son village en contrebas, Kasankha. De l’autre côté, on aperçoit Monkey Bay, station balnéaire connue des environs.

C’est là que je passerai le reste de ma journée, pour tester la plongée en apnée autour de l’île de Thumbi. Le site est reconnu pour les quelque 300 espèces de cichlidés et autres poissons multicolores qu’on peut observer à loisir grâce à une incroyable visibilité dans l’eau. C’est, entre autres, ce qui permet au parc national du lac Malawi d’être reconnu au patrimoine mondial de l’UNESCO.

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Les singes se la coulent douce sur le bord de la piscine du Pumulani Lodge. Photographe: Catherine Lefebvre

CAMPING SAUVAGE

En poursuivant ma route le long du lac, je change drastiquement de gamme hôtelière. Étant aussi fan des hôtels de luxe que des cabanes dans les arbres, cette perspective me réjouit. Je me rends donc sur l’île de Domwe, d’une circonférence de 11 km, sise à une demi-heure en bateau de Monkey Bay. Sur place, c’est la compagnie KAYAK AFRICA qui prend les choses en main. Au programme, c’est kayak, bien sûr, mais aussi randonnée et surtout, farniente! Côté hébergement, la seule option est le camping. Ma tente de prospecteur offre une belle vue sur le lac et le lit y est confortable. À 80 $ la nuit (repas inclus), ça se prend bien! Mais je ne tarde pas à remarquer trois trous près de l’entrée, suffisamment gros pour y laisser entrer un serpent, un scorpion et plusieurs moustiques. Je tente de les boucher avec ma valise et les coussins de la chaise en rotin, mais j’angoisse un peu. Pour tromper le stress, je pars me changer les idées en empruntant l’un des kayaks laissés gratuitement à la disposition des clients. Je m’aventure jusqu’à la pointe de l’île, puis je reviens à contre-courant. Moi qui me trouvais plutôt douée pour pagayer, j’ai vite le souffle court et les bras en compote. Au retour, je m’installe au soleil près de la salle à manger sur pilotis et je prends une bière bien méritée dans la glacière. Le guide, Felix, passe me voir pour s’assurer que tout va bien. J’en profite pour m’informer subtilement (tousse, tousse) au sujet de la faune présente sur l’île. Verdict On n’y trouve absolument rien de dangereux. Fiou!

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Ma tente sur l’île de Domwe. Photographe: Catherine Lefebvre

LE KUMBALI COUNTRY LODGE

Je termine mon séjour en beauté en passant quelques nuits au KUMBALI COUNTRY LODGE, situé à côté du palais du président Peter Mutharika, à Lilongwe. C’est là que demeure Madonna lors de ses passages au Malawi. Et, bien que l’établissement soit loin d’être un palace, c’est l’un des hôtels les plus luxueux de la capitale. Cette ancienne ferme laitière, qui compte également une plantation de tabac — l’une des cultures les plus importantes au Malawi —, est tenue par Guy et Maureen Pickering, couple originaire d’Afrique du Sud établi au pays depuis 1991. Compte tenu des nombreux défis liés à l’agriculture, comme la sécheresse, les inondations et les changements climatiques, Guy et Maureen se sont tournés vers le tourisme pour joindre les deux bouts. Tout a commencé par un modeste gîte dans le bâtiment principal, où se trouvent aujourd’hui le bar et le restaurant. Petit à petit, ils ont fait bâtir des chambres supplémentaires et quelques maisons privées comptant chacune trois chambres, une cuisine et une salle à manger, idéales pour un séjour en famille. La ferme laitière, elle, est toujours là, avec pas moins de 230 vaches et 210 chèvres qui broutent tout près du pavillon principal. Grâce à elles, le yogourt et le féta sont fabriqués sur place. Et ils goûtent le ciel! Mais ce n’est pas tout.Tous les légumes au menu proviennent du jardin. Cette info en poche, je pars à la rencontre de Gomesi Moyo, le chef du restaurant. Il est justement en train de cueillir du basilic pour aromatiser le feuilleté de tomates qu’il servira ce soir. Il me parle du centre de permaculture Kusamala, non loin de l’hôtel, qui fonctionne sur un modèle agricole tenant compte de la biodiversité de chaque écosystème. On y forme des agriculteurs d’ici et d’ailleurs en Afrique, et sa présence est primordiale. Étant donné les longues périodes de sécheresse
qui suivent la saison des pluies (de novembre à avril), la permaculture demeure la façon la plus sûre de maintenir l’équilibre dans les champs.

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Le bâtiment principal du Lodge. Photographe: Catherine Lefebvre

Lorsque je passe y faire un tour le lendemain, je suis surprise. Un coup d’œil aux cultures me donne l’impression que tout est sur le point de mourir. Luwayo Biswick, gestionnaire de la formation, me rassure: «Tout va renaître dès l’arrivée de la pluie, d’ici quelques semaines. La nature est bien faite.» Et il a de bonnes raisons d’y croire: c’est la permaculture qui a permis à sa famille de se nourrir tous les jours de l’année alors qu’il n’était qu’un adolescent. Le Malawi a en effet souffert de nombreuses périodes de famine, notamment après l’importante sécheresse qui a frappé le pays en 2002, plongeant près de 40 % de la population dans une pénurie alimentaire qui a duré jusqu’en 2005. Aujourd’hui, heureusement, la crise alimentaire est chose du passé. 

En route vers l’aéroport, le lendemain matin, je me rappelle les appréhensions que j’avais avant mon départ, celles qu’on peut ressentir lorsqu’on part seule vers l’inconnu. Pourtant, dans les rares moments de stress que j’ai vécus sur place, il a suffi d’un mot ou d’un sourire pour m’apaiser. Je n’en suis pas à ma première visite d’un pays d’Afrique, mais je confirme: le Malawi mérite bien son surnom de «cœur chaud» du continent, en référence à la gentillesse de ses habitants. Et je vous le recommande… chaudement.

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Mon guide, Precious, au sommet de la montagne avec vue sur le lac. Photographe: Catherine Lefebvre