Vas-y, monte!» me lance Brian Talma, mon instructeur de surf. Je mets un pied sur la planche, puis un autre, je fléchis les genoux et tends les bras. Ça y est, je suis emportée par la vague! L’élan, la vitesse, wow! Je comprends pourquoi le surf rend accro. Mais, trois secondes plus tard, je suis projetée sous ladite vague, avalant au passage un peu de bouillon salé. Ouch!

«Fixe toujours l’horizon quand tu surfes, me conseille Brian. Si tu regardes l’eau, c’est là que tu te retrouveras instantanément.» Malgré les nombreuses chutes et le sel qui pique mes yeux, je dois avouer que le surf est plus facile que je croyais. Bon, c’est vrai: j’ai la chance de prendre ma première leçon avec un pro. Brian Talma est non seulement un champion de planche à voile – il a représenté la Barbade à deux reprises aux Jeux olympiques -, mais aussi un pionnier de la culture du surf sur l’île. Ou plutôt de la beach culture, comme il préfère l’appeler. Ici, l’engouement pour la planche – qu’elle soit à voile, de surf, de kitesurf ou de SUP (celle sur laquelle on se tient debout, une rame à la main!) – a pris l’allure d’un véritable raz de marée au cours des dernières années, entraînant sur son passage un nombre exponentiel de touristes.

Plus tôt, alors que nous étions au quartier général de Brian Talma (une villa colorée faisant office d’école, de boutique et de gîte pour les surfeurs), le Barbadien me disait que le surf n’avait pas aussi bonne réputation lorsqu’il a fondé son entreprise, en 1988. À cette époque, il venait tout juste de terminer des études en administration et participait à des compétitions de planche à voile entre autres à Hawaii, où la culture du surf était à son apogée. Il s’est alors dit: «Le potentiel naturel de la Barbade est aussi incroyable: pourquoi ne pas l’exploiter?» Même si ses parents auraient préféré qu’il se dirige vers le milieu des affaires, Brian a choisi de vivre des vagues. «Aujourd’hui, non seulement c’est acceptable de faire du surf, mais tout le monde veut travailler dans ce domaine. Avant, les surfeurs étaient considérés comme des bums. La plupart de ceux qui ont ouvert des écoles faisaient de la planche comme passe-temps, mais étaient chauffeurs de taxi. Ils n’auraient jamais pu imaginer qu’un jour ils dirigeraient leur propre entreprise et qu’ils auraient ce mode de vie.»

Puis, alors que les cerfs-volants de kitesurf tourbillonnent au-dessus de nos têtes, Brian ajoute ceci: «Ma plus grande fierté, c’est d’avoir permis à des gens de la communauté, des Noirs issus de la classe ouvrière, de pouvoir mieux vivre grâce au surf.»

Surf n’ Fish

Brian a de quoi être fier: le surf est aujourd’hui une industrie florissante à la Barbade. Pour s’en convaincre, il suffit de voir la quantité d’apprentis surfeurs dans les eaux de Freights Bay, une crique au sud de l’île, reconnue pour ses vagues clémentes et les tortues s’y réfugiant. C’est là que je prends ma deuxième leçon, cette fois en compagnie d’un groupe de l’école Zed’s Surfing Adventures. Allongés sur nos surfs, nous attendons les indications de notre instructeur, Junior, un grand Noir aux tresses blondies par le sel et le soleil. Au moment où il nous donne le signal de saisir la vague, je réalise que mes muscles sont encore endoloris par mes essais de la veille. Mais le plus difficile n’est pas tant de monter sur ma planche que de retourner vers le large, couchée sur celle-ci, à la nage, en baissant la tête pour faire face aux vagues, alors que mes bras sont en compote. Après une heure de ce régime, je suis complètement lessivée.

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Dans la camionnette qui nous ramène à la base de l’école – où une bière fraîche et un curry au crabe nous attendent -, je fraternise avec les autres apprentis surfeurs, qui viennent de Suisse, de Suède et d’Angleterre. «Est-ce que vous allez à Oistins ce soir?» nous demande Elle, une agente de bord britannique qui a profité de ses 24 heures sur l’île pour s’initier au surf. À voir mes nouveaux amis acquiescer, je m’imagine qu’Oistins doit être un bar où se retrouvent les touristes pour prendre un verre. Il s’agit plutôt d’un village de pêcheurs, m’explique Elle, où chaque vendredi est organisé un fish fry, un genre de barbecue pendant lequel on fait griller du poisson.

Le soir venu, ce sont des centaines de personnes que je vois affluer au marché de poissons d’Oistins. Des touristes, mais surtout des Bajans (comme se surnomment les Barbadiens), qui font la file devant les nombreux kiosques offrant marlin, flying fish, dolphin (pas du dauphin, mais de la dorade!) et même barracuda cuits sur le gril. Malgré la foule, je parviens à trouver une place à l’une des tables à pique-nique, où je me régale d’un filet de marlin accompagné de macaroni pie (du macaroni au fromage), de patates douces et de riz aux haricots noirs, le tout servi dans une barquette en polystyrène.

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Mais, bien plus que le poisson, c’est la danse qui est la véritable attraction du fish fry. Sur une grande scène, des wannabe Rihanna se trémoussent au son de reggaeton. Pour ma part, je préfère la piste de danse improvisée un peu plus loin où se retrouvent les Bajans plus âgés. Pendant un long moment, j’observe les couples enlacés se laisser bercer sur des airs country. Je suis sous le charme!

