Ces dernières années, une véritable ruée vers l’art culinaire s’opère au pays des Incas: chefs allumés qui réinventent une cuisine traditionnelle ultrasaine; mise en valeur de super- aliments indigènes aux multiples vertus; grandes tables innovantes de plus en plus primées; franc succès du festival gastronomique Mistura, qui attire à Lima quelque 400 000 gourmets par édition…

Mais il y a plus. Depuis 2012, le Pérou se voit décerner chaque année le titre de meilleure destination culinaire du globe, au grand rendez-vous touristique des World Travel Awards. En 2015, le Central — resto du grand chef Virgilio Martinez, à Lima — a même remporté la quatrième place du célèbre pal- marès de San Pellegrino/Acqua Panna, qui récompense tous les ans les 50 meilleurs restaurants du monde. Deux autres établissements liméniens, Astrid y Gastón (14e) et Maido (44e), figurent également sur cette liste, confortant Lima dans son statut de capitale latino-américaine de la gastronomie.

S’il existe, de nos jours, un tel engouement pour la bonne chère péruvienne, c’est qu’à la base, le pays dispose d’une grande biodiversité alimentaire, d’une culture culinaire millénaire aux multiples influences ainsi que d’ingrédients endémiques méconnus qu’on redécouvre aujourd’hui, apprêtés à la sauce contemporaine.

Un tel renouveau a vu le jour grâce à une poignée de jeunes chefs qui, dans les années 1990, se sont mis à réinventer la cuisine traditionnelle et à accommoder — avec une touche de modernisme — des aliments et des mets qu’on consomme au Pérou depuis toujours, des tamales au quinoa en passant par le céviche, le maïs et la pomme de terre (le pays en compte au bas mot 2000 variétés). Certains de ces maîtres gourmets, exilés dans les années 1980 pendant le règne de terreur du Sentier Lumineux (le parti communiste du Pérou alors au pouvoir), sont revenus de l’étranger, pétris d’influences diverses. Ils ont ensuite mis à profit leur nouveau savoir en exploitant les aliments péruviens, créant du même coup ce qu’on appelle le courant Novoandina, soit la cuisine fusion péruvienne. C’est notamment le cas de Gastón Acurio, désormais figure de proue de la gastronomie du pays.

Aujourd’hui, le vaste bassin de population de Lima génère un bon roulement de clientèle pour les toques de la capitale, d’autant que la grisaille, qui pèse souvent sur la ville, incite ses habitants à se réfugier au resto. Car c’est surtout à Lima — mais aussi à Cusco et dans quelques grands centres — que se concentrent les meilleures adresses. En voici quelques-unes, toutes délicieusement mises à l’épreuve.
 
À LIMA

La Rosa Nautica
 

La rosa nautica

Restaurant La Rosa Nautica Crédit : @baruche

Même si on n’y servait que des beignets secs et du café surchauffé, ce gracieux resto vaudrait tout de même le détour. Délicatement posé sur pilotis, La Rosa Nautica nargue la mer et se la joue sérieusement romantique avec ses vitraux, ses balcons en dentelles de bois, son piano à queue et ses pavillons qui trônent au bout d’un long quai. Depuis plus de 30 ans, on y sert des classiques de la cuisine péruvienne, dont des tiraditos (céviche en lamelles) nappés d’une savoureuse aji (sauce pimentée qui accompagne tous les plats, ou
presque), des fruits de mer en croûte et toute une variété de légumes indigènes, dont les succulents lucumas, ces fruits au goût de caramel au beurre. Le tout se déguste sur fond de surfeurs, qu’on peut observer de sa table déferler sur les vagues environnantes. larosanautica.com/

Maido

Restaurant Maido

Le restaurant Maido
Crédit: @matoses

«MAIDO! MAIDO! MAIDO!» Tout au long de la soirée, la brigade d’assistants de Mitsuharu Tsumura, chef étoilé péruvien d’origine japonaise, lance ce «bienvenue» nippon dès que des clients arrivent en salle. Ces derniers entrent d’ailleurs en un flot ininterrompu dans cet exceptionnel restaurant nikkei — petit nom donné à la cuisine fusion nippo-péruvienne —, où les plats se suivent, mais ne se ressemblent jamais, qu’on choisisse le menu de 10 ou de 15 services. En fait de plats, ce sont des bouchées toutes plus épatantes les unes que les autres, tant visuellement qu’en bouche, qui dé- filent sans interruption: céviche d’écrevisses et pejerrey (poisson de rivière) sur un lit de linguine de palmita (chair de palmier nain); mijoté de porc et yucca servis dans un bol en peau de porc frite; morue argentée, sauce au cachou et pommes de terre sangre de toro; bœuf gros sel cuit 50 heures dans une sauce soya et saké… Les amalgames sont équilibrés à la perfection, les saveurs et les fumets sont extraordinaires, et l’expérience, elle, tout simplement inoubliable. maido.pe

