Ces deux dernières années, le magazine National Geographic a vanté plutôt deux fois qu’une la Gaspésie. D’abord en l’inscrivant parmi ses «50 destinations incontournables du globe», en 2009; ensuite en l’intégrant dans sa liste des «20 meilleures destinations à visiter», en 2011.

Pourquoi un tel engouement pour cette région? Il est dû au relief splendide et varié de la péninsule, à son chapelet de sommets qui comptent parmi les plus élevés de la province et à la mer aux bleus si intenses, entre autres. Mais il y a plus: l’accueil des Gaspésiens, les fruits de mer obèses, l’air marin et les expériences surprenantes qu’on y vit valent à eux seuls le voyage. Demandez à mon fils.

Gaspésie côté jardins

Assis sur Bascule, une balançoire surdimensionnée créée par le collectif Cédule 40, mon fiston de cinq ans sème à tous vents. Sans le savoir, en se balançant, il provoque la rotation de silos perchés à 5,5 m du sol et disperse des grains de maïs autour de lui. Et il contribue, en s’amusant, à animer une oeuvre d’art.

Depuis une douzaine d’années, le Festival international de jardins de Métis (200, route 132) donne lieu à de surprenantes installations d’art contemporain au beau milieu d’aménagements floraux. L’été dernier, on pouvait ainsi grimper sur la plus grande table de pique-nique du monde (Être aux oiseaux, conçue par NIPpaysage) ou sautiller sur un filet tendu au-dessus de plantes aromatiques, déplaçant ainsi assez d’air pour répandre leurs effluves (Dymaxion sleep, de Jane Hutton et Adrian Blackwell).

Toutes ces initiatives ludiques tranchent avec les Jardins de Métis, aménagés par Elsie Reford entre 1926 et 1958, non loin des demeures cossues de Métis-sur-Mer. Aujourd’hui, ils sont considérés comme un Lieu historique national du Canada et comptent 3000 fleurs et plantes. Avec son cadre enchanteur, à l’orée de la Gaspésie, cet endroit est idéal pour laisser gambader ses gamins et… leur inculquer quelques rudiments du sens de la vie. «Pourquoi les abeilles butinent-elles, p’pa?»

 

Pour bien expliquer à fiston tous les aspects de la reproduction dans la nature, je l’emmène au barrage Mathieu- D’Amours (260, av. Saint-Jérôme), à Matane. Grâce à trois baies vitrées, on assiste en direct au fabuleux phénomène migratoire des saumons atlantiques, qui essaient de gravir les «marches » de la rivière pour aller batifoler en amont. «Tu vois mon garçon, gagner le coeur de sa douce, ça demande un minimum d’efforts!»

Après les saumons roses, les éléphants blancs: c’est 70 km plus loin que se dresse l’Éole Cap-Chat (route 132, route du Village-du-Cap), la plus haute éolienne à axe vertical du monde, une machine qui est… inutilisable. Affectueusement surnommée «le batteur à oeufs», elle ne sert plus qu’à épater la galerie. Et ça marche: fiston est tout à fait ébahi par la taille de l’objet.

Mais il en pince davantage pour Exploramer (1, rue du Quai), à Sainte-Anne-des-Monts. Ce vaste complexe d’activités sur le milieu marin est un must familial en Gaspésie. D’abord, une série de bassins permet de toucher du doigt homards, concombres de mer, astéries et autres créatures marines; ensuite, des excursions vivifiantes sur un bateau de pêche nous font découvrir l’écosystème du fleuve et nous initient à l’art de lever des casiers à crabes.

Il est temps de quitter la mer pour les hautes terres intérieures. «Ce soir, on campe dans le parc de la Gaspésie! » Voilà ce que j’annonce triomphalement à l’héritier. Enfin, façon de parler: nous dormons dans une tente Huttopia, déjà montée et tout équipée, avec matelas, frigo, poêle et aire commune. En famille, c’est extra: il suffit de garer sa voiture, d’ouvrir la valise, de transférer les bagages et hop! Jusqu’à cinq personnes peuvent y loger. Et la toile opaque permet aux jeunes de dormir tard le matin…

Gaspésie côté cour

Le lendemain, cap sur le sentier du mont Ernest-Laforce (1981, route du Parc), une randonnée en pente douce qui permet de jouir d’un panorama à 360° en plein coeur d’un «cirque» de montagnes – dont les éminents monts Albert (1154 m) et Jacques-Cartier (1268 m) – et surtout d’observer la faune au naturel. «T’as vu, papa? C’est notre septième orignal!» exulte fiston, avant qu’une maman ours et son rejeton fassent leur apparition au bout de nos jumelles, au fond de la vallée.

Les émotions, ça creuse. Après avoir enfourné un succulent saumon au gingembre et à l’érable au Gîte du Mont-Albert (2001, route du Parc), fiston et moi remontons à bord de notre bolide. Direction: Gaspé, à 240 km de là. En chemin, nous nous arrêtons au phare rouge pompier de La Martre (10, av. du Phare), du haut duquel la vue est splendide, puis nous passons par la municipalité de Mont- Saint-Pierre, capitale du parapente – «désolé, fils, tu es trop jeune pour ça, et moi, trop trouillard» -, et enfin par Petite-Vallée, célèbre pour son Festival en chanson, avant d’arriver à Gaspé.

Depuis les fusions, Gaspé forme une interminable municipalité de 150 km qui regroupe 17 villages côtiers, dont Cap-des-Rosiers et son illustre phare, le plus haut du Canada, ainsi que Cap-aux-Os, qui doit son nom aux nombreux ossements de baleine jadis trouvés sur la jolie plage. Et c’est non loin de là que nous embarquons pour partir à la rencontre des fabuleux géants des mers.

