Si j’avais annoncé à mes amis que je partais en retraite chez les Bénédictines plutôt qu’en Haïti, j’aurais suscité des réactions plus enthousiastes, je crois. J’ai eu droit à des moues dubitatives et à des «ah! bon» polis… Leur perception négative du pays était claire comme le réputé rhum Barbancourt. Pour se justifier, ils ont tous évoqué le terrible tremblement de terre de janvier 2010 et l’épidémie de choléra (aujourd’hui maîtrisée) qui l’a suivi. Il a aussi été question d’inondations, d’ordures, de camps de sinistrés et, globalement, d’un pays qui «ne se prend pas en main».

«Vous verrez, il y a l’Haïti de la misère et de l’insalubrité, celui qu’on montre à la télévision et qui choque», m’avait prévenue Justin Viard, consul général de la République d’Haïti à Montréal. «Et il y a l’Haïti d’un peuple chaleureux, des plus belles plages de la région et d’une culture forte.» Justement, c’est ce visage méconnu du pays le plus pauvre des Amériques qui piquait ma curiosité. Ses richesses naturelles et historiques n’avaient-elles pas fait d’Ayiti, qui signifie «terre des hautes montagnes», la destination antillaise préférée des Québécois dans les années 1970-1980?

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Bien sûr, le tourisme y a connu une longue traversée du désert depuis. Effrayés par l’instabilité politique, les voyageurs s’y étaient faits rares, et les grandes chaînes hôtelières avaient fermé leurs portes. Mais tout ça est en train de changer. Cette année, Vacances Transat offre un nouveau forfait qui permet de découvrir la face ensoleillée d’Haïti. Selon Michaëlle Jean, envoyée spéciale de l’Unesco pour Haïti, cette initiative va «aider le pays à se sortir de sa dépendance à l’aide internationale et à se construire une économie». De Port-au-Prince, la capitale, à Cap-Haïtien, au nord, en passant par la Côte des Arcadins – la Riviera du pays -, les habitants croient aussi que le tourisme est le moteur économique dont la population a besoin.

«Grâce au tourisme, nous voulons créer une classe moyenne, permettre aux jeunes d’y accéder et les transformer en investisseurs», m’a expliqué Jean Bernard Simonnet, président de l’Association touristique d’Haïti-Nord. À Pétion-Ville, l’Outremont de la capitale, le directeur de l’hôtel de luxe ROYAL OASIS est fier de préciser que 200 Haïtiens ont fourni le capital nécessaire à la construction de son établissement. Et l’organisateur d’une excursion en montagne à Kay Piat assure que les villageois de ce secteur recevront une partie du montant demandé aux randonneurs. Bref, tous sont convaincus que les dollars des touristes contribueront à améliorer le sort des Haïtiens, d’autant plus qu’ici une personne qui travaille en fait vivre dix. Quant au malaise que certains visiteurs pourraient éprouver face à la pauvreté, l’ancien sénateur Rudolph Boulos déclare que c’est un passage obligé: «Il faut démarrer la machine, Madame…»

 

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À Port-au-Prince, les autobus (tap tap) sont vibrants, biggarés et joyeux. – ©Carolyne Parent

Selon Geneviève Lemke, propriétaire du WAHOO BAY BEACH CLUB & RESORT, un joli hôtel de la Côte des Arcadins, le tourisme ne démarrera vraiment que le jour où les gens arrêteront depenser qu’Haïti se résume à Port-au-Prince et au désastre du tremblement de terre: «La réalité de la capitale, ce n’est pas celle du reste du pays.»

Une métropole vibrante

Au demeurant, le centre-ville de Port-au-Prince, dévasté par le séisme, renaît. LE MARCHÉ EN FER, le plus ancien marché de la ville, a été reconstruit. Avis aux magasineuses: on peut s’y procurer d’étonnants bijoux faits avec des papiers d’emballage recyclés, une idée des jeunes des camps gérés par l’organisme humanitaire J/P HRO, auquel l’acteur Sean Penn est associé. AU CHAMP DE MARS, la plus grande place publique d’Haïti, plusieurs des immeubles administratifs dont les Port-au-Princiens étaient si fiers n’existent plus, mais la vie a repris son cours. Et tout près, au superbe Musée du Panthéon national haïtien, on apprend des choses étonnantes sur l’histoire du pays… dont le premier touriste fut un certain Christophe Colomb.

