Enclavée entre le Maghreb au nord, le Sahel au sud et le Mali à l’est, et baignée par l’océan Atlantique à l’ouest, la Mauritanie sert de pont entre l’Afrique du Nord et l’Afrique noire depuis des temps immémoriaux.

Des caravaniers parcouraient autrefois ses étendues arides; aujourd’hui, sauf exception, ce sont des caravanes de voyageurs en quête d’une parcelle de désert et de souvenirs plus grands que nature qui sillonnent ces grands espaces. Ils convergent généralement vers l’Adrar, une région mythique du centre du pays, couverte de sable et de roc.

Pour s’y rendre, il faut emprunter un long ruban d’asphalte qui relie la capitale, Nouakchott, à la ville d’Atar, perchée sur un haut plateau. Mes deux compagnons de voyage et moi nous y sommes rendus, non pas à dos de dromadaire, comme le faisaient les caravaniers, mais entassés dans un taxi Mercedes déglingué. Au bout de cinq heures, nous avons atteint Atar, une ville poussiéreuse de 24 000 habitants où s’étirent paresseusement des dromadaires et des hommes vêtus de gandouras bleues. Cité du bout du monde, Atar est surtout le point de départ de bien des expéditions dans le désert. Des routards du monde entier s’y posent une nuit avant de partir à la découverte des canyons et des dunes ocre du Sahara, le plus vaste désert chaud sur Terre. L’Auberge-camping Bab Sahara nous accueille pour une nuitée agréable malgré son confort limité.

Photos: www.megapress.ca

 

SOUS LE SOLEIL ET LES ÉTOILES

À l’aube, nous faisons rapidement des emplettes avant de reprendre la route: thon en conserve, bouteilles de boisson gazeuse, confiture de dattes et eau. Beaucoup d’eau. Vers 9 h, nos deux 4 x 4 de location démarrent dans un tintamarre peu pittoresque provoqué par les chaudrons et les ustensiles de cuisine arrimés sur le toit des véhicules. À quelques kilomètres d’Atar, on emprunte finalement une piste qui fuit la civilisation pour se perdre dans l’immensité. Des habitations sommaires surgissent çà et là, écrasées par le même soleil de plomb qui cuit nos véhicules. Par souci d’économie de carburant, la clim est en congé. Et même les fenêtres grand ouvertes, l’air n’est que bouffée de chaleur suffocante.

Nous pénétrons dans la vallée de sel de Sebkhet Chemchane, à la beauté aussi irréelle que fascinante. Je profite d’un arrêt pour me dégourdir les jambes et poser mes mains sur le sol sec et craquelé, texturé comme un visage profondément ridé par le soleil. Le jour se dérobe déjà. Étendus sur le sol, nous nous apprêtons à vivre notre première nuit dans le désert.

Les yeux perdus dans le ciel, j’admire les étoiles, qui semblent ici aussi nombreuses que les grains de sable des dunes. Un sentiment de plénitude m’envahit. Mohammed, notre chauffeur, s’amuse de la naïveté de mon émerveillement. «Dans le désert, vous pourrez observer chaque nuit ce ciel étoilé, m’assure-t-il. Il fait partie du paysage quotidien.» Une perspective que j’accueille avec le sourire.

 

 

UN THÉ AU SAHARA

Le lendemain, notre périple se poursuit de campement nomade en campement nomade, formé généralement de quelques huttes. Chaque fois, des hôtes bienveillants nous offrent le thé: avant de le servir, ils le transvasent à trois reprises pour souligner successivement la chance, la vie et la mort.

Cette boisson âpre et sucrée apaise mes lèvres desséchées. Je prends plaisir à me perdre dans mes pensées, où se succèdent comme dans un film des images d’oasis, de dunes mordorées et de longues caravanes.

Le repas du soir est généralement constitué d’un couscous agrémenté de viande de dromadaire, une chair fibreuse que je mastique sans grande conviction. Le jour, nous nous con tentons de pain, de thon et de légumes ratatinés par le soleil.

Il nous arrive de croiser des nomades solitaires ou des bergers guidant leur troupeau de chèvres ou de dromadaires. Certains nous arrêtent d’un signe de la main. Parfois, ils en profitent pour faire un bout de chemin avec nous afin de rejoindre leur famille ou leurs amis. Mark, notre guide, nous explique qu’il serait impossible de vivre ici sans cette forme d’entraide. Il précise qu’en plein soleil, privés d’eau et d’ombre, nous ne pourrions survivre plus de quatre heures. Un frisson d’effroi me parcourt l’échine.

 

JOYAUX DU DÉSERT

Le quatrième jour, nous faisons halte au fort d’El Ghallaouiya. Des militaires vérifient nos papiers puis nous laissent poursuivre notre chemin hors de la zone protégée par l’armée. Nous avançons dans le désert mauritanien et nous approchons d’une région réputée plus dangereuse, à cause de la présence des brigands.

Au détour d’une falaise aux tonalités grisâtres, un homme vêtu d’une robe blanche nous accueille. Il semble tout droit sorti du Moyen Âge. Il veille sur les peintures rupestres qui brillent en pleine lumière sur les parois rocheuses. Nous sommes ébahis. Ces dessins découverts il y a un siècle représentent une multitude de bovins. C’est le signe que l’océan de sable qui nous entoure a déjà été habité il y a des milliers d’années.