El Mercado
 

El Mercado

Le restaurant El Mercado
Crédit: El Mercado

Quand il vient saluer les clients qui attendent en file devant son établissement, Rafael Osterling a l’air de quelqu’un qui dort à peine 2 heures par nuit, qui va
au gym douze fois par semaine et qui travaille
36 heures sur 24. Passionné jusqu’à la moelle par
la cuisine traditionnelle péruvienne, il la repense chaque jour. Le fruit de sa réflexion? Un foisonnement
de petits plats à base de poissons et de fruits de mer qu’on commande comme des tapas et qu’on enfourne
en roulant des prunelles. Au menu: limande, crabe, pétoncles et poisson-pierre cuits dans un «lait d’oursin» (le jus de la châtaigne de mer mêlé à celui de
la lime); pieuvre grillée avec aïoli persillé et crème d’olives; tiradito de sébaste — du poisson cru, mariné dans du jus de lime, servi en lamelles — et sauce au plantain… Le tout, d’une fraîcheur exemplaire, est servi sur une terrasse couverte toujours bondée, mais accessible sans réservation. rafaelosterling.pe
 
Museo del pisco

 

Le restaurant Museo Del Pisco

Le restaurant Museo Del Pisco Crédit: Museo Del Pisco

Même si le Chili en revendique la paternité, le Pérou est considéré par plusieurs comme le véritable lieu de nais- sance du pisco, une eau-de-vie de raisin très prisée et particulièrement délicieuse lorsqu’elle sert de base au Pisco sour, le cocktail national. Une chose est sûre, ce der- nier a été inventé au cours des années 1920 dans un restaurant de Lima. Serait-ce au Bolivar ou au Mauri? On ne sait plus très bien. Aujourd’hui, les variétés de cette eau-de-vie et les recettes qui l’intègrent sont nombreuses, et l’un des meilleurs endroits pour les faire rouler en bouche est le «musée du pisco», un resto-bar qui, animé par des musiciens, se transforme en boîte de nuit à la tombée du jour. Cela dit, attention: un verre de pisco à 3400 m d’altitude, ça cogne! museodelpisco.org
 
À CUSCO

Chicha
 

Le restaurant Chicha

Le restaurant Chicha Crédit : @luxoitalia

Propriété du célébrissime Gastón Acurio, le Chicha domine la mignonne Plaza de Armas, à Cusco. Virtuose épatant dans l’assemblage d’épices et d’herbes aromatiques provenant des hauteurs andines, le chef propose une cuisine régionale à la sauce contemporaine. La minestrone concoctée à base de grains (quinoa, kinicha, etc.) et de légumes de la Vallée sacrée? Démente! Le tartare d’alpaga ou la truite fumée servie avec poire de terre et huile d’eucalyptus? Succulents! Le coing cuit au four servi avec mousse au fromage, émulsion de gingembre et croquant de quinoa? Aussi bon sur papier qu’en bouche! Un grand bar à pisco propose aussi une belle sélection de tord-boyaux et un excellent chicha morada. D’ailleurs, ce rafraîchissement à base d’eau de cuisson de maïs mélangée avec du clou de girofle, de la cannelle, des écorces d’ananas et du coing, favoriserait la lutte contre le vieillissement prématuré. Une bonne raison d’en reprendre un verre! chicha.com.

Pachapapa
 

Restaurant Pachapapa

Le restaurant Pachapapa crédit: @cusco_restaurants

Ici, on ne s’enfarge pas dans les
fleurs du tapis contemporain: les
plats du Pachapapa sont typiques de
la cuisine andine, rustique et souvent
bourrative, mais fort goûteuse. Attablés dans un cadre pittoresque, sur
une ravissante terrasse moitié ensoleillée, moitié ensommeillée, on sa
voure les classiques de la maison: les
 humitas (les tamales locales), le tacu
tacu (riz aux haricots) ou le cochon
d’Inde al horno (cuit au four), dont l’apparence peut en rebuter plus d’un, mais dont la chair délicate évoque celle du lapin. Le Pachapapa sert aussi quelques mets chifa (sino-péruviens), comme le délectable lomo saltado (bœuf sauté et flambé au pisco), ainsi que des plats nationaux typiques, comme la papa rellena (pomme de terre farcie), l’aji de gallina (poulet émincé nappé d’une sauce crémeuse relevée) ou les juanes de arroz (mélange de poulet et de riz enrobé de feuilles de bananiers). cuscorestaurants.com/pachapapa
 
À ESSAYER AUSSI

LA NUEVA PALOMINO, À AREQUIPA
Ouvert depuis la fin du XIXe siècle,
cet établissement honore les traditions gastronomiques incas et préincas: tout y est préparé à la main et cuit au feu de bois. facebook.com/LaNuevaPalomino

AL FRIO Y AL FUEGO, À IQUITOS
Aménagé sur une plate-forme flottante, ce restaurant sert de succulents céviches à base de poissons
de rivière, en plein cœur de l’Amazonie. alfrioyalfuego.com

HUACA PUCLLANA, À LIMA
Situé en face d’une impressionnante pyramide d’adobe (argile) vieille de 1500 ans, ce restaurant sert d’excellents mets péruviens, dont des humitas et des causitas pucllana, sortes de boulettes
à base de pomme de terre, crevettes et avocat. resthuacapucllana.com

Autres infos: peru.travel.fr

 

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