Mon intérieur n’a jamais été aussi nickel. Le vôtre aussi, je parie. Quand on ne contrôle plus rien, on se rabat sur la verrerie. Entre deux coups de plumeau, je revisite un passé composé d’alertes ignorées. Je réalise combien la démocratisation du voyage a fini par le banaliser. Peu à peu, on a perdu de vue le fait que voyager est un sacré privilège. Non, pas celui des mieux nantis d’entre nous, plutôt celui d’être accueilli dans des environnements autres, au cœur de cultures autres, qu’on n’a pas toujours su apprécier à leur juste valeur ni respecter.

Oui, on a voyagé comme on a vécu, à toute vapeur. Après avoir dit bye-bye au voyage marathon et à ses 15 pays en 10 jours, on s’est abonné au sur-voyage, mû par une bucket list de laquelle il nous fallait rayer tous les items. Au suivant!

Entre un épisode de Chef’s Table et un coup de vadrouille, il me revient également à l’esprit cette aberration qu’est (était?) la « tendance » de l’expérience locale. Ce qui est de facto la quête de tout voyage n’aurait jamais dû être trendy et encore moins formatée et commercialisée. L’expérience authentique ne s’achète pas chez AirBnB. Pour reprendre un bon mot de ce cher Oscar Wilde, certains connaissaient « le prix de tout et la valeur de rien ».

On a fait fausse route. La planète a son voyage. Il nous faut réviser l’itinéraire. Demain, il devra être moins vain, plus local, plus slow et empli d’empreintes positives. Mais peut-on vraiment croire que la pandémie aura fait de nous, comme par enchantement, des voyageurs plus avisés et plus conscients de notre impact sur le monde que nous ne l’étions auparavant?

#voyagezdemain

L’auteur du Manuel de l’antitourisme, Rodolphe Christin, qui vient tout juste de publier La Vraie Vie est ici – Voyager encore?, rappelle que l’ailleurs meilleur est un leurre, et que la grande aventure qui nous attend est de « faire front contre l’invivabilité croissante du monde ». Et ça commence par prendre soin de son patelin.

Le 13 mars dernier, la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, disait déjà s’affairer à créer une campagne de promotion pour nous encourager à planifier nos prochaines vacances chez nous. Bravo! Notre arrière-cour recèle de ces sentiers non battus qu’on recherchait partout ailleurs il y a peu.

L’industrie du tourisme sera-t-elle, elle aussi comme par magie, plus responsable qu’avant? La COVID-19 crée des zillions de nouveaux pauvres sur la planète. C’est déjà le cas en Asie du Sud-Est, dans le Pacifique et… chez nous! D’inévitables tensions sociales naissant des grandes disparités de revenus entre citoyens, l’industrie devra (enfin) remettre en question certaines pratiques, qui étaient déjà discutables avant la crise, comme construire des palaces 5 étoiles dans des destinations où les habitants peinent à se nourrir…

Oui, ça va bien aller, gardons espoir, mais j’ai de tout de même peur. J’ai peur qu’on ait peur. Voyages et tourisme de masse ayant contribué à la propagation du virus à l’origine de la pandémie que nous connaissons, se mettra-t-on à craindre l’autre une fois qu’on aura émergé de ce cauchemar? Ces jours-ci, je suis de tout cœur avec les communautés chinoises hors Chine, victimes de xénophobie. Serons-nous empoisonnés par la crainte d’autres possibles contagions? Se fermera-t-on au monde? À long terme, le tout-local n’est pas plus souhaitable que le tout-global.

Là-dessus, je dois vous laisser. Mon nouveau thérapeute m’appelle avec insistance. Il se nomme Hoover, et il aspire à calmer la journaliste de tourisme immobile que je suis devenue.

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