À quelques heures du fort, la structure de Richat, joliment surnommée l’oeil de l’Afrique, est un arrêt obligé. Visible uniquement de l’espace et découverte en 1965, elle forme d’étonnants cercles concentriques atteignant jusqu’à 50 km de diamètre. Ces énigmes géologiques seraient le fruit d’une éruption volcanique vieille de 100 millions d’années.

 

 

LES REINES DÉCHUES

Le lendemain, cap sur Ouadane. Après des heures de route, nous atteignons l’ancienne halte caravanière.

Elle surgit, juchée sur une colline dans le rougeoiement du soleil couchant. Magique. Composée de maisons en ruine, la partie la plus ancienne de la ville fait penser à une reine déchue à la beauté chancelante mais toujours envoûtante. Une atmosphère mystérieuse envahit les ruelles entrelacées, et l’écho d’enfants jouant au loin résonne entre les murs en partie écroulés.

Quelques centaines de mètres plus loin, dans la portion habitée de Ouadane, les habitants vaquent à leurs occupations. Il y a là des petits commerces et une boulangerie. C’est dans la modeste auberge de Zeida que je prends ma première douche de la semaine! Ce n’est pas de l’eau qui coule sur ma peau, c’est du bonheur! Je goûte pleinement ce plaisir simple qui, en plein désert, est un luxe extravagant.

Plus à l’Ouest se dresse Chinguetti, «la ville des bibliothèques», inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco au même titre que Ouadane. Septième ville sainte de l’Islam, Chinguetti est considérée comme une capitale du savoir en raison de ses bibliothèques qui contiennent des manuscrits datant de plusieurs centaines d’années; certains d’entre eux ont été rédigés sur des peaux de gazelles. La bibliothèque que nous visitons renferme des ouvrages parfois en piteux état, abîmés par la chaleur et les termites. Le propriétaire nous présente des livres du 13e siècle qu’il aimerait sauver de la décrépitude, si seulement il pouvait trouver l’argent nécessaire à leur restauration.

Pendant des siècles, Chinguetti a été une étape caravanière et un centre culturel majeur. Les commerçants de passage y côtoyaient des érudits venus là pour consulter les milliers de manuscrits traitant, entre autres, de l’Islam et de la science. Aujourd’hui, les habitants de cette petite ville luttent pour que celle-ci ne soit pas engloutie par l’avancée inexorable des dunes.

 

LA FIN DU PÉRIPLE

Il est maintenant temps de revenir au bercail par la nouvelle route qui relie Chinguetti à Atar, la capitale régionale. Nous faisons toutefois un petit détour pour admirer les magnifiques canyons de la passe d’Amogjar, où a été tourné Fort Saganne, dans lequel Gérard Depardieu, Catherine Deneuve et Sophie Marceau ont joué il y a plus de 25 ans. Les heures passent, mais nous voulons absolument voir l’oasis de Terjit, décrite comme la plus belle de Mauritanie. «Il va falloir patienter, Madame», m’annonce notre chauffeur Mohammed, en me pointant le troupeau de dromadaires qui obstrue la route goudronnée.

Ce n’est finalement qu’au début de l’après-midi que nous arrivons à l’oasis. Une délicieuse fraîcheur imprègne ce lieu parsemé de khaymas (tentes traditionnelles). On entend des clapotis provenant des bassins, où quelques touristes se baignent, et de l’eau qui cas cade du haut des falaises. Le voyage s’achève. Nous nous prélassons deux heures dans ce sanctuaire avant de nous diriger vers Nouakchott. Une partie de moi ne veut pourtant plus quitter l’Adrar. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on trouve son oasis au milieu du désert.

 

 

CARNET DE VOYAGE

 

La Mauritanie est située en Afrique de l’Ouest, au bord de l’Atlantique.

Elle a pour voisins le Sahara occidental, l’Algérie, le Mali et le Sénégal.

 

COMMENT

De Montréal via Casablanca avec Royal Air Maroc (www.royalairmaroc.com);

ou via Paris avec Air France (www.airfrance.ca).

 

QUAND

La meilleure période pour visiter le désert dans l’Adrar est entre novembre et avril, alors que les températures sont plus tempérées le jour et fraîches la nuit.

 

SÉJOURNER

à Nouakchott, à l’hôtel-boutique L’escale des Sables (www.escale-des-sables.com) ou,

pour les petits budgets, à la Maison d’hôtes Jeloua (011 222 525 8755 ou 222 525 0914);

à Atar, au Chameau blanc (lechameaublanc.free.fr), qui organise aussi des circuits dans l’Adrar,

 ou à l’Auberge-camping Bab Sahara (011 222 647 3966);

à Chinguetti, à l’Auberge du Maure Bleu (www.maurebleu.com).

Pour connaître les différentes options d’hébergement: www.terremauritanie.com.

 

ORGANISER

une expédition dans le désert de l’Adrar avec l’agence touristique FataMauri (011 49 171 49 55 783 ou www.fatamauri.de)

Proservices Tour (www.lestoilesmaures.com).

 

SE RENSEIGNER

au consulat de Mauritanie (www.mauritania-canada.ca).

 

LIRE

Lonely Planet West Africa

Le guide du routard Afrique de l’Ouest.

 

 PHOTO: Hôtel-boutique L’escale des Sable