Des baleines à en perdre haleine

«Là!» Dans son ciré jaune, fiston hurle comme un dément et sautille comme une grenouille, debout sur le banc du bateau: il vient d’apercevoir sa première baleine à vie. Et quelle baleine! Un rorqual bleu, plus grande créature vivante de la planète, bien plus présente au large de la baie de Gaspé que dans le Saint-Laurent.

En cette pétulante journée de juillet, seul notre bateau croise dans ces eaux, et nous seuls assistons au ballet du cétacé, qui crachote et «roule sa bosse» à une dizaine de reprises, avec comme toile de fond les ahurissantes falaises blanches du parc national Forillon et, au loin, le rocher Percé. «Fils, connais-tu le sens du mot "inoubliable"?»

Après une pause rafraîchissements sur l’immense plage Haldimand, de l’autre côté de la baie de Gaspé, nous reprenons la route direction sud. La côte en zigzag, absolument ravissante, est ponctuée çà et là de bicoques esseulées, de cimetières marins et de champs fleuris. Jusqu’à ce qu’elle débouche, après la longue montée du pic de l’Aurore, sur l’inégalable tableau de Percé et de l’île Bonaventure. «C’est là que vivent les fous du bassin?» Que oui. Le parc national de l’Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé (4, rue du Quai) rassemble la plus grande et la plus accessible colonie de fous de Bassan du monde, soit 120 000 grands oiseaux qui piaillent et virevoltent, dont plusieurs milliers qu’on voit de très près, après une enivrante balade de 30 minutes. «Tu vois, c’est ça, un fou de Bassan; le fou du bassin, c’est toi quand tu danses sur du Gorillaz!»

Fin de course

En reprenant la route, nous faisons un saut au magasin général de l’Anse-à-Beaufils (32, rue à Bonfils), dont l’authentique bric-à-brac est accumulé depuis 1928; au Banc-de-Pêche-de-Paspébiac (3e Rue, Paspébiac), dont les vénérables bâtiments semblent tout droit sortis des îles Anglo-Normandes; puis au parc municipal de New Carlisle, pour que fiston se délie les jambes. C’est là que les autorités ont érigé – une vraie honte – une ridicule statue riquiqui de René Lévesque, natif de ce village. «Ne te fie pas aux apparences, fiston, c’était vraiment un grand homme.»

Nous nous dirigeons un peu plus à l’ouest et arrivons trop tard pour parcourir le Bioparc de Bonaventure (123, rue des Vieux-Ponts), où batifolent une trentaine d’espèces animales en semi-liberté; quant à la plus vieille grotte du Québec, à Saint-Elzéar (par l’av. de Grand-Pré, direction Saint- Elzéar), elle ne peut être visitée que sur réservation. Peu importe, nous n’avons qu’une envie: canoter jusqu’à notre yourte flottante.

Depuis l’an dernier, trois de ces authentiques tentes mongoles sont aménagées au beau milieu de l’eau, dans la baie fermée de Carleton-sur-Mer (dans la baie des Chaleurs). Installées sur des plateformes stables, les yourtes offrent un lit double, un poêle au gaz, de l’eau potable, des toilettes sèches… Et c’est sans compter l’ambiance, totalement onirique.

En ce dernier soir en terre gaspésienne, j’observe la lune braquer son projecteur sur les eaux lisses de la baie, bien affalé sur ma terrasse flottante. Et tandis que fiston compte les étoiles, je le contemple et me réjouis de passer la nuit sur la mer, cette mer qui a si bien façonné ce coin de pays.

 

Carnet de bord

Dormir au très urbain Riôtel Matane et dans les vastes suites familiales du Riôtel Percé (riotel.com); au joli gîte Au Presbytère, à Percé (perce-gite.com); au superbe gîte historique L’Émerillon, à Gaspé (gitelemerillon.ca); dans le luxe rustique de l’Auberge de montagne des Chic-Chocs (chic-chocs.com); en yourte flottante (aux4vents.ca).

Manger bien et pas cher à la Table du Capitaine, à Matane (riotel.com), et à la ravissante Auberge Château Lamontagne, à Sainte-Anne-des-Monts (chicchocs.ca); très bien à la Maison Wakeham (maisonwakeham.ca); dignement à l’Hôtel La Normandie (normandieperce.com); délicieusement à la Maison du Pêcheur, à Percé (maisondupecheur.ca); et divinement au Café de la petite école, à Nouvelle (418 794-1391). Pour l’ambiance bistro, à La broue dans l’toupet, à Mont-Louis (labrouedansltoupet.com) ou au Brise Bise (brisebise.ca), un bistro sans prétention de Gaspé.

Rechercher l’appellation Fourchette bleue, gage de saine gestion des ressources marines, dans les restos et poissonneries.

Visiter le Centre d’art Marcel Gagnon, à Sainte-Flavie (centredart.net); le Musée de la Gaspésie, à Gaspé (museedelagaspesie.ca); le Parc national de Miguasha, qui figure sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco (sepaq.com/pq/mig); le surprenant vignoble de Saint-Ulric (vignoblecarpinteri.com).

Découvrir les origines des soins corporels à la Savonnerie Olivier, à Amqui (les4soeursarbour.com).

Aller en thalasso à l’Auberge du parc (aubergeduparc.com) et à l’auberge Aqua-Mer (aquamer.ca).

S’informer sur tourismegaspesie.com.

 


À DÉCOUVRIR: Voyager sur la Côte-Nord