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Tentaculaire, la capitale de deux millions d’habitants se répand entre mer et montagnes. Sur ses hauteurs, à Boutilliers, le resto-bar L’OBSERVATOIRE offre une vue saisissante et permet au regard d’embrasser tout le paysage jusqu’à la République dominicaine voisine. Sur une autre colline, PÉTION-VILLE est l’enclave cossue des restos chics et des nuits chaudes. À l’hôtel OLOFFSON, une ancienne villa présidentielle à dentelle de bois, place à la mizik rasin (des textes engagés sur fond de rock et de folk) du groupe haïtien RAM.

Au PRESSE CAFÉ (28, rue Rigaud), des musiciens font ondoyer la compagnie sur des rythmes de kompa, le mérengué du cru. Et à la maison des artisans KAY ATIZAN, la poétesse Marie Alice Théard a exprimé ce que j’avais déjà remarqué, à savoir qu’en Haïti l’art est partout: dans la présentation des mangues vendues dans la rue, dans les bigarrures tapissant les tap-tap (bus locaux) comme dans les galeries!

 

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Le Carnaval des Fleurs, un festival relancé par le président Martelly. – ©Ministère du Tourisme d’Haïti

Le Nord, j’adore!

Le Nord, une région agricole à laquelle on accède en 20 minutes d’avion à partir de Port-au-Prince, est effectivement à l’image de son slogan: adorable. Je garde un souvenir précieux de son littoral sauvage et de l’hôtel CORMIER PLAGE. De CAP-HAÏTIEN, l’ancienne capitale de la colonie française, si bien préservée. De son poulet nwa kajou (aux noix de cajou). D’un clairin (eau-de-vie à base de jus de canne à sucre) goûté dans une distillerie villageoise. Et d’une cérémonie vaudou, tout en chants et en danses, et sans nulle poupée à piquer!

À MILOT, le PARC NATIONAL HISTORIQUE laisse bouche bée. On y découvre les ruines du palais de Sans-Souci, construit au lendemain de l’indépendance du pays, qui s’est libéré du joug des Français en 1804. En montant au sommet du pic La Ferrière, à pied ou à cheval, on découvre ensuite la fameuse citadelle La Ferrière, un ouvrage militaire qui force l’admiration et que l’Unesco a inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité. Pour protéger cette région, on a récemment mis sur pied une unité de gestion.

Dans le Sud, la ville des Cayes a son Institut de formation hôtelière depuis le printemps dernier et, sur l’île à Vache, on projette un développement touristique milieu de gamme. Partout, Haïti fait ce qu’il faut pour reprendre sa place sur la carte touristique: mise à niveau des normes hôtelières, réhabilitation des infrastructures existantes, conversion d’aéroports régionaux en aéroports internationaux…

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Présentement, les touristes qui se satisfont de chambres correctes, dans des propriétés familiales souvent charmantes, telle que l’HABITATION JOUISSANT, à Cap-Haïtien, sont grandement récompensés. Ils ont les plages et les attraits pour eux seuls, ou presque, le pays n’accueillant en moyenne que 800 000 visiteurs par année, dont 600 000 croisiéristes qui n’y font qu’une escale. Pour ma part, j’ai eu le sentiment de participer à la réémergence d’une destination. Et vous savez quoi? La beauté de la chose, c’est que je n’ai pas eu l’impression de visiter Haïti pour lui faire la charité: je me suis plutôt fait égoïstement plaisir en découvrant un pays magnifique.

PSST!: Aux voyageurs qui seraient inquiets pour leur sécurité, le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement du Canada recommande d’éviter certains secteurs de Port-au-Prince, dont Cité Soleil. Il ne faut pas pour autant éviter le pays, pas plus qu’on ne se privait d’aller à New York dans les années 1980 parce que Times Square était réputé dangereux… À noter: une police touristique est déployée dans certaines zones de la capitale, de la Côte des Arcadins et du Nord depuis l’été dernier.

 

Photo ci-dessus:
Les ruines du palais de Sans-Souci. – ©Carolyne Parent

 

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