Voyages
Buenos Aires, élégante et radieuse
Créative, inventive, «coolissime», abordable et délicieusement affriolante, Buenos Aires est une des villes les plus séduisantes du monde. Et pas juste parce qu’on y danse le tango. Bienvenue dans cette métropole, si bien surnommée le Paris d’Amérique du Sud.
par : Gary Lawrence- 07 oct. 2009

«Allons, tu ne vas pas aller te coucher! Madonna est en ville, et son D.J. se produit ce soir, après le spectacle! Si tu veux, on demande à Pablo, mon chef concierge, de t’arranger ça…»
Manifestement, Patricia Rault, de l’hôtel Sofitel, voulait absolument que je sache à quoi m’en tenir au sujet de Buenos Aires dès le premier soir. Même si j’étais claqué après une succession d’escales imprévues, je me suis donc retrouvé à The Library, le chic lounge de l’hôtel Faena Universe, pour entendre le D.J. Paul Oakenfold et… peut-être voir arriver la madone. Si l’interprète d’Evita n’a jamais montré le bout de son corsage, c’est sans doute parce qu’elle ne savait plus où donner de la tête: il y a des lustres que Buenos Aires est considérée comme la reine des nuits d’Amérique latine. Car les Porteños (habitants de la ville) apprécient l’art de vivre sous toutes ses formes. Ce serait même eux qui dépensent le plus pour se divertir, par individu, sur la planète. Ici, on dîne tard le soir, on sort encore plus tard la nuit et on rentre souvent très tôt… l’après-midi suivant.
Cette capitale à la vibrante vibe et au magnétisme certain électrise quiconque y débarque. Chaque jour, j’ai eu l’impression que mon corps était traversé par des particules et que l’atmosphère était chargée d’électrons. Buenos Aires, c’est un pôle d’attraction unique, une masse d’énergie qui ne cesse d’irradier et que seul tempère le «bain-marie» subtropical ambiant. Mais parfois, la température monte, et la marmite déborde.
Photo: La Boca, le plus coloré des quartiers de Buenos Aires
UNE VILLE RÉINVENTÉE
En 2001, après des années de frustrations politiques qui ont mené à une crise économique sans précédent, les Porteños sont descendus dans la rue, armés de leurs casseroles. Résultat: un boucan et un bordel pas possibles, et le réveil des vieux démons de la dernière dictature – des tas de civils ont été tabassés, une trentaine d’autres ont été abattus – qui ont asséné le coup de grâce à cette métropole déjà sur les rotules. Puis, Buenos Aires s’est relevée. Suprêmement. «Depuis la crise, le design et la créativité n’ont jamais été aussi ludiques, éclatés et délurés», constate ma guide, Silvia Gonzalez Verocay, une Porteña francophone et québécophile.
En quelques années, la gastronomie a été réinventée; des immeubles historiques ont été retapés avec mæstria; des bars, des boutiques, des commerces audacieux ont pullulé; de splendides hôtels-boutiques ont poussé comme des champignons. Et dans la foulée de toute cette créativité, la capitale s’est vue sacrée Ville UNESCO du design.
Pour me prouver que la métropole mérite ce titre, Silvia m’emmène flâner dans Palermo Viejo, le quartier bobo-branché de Buenos Aires. Elle m’introduit dans l’antre de plusieurs créateurs parmi les plus singuliers de l’heure: Nadine Zlotogora et ses vêtements de taffetas bigarrés, Juana de Arco et ses flamboyants dessous multicolores, ainsi que les meubles «vernaculaires » de la boutique Arte Étnico Argentino, façonnés à partir de matières premières récupérées dans le désert argentin. Sans compter quantité de boutiques qui élèvent la chaussure au rang d’oeuvre d’art.
Le lendemain, Silvia m’initie à l’univers de Puerto Madero, où d’anciens entrepôts désaffectés ont été revampés dans les années 1990. Ce quartier, qui connaît et subit unvéritable boum immobilier, est en pleine reviviscence. L’architecte Santiago Calatrava y a jeté un élégant pont piétonnier; la femme la plus riche d’Argentine, Amalia Lacroze de Fortabat, vient d’y inaugurer son musée et, non loin de là, Sir Norman Foster a conçu un fabuleux projet immobilier, The Aleph.
D’autres parties de Buenos Aires sont en mutation: San Telmo, le quartier colonial des antiquaires et des artistes, est en passe de devenir le prochain Palermo Viejo, alors que La Boca, ravissant berceau des bordels et du tango, vient d’hériter de la galerie d’art moderne de la Fondation Proa, un ovni de verre qui tranche avec les façades peinturlurées et l’ambiance canaille de ce quartier qui, jadis, a servi de porte d’entrée à de nombreux immigrants.
Photo: La célèbre Casa Rosada, d’où Eva Peròn haranguait la foule