Sur les traces de Rihanna

Le lendemain, je m’offre un petit répit de surf pour explorer la côte ouest de l’île, qu’on surnomme Platinum coast en raison des hôtels cinq étoiles qui s’alignent le long des plages de sable fin. Alors que nous quittons Bridgetown, la capitale de la Barbade, Emerson, mon chauffeur, m’indique quelques cabanes délabrées sur le bord de la route. «C’est le ghetto où Rihanna a grandi», me dit-il. À peine quelques kilomètres plus loin, il attire cette fois mon attention sur les luxueux condos que la chanteuse a achetés, il y a deux ans, pour quelques millions de dollars. Tout juste à côté se trouve le très chic hôtel Sandy Lane (sandylane.com), où je pourrais flamber 1150 $ US (minimum) pour une seule nuit et croiser des célébrités telles que Beyoncé et Jay Z.

Je me contente plutôt de faire escale à Holetown, la première ville coloniale que les Britanniques ont fondée à la Barbade, où je fais un peu de lèche-vitrine au Limegrove Lifestyle Centre (limegrove.com). Parmi les magasins de grandes marques, comme Burberry, Louis Vuitton et Ralph Lauren, je repère la charmante boutique Un dimanche à Paris, où l’on peut trouver le parfait attirail (bikini, tunique vaporeuse et panama) pour s’adonner au farniente chez les riches et célèbres. Mais c’est en mettant les pieds au Cobblers Cove (cobblerscove.com) que je réalise à quel point l’héritage britannique est toujours présent sur l’île. Ce domaine ayant appartenu au riche propriétaire d’une plantation de canne à sucre a été converti en hôtel, en 1968. Son jardin exotique et ses suites décorées dans un élégant style colonial me donnent l’impression de séjourner dans un luxueux camp de vacances où les hôtes (en grande majorité des Britanniques) reviennent chaque année depuis des décennies. Encore aujourd’hui, on sert le thé sur la terrasse, où je me laisse tenter par quelques scones et des sandwichs au concombre. Devant moi, la mer des Caraïbes est étrangement calme en comparaison aux vagues que j’ai pu observer sur la pointe sud de l’île. Ici, pas de surf, mais peut-être que demain je me laisserai tenter par du ski nautique…

La soupe est servie!

Les plus redoutables vagues de la Barbade se trouvent sur la côte est de l’île. À North Point, là où la mer des Caraïbes rencontre l’océan Atlantique, la houle est si puissante qu’à force de se fracasser sur les falaises, elle a creusé une impressionnante caverne nommée Animal Flower Cave (à cause des anémones de mer qui la tapissent). Ici et le long du littoral où se succèdent de superbes plages, il n’est pas recommandé de se baigner…

Bienvenue au paradis des surfeurs!

La plupart se donnent rendez-vous à Bathsea, où se trouve le Soup Bowl, un lieu réputé pour le surf. Pour profiter au maximum des vagues houleuses de ce «bol de soupe», ils louent l’une des chattel houses qui longent la plage. Au XIXe siècle, ces cabanes de bois colorées, faciles à démonter et à assembler, permettaient aux travailleurs de transporter leurs pénates d’une plantation à l’autre.

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En observant les puissantes vagues du Soup Bowl (et les rares téméraires à les chevaucher), je me dis qu’il faut être fêlé pour braver ainsi les éléments… Parmi ces timbrés, une surfeuse regagne la plage, sa planche sous le bras, et me dit qu’il ne s’agit pas d’une bonne journée pour le surf. «Il y a beaucoup de vent, et les vagues ne sont pas assez fortes.» Pas assez fortes?

Jodie a grandi sur l’île, où elle partage ses journées entre le surf et le yoga, qu’elle enseigne. «Lorsque j’ai commencé à surfer à l’âge de 13 ans, on n’était que quatre filles, me confie-t-elle. C’est super de voir à quel point il
y a des surfeuses aujourd’hui.» Elle ajoute que, depuis 6 environ cinq ans, il y a de plus en plus d’étrangers qui viennent à Bathsheba qui, selon elle, est le meilleur endroit pour faire de la planche sur l’île. Jodie s’interrompt soudainement en regardant la mer. «Ah, ça, c’était une belle vague!» lance-t-elle à regret.
 La bonne nouvelle, c’est qu’il risque d’y en avoir encore et encore.

Surfer et apprendre…

De nombreuses écoles de surf proposent à la fois les leçons et le gîte. C’est le cas de celle de Brian Talma (briantalma.pro) et de Zed’s Surfing Adventures (zedssurftravel.com).

Manger…

Le poisson est très prisé à la Barbade. J’ai eu la chance de goûter à du barracuda dans une croûte de parmesan au très chic Champers (champersrestaurant.com); du saumon de l’Atlantique au tendance Cin Cin (cincinbarbados.com); du flying fish servi dans un bouillon créole au Waterfront Café (waterfrontcafe.com.bb), qui
 donne sur la marina de Bridgetown; et même du requin au beurre noir
 à Camelot, le restaurant de l’hôtel Cobblers Cove, considéré comme 
l’un des meilleurs de l’île.

Dormir…

Parfait pour les apprentis surfeurs, le Southern Palms (southernpalms.net) est un hôtel authentique qui se trouve à proximité de Bridgetown et des nombreuses écoles de surf de la pointe sud de l’île. Pour plus d’informations sur la Barbade, consultez le site visitbarbados.org.

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